LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trois mai mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller de BOUILLANE de LACOSTE, les observations de Me COUTARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Basile-
contre un arrêt de la cour d'appel d'ANGERS 2° chambre, en date du 17 mars 1987 qui, après l'avoir condamné pour homicide involontaire, s'est prononcé sur les réparations civiles ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a fixé à la somme de 2 353 950 francs le préjudice économique subi par Mme Y... du fait du décès de son mari ; " aux motifs que le préjudice de la veuve est le suivant :
" préjudice économique (calculé d'après les revenus du défunt l'année du décès avec majoration de 6 % pour réévaluation au jour du jugement, après déduction d'auto-consommation de 30 % avec une valeur du point rentre viagère (barème de capitalisation de 15, 693).......................... 2 353 950, 00 F " ; " alors d'une part qu'en retenant comme base de calcul les revenus du défunt avant impôts, ce qui revenait à intégrer dans le préjudice réparable de Mme Y... le montant des sommes que son mari aurait reversées au Trésor public, la cour d'appel a violé le principe selon lequel la réparation ne doit procurer aucun enrichissement à la victime ; " alors d'autre part que les conclusions additionnelles déposées le 10 février 1987 par X... demandaient à la Cour de tenir compte, dans l'évaluation du préjudice économique de Mme Y..., de l'incidence fiscale ; qu'en s'abstenant en tout état de cause de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision " ; Vu lesdits articles ;
Attendu que si les juges apprécient souverainement le préjudice résultant d'une infraction, il en est autrement lorsque cette appréciation est déduite de motifs ne répondant pas aux conclusions des parties ; Attendu que, statuant sur la réparation des conséquences dommageables de l'accident dont X..., reconnu coupable d'homicide involontaire sur la personne de Y..., avait été déclaré responsable, les juges allouent notamment à la veuve de la victime, au titre de son préjudice économique, une indemnité en capital calculée sur la base du revenu imposable de son mari ; Mais attendu qu'en se prononçant ainsi sans répondre aux conclusions du prévenu selon lesquelles, sous peine de procurer un enrichissement à la veuve, qui n'aurait pas à acquitter d'impôts sur un capital perçu par elle à titre indemnitaire, il convenait de soustraire du revenu de Y... le montant des impôts que celui-ci aurait payés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, en date du 17 mars 1987, mais seulement en ce qu'il a évalué à la somme de 2 353 950 francs le préjudice économique de Mme Y..., toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;