LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Monsieur Yves L.,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 avril 1986, par la cour d'appel de Paris (1re chambre section A), au profit de Monsieur Yves LE B.,
défendeur à la cassation ; Le demandeur invoque à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 28 janvier 1988, où étaient présents :
M. Aubouin, président, M. Deroure, rapporteur, MM. Simon, Billy, Michaud, Devouassoud, Burgelin, Mme Dieuzeide, conseillers, Mme Vigroux, M. Lacabarats, conseillers référendaires ; M. Ortolland, avocat général, Mme Lagardère, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Deroure, les observations de Me Garaud, avocat de M. L., de Me Guinard, avocat de M. Le B., les conclusions de M. Ortolland, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur les deux premiers moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 28 avril 1986), qu'à l'occasion du renouvellement des membres du Rassemblement pour la République (R.P.R.) de la circonscription d'un arrondissement de Paris, M. L. diffusa aux adhérents de ce mouvement politique une lettre contenant en particulier le passage suivant :
"Je détiens en effet les preuves d'irrégularités que M. Le B. a commises en 1980 lors d'une autre assemblée générale, ce qui lui valut d'être remercié sur le champ de ses fonctions de président d'une fédération", qu'estimant de tels propos diffamatoires, M. Le B. demanda à M. L. la réparation de son préjudice ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que les écrits de M. L. étaient diffamatoires alors que, d'une part, en décidant que le compte rendu du conseil d'administration de la fédération des pompes funèbres n'établissait pas que M. Le B. s'était rendu coupable d'irrégularité, la cour d'appel en aurait dénaturé les termes violant les articles 1134, 1382 du Code civil, 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 455 et suivants du nouveau Code de procédure civile et alors que, d'autre part, M. Le B. n'ayant pas été élu au conseil d'administration, en décidant que M. L. avait rapporté les faits de façon inexacte et sans prudence en écrivant que M. Le B. avait été remercié sur le champ, la cour d'appel n'aurait pas constaté l'existence d'un fait diffamatoire, violant les articles 1382 du Code civil, 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 455 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que les allégations contenues dans la lettre de M. L. font naître dans l'esprit du lecteur l'idée selon laquelle M. Le B. a commis lors d'une assemblée générale des actes blâmables, contraires à la probité et suivis d'une sanction et de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération ; que l'arrêt ajoute que M. L. ne rapporte pas la preuve que les irrégularités imputées à M. Le B. procédent d'une conduite contraire à l'honneur et à la probité, le compte rendu de l'assemblée générale mentionnant seulement que M. Le B. n'avait pas été réélu, ayant obtenu un nombre insuffisant de voix, sans que soit énoncé un lien de causalité entre la non réélection de M. Le B. et le différend relaté dans le compte rendu de l'assemblée générale ; Qu'en l'état de ces constatations et énonciations exemptes de toute dénaturation, la cour d'appel a pu déduire que les écrits de M. L. étaient diffamatoires ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné M. L. à la publication à ses frais dans un journal du texte suivant :
"Par arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 avril 1986, M. L. a été condamné à payer à M. Le B. la somme de un franc de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de propos diffamatoires" et ce, en première page du journal du 14ème arrondissement de Paris sous le titre "Publication judiciaire", alors que, d'une part, la condamnation à la publication de l'arrêt ayant été prononcée à titre de réparation et devant être considérée comme des dommages-intérêts et incluse dans leur total, en condamnant M. L. à la fois à un franc de dommages-intérêts et à la publication de l'arrêt à ses frais, la cour d'appel se serait contredite et alors que, d'autre part, à supposer que la condamnation à la publication s'ajoute aux dommages-intérêts, en ne déterminant pas le montant maximum des frais de publication mis à la charge de M. L., la cour d'appel aurait violé les articles 1382 du Code civil et les articles 455 et suivants du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans se contredire que la cour d'appel a, pour réparer le dommage de la victime, condamné l'auteur de la diffamation à la fois à un franc de dommages-intérêts et à la publication à ses frais d'un texte dont elle a fixé la teneur et le format sans être tenue d'évaluer le montant de cette publication ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;