LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-neuf avril mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ZAMBEAUX, les observations de la société civile professionnelle Philippe et Claire WAQUET et Hèlene FARGE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur les pourvois formés par :
- B... Jean,
- Y... Philippe,
- A... Philippe,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PAU, en date du 2 décembre 1987, qui les a renvoyés devant la cour d'assises du département des PYRENEES-ATLANTIQUES composée conformément à l'article 698-6 du Code de procédure pénale, sous l'accusation :
1° / Y... et A... d'arrestation et séquestration arbitraire de personnes prises comme otages, vols avec arme, destruction ou dégradation de biens immobiliers appartenant à autrui par l'effet de substances explosives et en bande organisée, vol, recel, violences et voies de fait envers témoins,
2° / Y... et B... de détention sans autorisation de substances explosives et fabrication sans autorisation d'un engin meurtrier ou incendiaire agissant par explosion ; 3° / les trois accusés, d'association de malfaiteurs ; Ces crimes et délits connexes étant commis en relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ; Vu le mémoire produit, commun aux trois demandeurs ; Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 243 à 253 et 698-6 du Code de procédure pénale, 593 de ce Code, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs ; " en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé les inculpés devant la cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques composée conformément aux dispositions de l'article 698-6 du Code de procédure pénale ;
" alors que, dans un mémoire laissé sans réponse, les inculpés faisaient valoir que la cour d'assises composée selon les dispositions de l'article 698-6 du Code de procédure pénale ne satisfait pas aux obligations d'indépendance et d'impartialité exigées par l'article 6 de la convention susvisée ; qu'en s'abstenant de répondre à cette articulation essentielle du mémoire des inculpés, la Cour a privé l'arrêt attaqué de toute base légale au regard des textes susvisés " ; Attendu que ce moyen qui porte sur la composition de la juridiction de jugement n'est pas recevable en l'état ; Sur le premier moyen de cassation, propre à Y..., et pris de la violation des articles 117, 118, 170, 206, 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ; " en ce que l'arrêt attaqué a omis de prononcer la nullité de l'interrogatoire en date du 18 septembre 1986 (pièce cotée D. 133) ainsi que de toute la procédure subséquente ; " alors que, lors de sa première comparution devant le magistrat instructeur le 31 juillet 1986, l'inculpé Y... avait désigné Me Choucq, du barreau de Nantes, et Me Abeberry, du barreau de Bayonne, sans autres précisions, de sorte que ces deux conseils devaient être convoqués pour tous les interrogatoires ; qu'il résulte du procès-verbal d'interrogatoire que les conseils de l'inculpé ont été convoqués par lettres recommandées adressées le vendredi 12 septembre 1986 à 18 heures pour assister à l'interrogatoire qui s'est déroulé le jeudi 18 septembre 1986, de sorte qu'il ne s'est pas écoulé un délai de quatre jours ouvrables entre l'envoi de la convocation et ledit interrogatoire ; que, dès lors, en ne déclarant pas d'office la nullité de cet interrogatoire et de la procédure subséquente, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés sans que les dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale puissent trouver à s'appliquer dès lors que l'un des conseils de l'inculpé n'a pu assister à l'interrogatoire, les irrégularités ayant nécessairement nui aux intérêts de la défense " ; Sur le deuxième moyen de cassation, propre à A..., et pris de la violation des articles 118, 170, 206, 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a omis de prononcer la nullité de l'interrogatoire du 20 octobre 1986 ainsi que celle de la procédure subséquente (D. 139) ;
" alors qu'il appartient à la chambre d'accusation d'examiner la régularité des procédures qui lui sont soumises et d'en prononcer, le cas échéant, la nullité d'office ; qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal d'interrogatoire de l'inculpé A... que ses conseils ont été convoqués par lettres recommandées adressées le mardi 14 octobre 1986 à 18 heures pour assister à l'interrogatoire de l'inculpé qui s'est déroulé le lundi 20 octobre 1986, de sorte qu'il ne s'est pas écoulé un délai de quatre jours ouvrables entre l'envoi des convocations et ledit interrogatoire ; qu'aucun des conseils de l'inculpé n'ayant pu assister audit interrogatoire, il appartenait à la chambre d'accusation d'en prononcer la nullité ainsi que celle de toute la procédure subséquente " ; Les moyens étant réunis ; Vu lesdits articles ; Attendu, d'une part, que selon l'article 118 du Code de procédure pénale l'inculpé ne peut être entendu ou confronté, à moins qu'il n'y renonce expressément, qu'en présence de son conseil ou celui-ci dûment appelé ; qu'au plus tard quatre jours ouvrables avant l'interrogatoire le conseil est convoqué par lettre recommandée ou par un avis qui lui est remis contre récépissé ; Attendu, d'autre part, que l'article 117 du même Code édicte que lorsque l'inculpé fait choix de plusieurs conseils et n'a pas désigné celui auquel les convocations et notifications devraient être adressées celles-ci le seraient au conseil le premier choisi ainsi qu'au deuxième conseil lorsque celui-ci n'est pas inscrit au même barreau que le premier ; Attendu qu'il résulte de la procédure que Y... a été interrogé le jeudi 18 septembre 1986 et A... le lundi 20 octobre 1986 alors que les lettres recommandées convoquant leurs deux premiers conseils respectifs, appartenant pour chacun, à deux barreaux différents, et dont aucun n'avait été désigné spécialement pour recevoir les convocations, n'ont été expédiées, en ce qui concerne le premier interrogatoire, que le vendredi 12 septembre 1986, et le second interrogatoire, que le mardi 14 octobre 1986 ; qu'ainsi le délai de quatre jours ouvrables exigé par l'article 118 du Code de procédure pénale n'a été observé ni dans l'un ni dans l'autre cas ; Que si l'un des conseils d'Y... a assisté à l'interrogatoire du 18 septembre 1986 l'autre n'était pas présent non plus que, le 20 octobre 1986 aucun des avocats d'A... ; Que dès lors les nullités encourues en vertu de l'article 170 du Code de procédure pénale, dont aucune mention de la procédure n'établit que les inculpés aient renoncé à se prévaloir, ont nécessairement eu pour effet de porter atteinte à leurs intérêts ;
D'où il suit qu'en ne déclarant pas d'office, par application de l'article 206 du même Code, la nullité des interrogatoires des 18 septembre et 20 octobre 1986 et en ne tirant pas de ces constatations les conséquences qui en découlaient la chambre d'accusation a méconnu les principes ci-dessus rappelés ; Qu'ainsi la cassation est encourue ; Par ces motifs,
1° / REJETTE le pourvoi de Lopez ; Le condamne aux dépens ; 2° / CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Pau du 2 décembre 1987 en ses seules dispositions relatives à Y... et A...,
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les partie devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil,
Et pour le cas où il y aurait lieu à mise en accusation de Y... et A...,
Vu l'article 611 du Code de procédure pénale ; Réglant de juges par avance ; DIT que la chambre d'accusation renverra les accusés devant la cour d'assises du département des Pyrénées-Atlantiques composée conformément à l'article 698-6 du Code de procédure pénale ;