LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
I. Sur le pourvoi n° 85-41.904 formé par :
1°/ la société TOTAL, Compagnie Française de Raffinage, dont le siège social est ... à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), représentée par son président-directeur général domicilié audit siège,
2°/ la société TOTAL, Compagnie Française de Distribution, devenue la Compagnie de Raffinage et de Distribution Total, dont le siège social est ... (16ème), agissant par ses représentants légaux, domiciliés audit siège,
contre :
Monsieur et Madame X... TROUVE, domiciliés Les Aubergeons Anjou, Roussillon (Isère),
II. Sur le pourvoi n° 85-42.077 formé par Monsieur et Madame X... TROUVE, domiciliés Les Aubergeons Anjou, Roussillon (Isère),
contre :
1°/ la société TOTAL, Compagnie Française de Raffinage, dont le siège social est ... à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), représentée par son président-directeur général domicilié audit siège,
2°/ la société TOTAL, Compagnie Française de Distribution, devenue la Compagnie de Raffinage et de Distribution Total, dont le siège social est ... (16ème), agissant par ses représentants légaux, domiciliés audit siège,
en cassation d'un même arrêt rendu le 31 janvier 1985 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), entre eux ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 février 1988, où étaient présents :
M. Le Gall, conseiller le plus ancien faisant fonction de président ; Mme Blohorn-Brenneur, conseiller référendaire rapporteur ; M. Benhamou, conseiller ; M. Dorwling-Carter, avocat général ; Mme Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Blohorn-Brenneur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat des sociétés Total Compagnie Française de Raffinage et Compagnie Française de Distribution, les conclusions de M. Dorwling-Carter, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Vu la connexité, joint les pourvois n°s 85-41.904 et 85-42.077 ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 31 janvier 1985), les époux Y... étaient locataires-gérants d'une station-service, en vertu d'un contrat passé avec les sociétés Total Compagnie Française de Raffinage (CFR) et Total Compagnie Française de Distribution (CFD) ; qu'en 1976, à la suite d'importantes fuites dans les réservoirs de carburants, une mésentente s'est installée entre les parties ; que l'employeur, constatant que les époux Y... ne payaient plus comptant les livraisons de carburant, contrairement aux stipulations du contrat, a obtenu la nomination d'un administrateur provisoire ; que sur assignation des époux Y..., la cour d'appel de Grenoble, par arrêt du 8 novembre 1977, devenu irrévocable, a confirmé l'incompétence du conseil de prud'hommes en ce qui concerne la prise en charge du déficit commercial et leur a reconnu la qualité de salarié ; que le 26 novembre 1980, les époux Y... étaient licenciés pour faute grave ; Sur les trois moyens réunis du pourvoi n° 85-42.077 formé par les époux Y... :
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de s'être déclaré incompétent pour connaître de l'imputation des éventuels déficits commerciaux de la station-service, alors que, d'une part, la cour d'appel s'est contredite en retenant l'incompétence de la juridiction prud'homale, les litiges relatifs au paiement des salaires relevant de la compétence du conseil de prud'hommes, alors que, d'autre part, l'arrêt ne pouvait retenir comme cause réelle et sérieuse de licenciement des faits relevant de la juridiction consulaire et que c'est précisément parce qu'ils exigeaient le strict respect du contrat et des décisions de référé que l'employeur a décidé de les licencier alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait considérer que le licenciement de M. Y... devait nécessairement entraîner celui de son épouse ; Mais attendu, d'une part, que, sans se contredire, la cour d'appel a relevé qu'un précédent arrêt, devenu irrévocable, avait décidé que l'imputation des déficits d'exploitation ne relevait pas de la compétence de la juridiction prud'homale ; que, d'autre part, contrairement aux allégations du pourvoi, la cour d'appel a retenu que le contrat de gérance avait été signé par les époux Y... qui participaient tous deux à la direction de la station et qu'il leur était reproché une mauvaise gestion et le refus d'exécuter les ordonnances de référé ; que les moyens ne peuvent être accueillis ; Et sur le pourvoi n° 85-41.904 des sociétés CFR et CFD :
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir homologué le rapport d'expertise et de les avoir déboutées de leur demande tendant au rejet de la comptabilité de leurs anciens locataires-gérants, alors que, d'une part, la cour d'appel, qui a ainsi accepté le recours aux documents comptables pour la détermination des bénéfices, s'est contredite puisqu'elle reconnaît par ailleurs que la comptabilité était fort mal tenue, qu'elle comportait de grossières erreurs et qu'elle n'était pas digne de foi ; qu'ainsi l'arrêt attaqué est entaché d'une contradiction qui équivaut à un défaut de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, les sociétés n'ont jamais admis, même implicitement, les résultats calculés par l'expert ; qu'au contraire, elles ont, dans leurs conclusions d'appel, critiqué l'ensemble des pièces comptables sur lesquelles l'expert s'est fondé pour ses calculs ; qu'ainsi la cour d'appel a dénaturé les conclusions des sociétés et méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil ; Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de contradiction de motifs et de violation de la loi, le moyen, qui ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation les preuves dont les juges du fond ont souverainement apprécié la valeur et la portée, ne saurait être accueilli ; Sur le second moyen :
Attendu que les sociétés font encore grief à l'arrêt d'avoir décidé que M. Y... devait être classé dans la position III, A, premier échelon, coefficient 440, alors que, d'une part, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions des sociétés faisant valoir qu'une telle qualification correspondait à celle d'un ingénieur issu d'une grande école affecté à des tâches de haute responsabilité, violant ce faisant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et alors que, d'autre part, la cour d'appel a uniquement fondé sa décision sur la nature des tâches assignées au salarié sans examiner son niveau de formation ; qu'ainsi l'arrêt attaqué manque de base légale au regard des dispositions de la convention collective du pétrole et de l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu que la convention collective renvoie, en ce qui concerne la classification des emplois, aux fonctions réellement exercées, sans imposer, notamment pour les ingénieurs et cadres, obligation d'être titulaire d'un diplôme d'ingénieur d'une grande école ; que le moyen ne peut être accueilli ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ; Laisse à la charge de chacune des parties leurs dépens respectifs ;