LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ Monsieur Jean D...,
2°/ Madame D..., née Georgette X...,
demeurant ensemble à Crest (Drôme), 1, plan Baix,
3°/ Madame C..., veuve X..., demeurant à Suze-sur-Crest (Drôme), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 novembre 1986 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), au profit de :
1°/ Monsieur A...,
2°/ Madame A...,
demeurant ensemble à Suze-sur-Crest (Drôme), ...,
défendeurs à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 24 février 1988, où étaient présents :
M. Monégier du Sorbier, président ; M. Garban, conseiller référendaire rapporteur ; MM. B..., E..., F..., Y..., Didier, Magnan, Cathala, Gautier, Douvreleur, Bonodeau, Peyre, Beauvois, conseillers ; M. Z..., Mme Cobert, conseillers référendaires ; M. Marcelli, avocat général ; Mlle Bodey, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Garban, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat des époux D... et de Mme C..., veuve X..., les conclusions de M. Marcelli, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt atatqué (Grenoble, 3 novembre 1986) que Mme X... et les époux D..., propriétaires indivis d'un domaine rural, ont fait délivrer congé aux époux A..., fermiers, pour le 1er novembre 1980, à fin de reprise au profit des époux D... ; que les preneurs ont contesté le congé en soutenant que les bénéficiaires de la reprise devaient justifier d'une autorisation de cumul et que la reprise ramènerait la superficie de leur exploitation à une surface inférieure à la superficie minimum sans la supprimer totalement ;
Attendu que les époux D... font grief à l'arrêt d'avoir décidé que l'appel ne portait que sur le jugement du 22 juillet 1985, la déclaration d'appel ne mentionnant pas expressément les précédents jugements, alors, selon le moyen, "d'une part, que la cour d'appel a soulevé d'office le moyen sur l'irrecevabilité de l'appel contre les jugements avant dire droit qui n'était pas opposé par les intimés ; que la cour d'appel a, ce faisant, outrepassé ses pouvoirs et violé les articles 4, 5 et 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que la cour d'appel se contredit lorsqu'elle déclare qu'il n'est pas nécessaire que les appels des jugements avant dire droit et l'appel du jugement sur le fond soient exercés dans un seul et même acte, puis déclare irrecevable l'appel des jugements avant dire droit parce que lesdits jugements n'étaient pas mentionnés dans la déclaration d'appel ; que la cour d'appel a donc violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, qu'aucune disposition légale ne réglemente la forme de l'appel des jugements avant dire droit ayant précédé le jugement sur le fond frappé d'appel ; qu'il est seulement interdit de les frapper d'appel avant le jugement sur le fond ; que la cour d'appel a donc ajouté à la loi une disposition qui n'y figure pas et a violé les articles 544 et 545 du nouveau Code de procédure civile ainsi que l'article 150 du même code" ; Mais attendu que tenue de vérifier l'étendue de sa saisine, la cour d'appel, en constatant que l'acte d'appel qui doit désigner le jugement dont il est fait appel, ne mentionnait que le jugement du 22 juillet 1985, a, sans violer aucun texte, fait une exacte application de ses pouvoirs ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen :
Attendu que les époux D... font grief à l'arrêt d'avoir décidé que les jugements des 25 février 1980 et 10 juin 1980 étaient des jugements mixtes devenus définitifs et qu'en conséquence leur demande additionnelle en résiliation du bail pour non déclaration des terres cultivées, se heurtait à l'autorité de la chose jugée, alors, selon le moyen, "d'une part, que le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée n'est pas d'ordre public ; qu'il ne peut être soulevé d'office par les juges du fond ; que dans le présent litige, ce moyen n'ayant pas été présenté par les preneurs, la cour d'appel a outrepassé ses pouvoirs en le soulevant d'office et a donc, tout à la fois, faussement appliqué les articles 1350 et 1351 du Code civil et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que dans les jugements susvisés des 25 février et 10 juin 1980, le tribunal déclarait statuer "avant dire droit au fond, tous droits et moyens des parties réservés" ; qu'il s'agissait donc bien de jugements avant dire droit dont l'appel pouvait être différé jusqu'au jugement sur le fond ; qu'au surplus, le jugement du 10 juin 1980 rejetait une fin de non recevoir mais ne mettait pas fin à l'instance ; que la cour d'appel a donc violé les articles 544 et 545 du nouveau Code de procédure civile" ; Mais attendu que le moyen tiré de la chose jugée étant d'ordre public quant au cours d'un même litige, il est statué sur les suites d'une précédente décision passée en force de chose jugée, la cour d'appel s'est fondée à bon droit sur les chefs de dispositif du jugement du 25 février 1980, retenant que M. A... louait d'autres terres, et du jugement du 10 juin 1980 déboutant les bailleurs d'une demande d'annulation et de résiliation du bail, lesquels tranchaient ainsi une partie du principal ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen :
Attendu que les époux D... font grief à l'arrêt d'avoir annulé le congé et refusé de surseoir à statuer jusqu'à ce que la commission départementale des structures ait donné son avis, alors, selon le moyen, "que, dans le jugement du 15 décembre 1982, le tribunal administratif se contentait d'annuler la décision du Préfet de la Drôme du 27 juin 1980 qui accordait aux consorts X... l'autorisation visée par l'article 845 du Code rural, en se bornant à prendre acte de l'engagement souscrit par M. D... d'installer un descendant sur son exploitation dans un délai de cinq ans et en décidant qu'en l'absence d'autorisation à délivrer, la commission départementale des structures agricoles n'avait pas à être saisie ; que par ce jugement, le tribunal administratif ne tranchait pas définitivement les droits de M. D... à obtenir une autorisation de cumul ; qu'il en résultait seulement que la commission départementale des structures devait être saisie contrairement à la décision préfectorale ; qu'en conséquence, le jugement du tribunal administratif a eu pour seul effet de replacer le litige dans l'état où il se trouvait avant la décision préfectorale annulée et n'a pu entraîner la fin de la prorogation du bail en cours, que les juges devaient donc surseoir à statuer jusqu'à ce que la commission des structures qui était saisie se soit prononcée et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 411-58, alinéa 5, du Code rural" ; Mais attendu qu'ayant constaté que la décision administrative reconnaissant aux époux D... la possibilité de reprendre les terres sans avoir à justifier d'une autorisation de cumul, avait été annulée par jugement définitif du 15 décembre 1982, la cour d'appel en a exactement déduit que faute d'avoir à nouveau sollicité une telle autorisation, ces derniers ne remplissaient pas, à la date d'expiration du bail prorogé jusqu'au 1er novembre 1983, les conditions légales de la reprise ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;