La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/1988 | FRANCE | N°87-82140

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 mars 1988, 87-82140


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt et un mars mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller HEBRARD, les observations de Me BARBEY et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Colette -

contre un arrêt n° 2 de la cour d'appel de PARIS, 9° chambre, en date du 15 décembre 1986 qui, pour fraude fiscale, passation d'écritures fictives ou inexactes, banquero

ute par détournements d'actif et présentation de bilan inexact, après avoir...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt et un mars mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller HEBRARD, les observations de Me BARBEY et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Colette -

contre un arrêt n° 2 de la cour d'appel de PARIS, 9° chambre, en date du 15 décembre 1986 qui, pour fraude fiscale, passation d'écritures fictives ou inexactes, banqueroute par détournements d'actif et présentation de bilan inexact, après avoir ordonné la jonction des deux procédures suivies contre elle et rejeté l'exception de nullité soulevée, l'a condamnée à 30 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et qui à la requête de l'administration des Impôts, partie civile, a dit qu'elle serait tenue solidairement avec la SA Orore au paiement des impôts fraudés ainsi qu'aux amendes fiscales sanctionnant la fraude ; Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 427, 485 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la jonction des procédures suivies contre Mme X..., d'une part, du chef de banqueroute et présentation de bilan inexact et, d'autre part, du chef de fraude fiscale ; "aux motifs que, par suite d'une erreur matérielle, une notable partie des pièces de la procédure suivie contre la prévenue du chef d'infractions fiscales a été enliassée dans le dossier de la procédure relative aux faits de banqueroute et de présentation de bilan inexact, que ces pièces étant ainsi cotée depuis la clôture de l'information, il ne peut être procédé à leur reclassement, mais que toutefois les faits sont connexes ; "alors qu'il s'évince de ces énonciations que, depuis la clôture de l'information, la procédure suivie contre Mme X... du chef de fraude fiscale l'a été sans que la demanderesse ait pu avoir accès au dossier complet ; que l'arrêt attaqué a donc été rendu en violation des droits de la défense, ce qui entraînera l'annulation de ladite procédure" ;

Attendu que la jonction des procédures est une mesure d'ordre prise dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, en vue de soumettre aux mêmes juges tous les chefs de poursuites concernant le même prévenu ; qu'une telle décision ne peut donner ouverture à cassation qu'autant qu'elle est de nature à porter atteinte à la défense ; Qu'en l'espèce l'arrêt attaqué et les pièces auxquelles il se réfère mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer qu'il ne résulte d'aucunes conclusions régulièrement déposées que la demanderesse n'ait pas eu avant les débats, accès à l'intégralité des procédures ; Que dès lors le moyen ne peut qu'être écarté ; Sur le deuxième de cassation de cassation, pris de la violation des articles L. 47 du Livre des procédures fiscales et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par la demanderesse et l'a déclarée coupable de fraude fiscale ; "aux motifs que "à l'inverse de ce qui est affirmé dans les conclusions de la défense et ainsi qu'il résulte tant de l'intitulé même des avis de vérification des 22 janvier et 11 mai 1981 adressés non à Mme X... mais à Mme le président-directeur général de la SA Orore que des énonciations du rapport du 22 octobre 1981, les vérifications critiquées ont bien concerné la SA Orore et non la prévenue personnellement ; "que dès lors et contrairement aux allégations de celle-ci dans ses écritures, il n'a pas été procédé, sous le couvert d'une vérification de sa situation fiscale à la vérification fiscale de la SA Orore, les vérifications opérées en ce qui concerne tant cette société que la prévenue elle-même ayant bien été effectuées après accomplissement des formalités exigées à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales" ;

"alors que par des conclusions demeurées sur ce point sans réponse, pourtant expressément relatées par l'arrêt, la prévenue faisait valoir que le plus ancien des avis de vérification ne remontait qu'au 22 janvier 1981 cependant que les opérations de vérification avaient commencé dès le 6 janvier précédent, ce qui résultait encore des pièces du dossier à savoir les avis de vérification et la notification de redressement du 23 janvier 1981 mentionnant expressément que la vérification avait commencé le 6 janvier précédent ; qu'en se contentant d'énoncer que les vérifications avaient bien été effectuées après l'accomplissement des formalités exigées à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel n'a pas répondu à ce chef péremptoire de conclusions et s'est mise en contradiction avec les pièces du dossier" ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que c'est seulement en cause d'appel et après interrogatoire sur le fond que le conseil Colette X... a soulevé une exception de nullité de la procédure antérieure à l'ouverture de l'information prise de la violation par les agents des services fiscaux de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; qu'après l'avoir déclarée irrecevable, les juges du second degré ont cru cependant devoir l'examiner pour la rejeter ; Attendu qu'aux termes de l'article 385 du Code de procédure pénale, une telle exception aurait dû, à peine de forclusion, être présentée par la demanderesse avant toute défense au fond, devant les premiers juges ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, 2-1 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable de fraude fiscale ; "aux motifs que l'intention frauduleuse de la prévenue résultait de sa persistance dans l'abstention malgré deux mises en demeure de souscrire la déclaration afférente à l'impôt sur les sociétés pour l'exercice 1980 ;

"alors que le délit de fraude fiscale est un délit intentionnel, ce qui a été expressément rappelé par l'article 2-1 de la loi du 29 décembre 1977 et que cette intention frauduleuse visant des faits de fraude fiscale relatifs aux deux années 1980 et 1981, ne pouvait résulter de la seule abstention de souscrire la déclaration d'impôt sur les sociétés pour l'exercice 1980, alors surtout qu'il résultait des faits de la cause qu'à la date de la deuxième mise en demeure de l'administration des Impôts, soit le 17 septembre 1981, la prévenue était déjà dessaisie de tous pouvoirs de gestion, le règlement judiciaire ayant été prononcé par jugement du tribunal de commerce du 2 septembre précédent ; qu'en déclarant établie l'intention frauduleuse sur le seul fondement du défaut de souscription de la déclaration de l'exercie 1980 malgré deux mises en demeure, la Cour a privé sa décision de motifs" ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur la culpabilité que Colette X... a été poursuivie devant le tribunal correctionnel, notamment, sous la prévention d'avoir en sa qualité de président-directeur général de la SA Orore, frauduleusement soustrait cette dernière à l'établissement et au paiement total ou partiel de l'impôt sur les sociétés dû sur les résultats des années 1979 et 1980 ; Attendu que pour déclarer la prévenue coupable de ces faits, les juges du fond, après avoir rappelé que, pour les exercices clos le 31 décembre 1978 et le 31 décembre 1979, la redevable avait procédé à des déclarations de résultats hors délai, ont exposé et analysé les faits de dissimulation de tout ou partie des sommes sujettes à l'impôt ressortant de la vérification fiscale et de l'expertise judiciaire ; qu'il ont, d'autre part, retenu que malgré deux mises en demeure de l'Administration en 1981, l'intéressée n'avait pas en temps utile effectué de déclaration de résultat afférant à l'exercice correspondant le 31 décembre 1980 ; qu'ils ont énoncé que l'élément intentionnel des infractions était établi, d'une part par l'ampleur des dissimulations et le caractère élaboré des procédés frauduleux employés, d'autre part, par la persistance de Colette X... dans son abstention d'accomplir ses obligations ; Attendu qu'en prononçant ainsi, et alors que le règlement judiciaire ne dessaisit pas le débiteur de l'administration de ses biens et ne saurait le décharger de ses obligations fiscales, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les infractions qui lui étaient reprochés sous la qualification de fraude fiscale ; Que le moyen doit ainsi être rejeté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 197 de la loi du 25 janvier 1985, 402 nouveau du Code pénal, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable de banqueroute frauduleuse ; "aux motifs que, par jugement du 2 septembre 1981, la société "Orore" a été déclarée en règlement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 21 janvier 1981, procédure étendue à l'entreprise personnelle de Mme
X...
par jugement du 23 novembre 1981, les opérations se poursuivant sous une masse commune et que les premiers juges ont exactement constaté, à la charge de la prévenue, les faits de détournement d'actif qui lui sont reprochés et sur lesquels elle n'a fourni aucune explication pertinente ; "alors qu'en se contentant de se référer à la date de cessation des paiements retenue par les juges consulaires sans motiver sa décision à cet égard par une appréciation personnelle des circonstances de la cause qui l'ont déterminée, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une grave insuffisance de motifs qui interdit en conséquence à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle" ; Attendu que pour déclarer Colette X... coupable de banqueroute par détournement d'actif, l'arrêt attaqué, tant par motifs propres que par motifs adoptés des premiers juges, retient que si le tribunal de commerce a fixé au 21 janvier 1981 la date de cessation des paiements, il convient en réalité de faire remonter au 31 décembre 1979 le point de départ de la période suspecte ; que les juges du fond relèvent qu'à cette date la société Orore avait enregistré des pertes représentant plus de trois fois le montant du capital social ; que les réserves étaient pratiquement inexistantes et que l'actif réalisable et disponible ne couvrait pas le passif exigible à court terme ; Attendu qu'en cet état, le moyen qui manque en fait, doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 87-82140
Date de la décision : 21/03/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le 3e moyen) IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Fraude fiscale - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Définition - Omission de déclaration dans les délais prescrits - Dissimulation volontaire.

(Sur le 4e moyen) BANQUEROUTE - Banqueroute frauduleuse - Cas - Détournement ou dissipation d'actes - Détournement antérieur à la cessation des paiements.


Références :

(1)
(2)
CGI 1741, 1743
Code de procédure pénale 427, 485, 593
Code pénal 4022
Loi du 25 janvier 1985 art. 197
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 2-1 (2)

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 décembre 1986


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 mar. 1988, pourvoi n°87-82140


Composition du Tribunal
Président : Président : M. LEDOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.82140
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award