LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trois mai mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire MARON, les observations de la société civile professionnelle LEMAITRE et MONOD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur les pourvois formés par :
- Y... Louis,
- X... Joseph,
contre un arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 20 mai 1987 qui a condamné Y... à 1 500 francs d'amende avec sursis pour ouverture illicite d'un débit de boissons et X... à 20 000 francs d'amende pour complicité de ce délit et a ordonné la fermeture de l'établissement ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits
Sur le premier moyen de cassation de Y..., pris de la violation des articles L. 42, L. 44 du Code des débits de boissons, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable du délit d'ouverture illicite d'un débit de boissons de quatrième catégorie et l'a condamné à la peine de 1 500 francs d'amende avec sursis ; " aux motifs qu'entendu le 16 novembre 1984, dans le cadre de l'enquête sur la déclaration de mutation effectuée par Louis Y..., X... indiquait qu'il avait fermé le Panoramic et qu'il n'avait plus exploité la licence s'y attachant au début de l'année 1983, date à laquelle son débit de boissons n'était plus en état de recevoir du public ; qu'il résulte ainsi des déclarations mêmes de ce prévenu, corroborées par les constatations des services de police, qu'à la date du 3 juillet 1984, qui est celle de la cession de la licence par X... à Y..., cette licence n'était plus exploitée depuis plus d'une année et était donc frappée de péremption ; que Y... soutenant qu'il ignorait la péremption de la licence, il résulte du dossier qu'il a exploité, avec Mme Z..., cette licence à compter du 20 avril 1984 et que cette exploitation a été poursuivie par les intéressés malgré la notification de cette exploitation irrégulière qui leur a été faite le 16 novembre 1984 par le Parquet de Millau ; que s'agissant d'un délit continu, que Louis Y... et Maria Z... se sont bien rendus coupables de l'infraction qui leur est reprochée " ;
" alors que d'une part la péremption de licence suppose que l'exploitant ait cessé d'exploiter son débit de boissons pendant plus d'un an ; que faute d'avoir précisé la date exacte à laquelle le cédant avait cessé d'exploiter le débit de boissons litigieuses, l'arrêt attaqué n'a pu valablement déclarer la licence périmée et par suite, déclarer Y... coupable du délit d'ouverture illicite de débit de boissons ; que dès lors, en statuant par ces seuls motifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; " alors que d'autre part le délit d'ouverture illicite d'un débit de boissons supposait constatée la mauvaise foi du prévenu au moment de la cession du fonds et de la licence, et non pas au moment de l'engagement des poursuites pénales ; qu'il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué que Y... ait eu lors de la reprise du débit de boissons litigieux, connaissance de la péremption de la licence autorisant son exploitation ; que dès lors, la cour d'appel, qui se borne à déduire la mauvaise foi du prévenu du seul fait qu'il ait poursuivi l'exploitation de son débit de boissons postérieurement à la notification effectuée par le parquet de Millau, n'a pas répondu aux conclusions du demandeur qui démontrait sa bonne foi au moment de la conclusion du contrat de cession, et n'a pas donné de base légale à sa décision " ; Sur le moyen unique de cassation de X..., pris de la violation des articles L. 44 du Code des débit de boissons, 59 et 60 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de complicité du délit d'ouverture illicite de débit de boissons ; " aux motifs qu'il ressort à l'évidence du dossier de la procédure que X... a cédé à ses deux coprévenus, une licence qu'il a reconnu lui-même ne plus avoir exploité depuis plus d'un an et qu'il n'ignorait donc pas qu'elle était atteinte par la péremption ;
" alors que d'une part la péremption de la licence suppose que l'exploitation du débit qui y est attaché n'ait pas été poursuivie depuis plus d'un an ; qu'il ne résulte pas des motifs contradictoires de l'arrêt attaqué, qui énonce successivement que X... aurait fermé son établissement le 1er janvier 1982, puis au mois de juillet de la même année, plus enfin au début de l'année 1983, de preuves attestant de la date exacte de cessation d'exploitation dudit débit ; que dès lors, l'arrêt attaqué, ne pouvait valablement déclarer le demandeur coupable de complicité d'ouverture illicite de débit de boissons, alors que la cour d'appel n'a pas pu caractériser la date exacte de la cession d'exploitation dudit débit et par suite la réalité de la péremption de la licence cédée ; qu'ainsi, statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; " alors que d'autre part, la complicité suppose l'existence d'un élément moral qui réside d'une part dans la connaissance et d'autre part dans la volonté plus immédiate de participer à l'infraction principale ; que faute pour l'arrêt attaqué d'avoir suffisamment caractérisé les éléments constitutifs de cet élément moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Les moyens étant réunis ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Y... a acquis de X... une licence de débit de boissons de 4ème catégorie en vertu de laquelle ce dernier avait exploité l'établissement " le Panoramic " ; que Y... a, sous le couvert de cette licence, ouvert un nouveau débit ; Attendu que pour déclarer Y... coupable d'ouverture illicite de ce débit la juridiction du second degré retient que le débit " le Panoramic " avait cessé d'être exploité depuis plus d'un an avant la cession de la licence et que celle-ci, périmée par l'effet de l'article L. 44 du Code des débits de boissons, ne pouvait plus être cédée ; Attendu en outre, que pour retenir la complicité de X... l'arrêt attaqué relève que le prévenu a cédé à Y... la licence " qu'il a reconnu lui-même ne plus avoir exploitée depuis plus d'un an et qu'il n'ignorait donc pas qu'elle était atteinte par la péremption " ; Attendu qu'en cet état, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation de Y..., devenu sans objet en raison du rejet du premier moyen, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ; Que dès lors les moyens doivent être écartés ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois