LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) M. X...,
2°) Mme Yvonne X..., née C...,
demeurant ensemble ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 décembre 1985 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre A), au profit :
1°) de la société VETEMENTS PUISSANT, société anonyme dont le siège social est ... (2e) (Rhône),
2°) de Mme Marthe A..., demeurant chemin de la Madone, Marcy Z..., Charbonnières-Les-Bains (Rhône),
défenderesses à la cassation ; La société Vêtements Puissant a formé un pourvoi incident contre la décision de la cour d'appel de Lyon ; Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi incident invoque, à lappui de son recours, deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 27 janvier 1988, où étaient présents :
M. Aubouin, président, M. Michaud, rapporteur, MM. B..., Billy, Devouassoud, Deroure, Burgelin, Mme Dieuzeide, conseillers, Mme Vigroux, conseiller référendaire, M. Ortolland, avocat général, Mme Lagardère, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Michaud, les observations de la SCP Nicolas, Masse-Dessen et Georges, avocat des époux X..., de Me Cossa, avocat de la société Vêtements Puissant, les conclusions de M. Ortolland, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 décembre 1985), que M. et Mme X... exploitaient un salon de thé dans un immeuble dont Mme A... était propriétaire et où M. Jean-Pierre Y..., président-directeur général de la société anonyme Vêtements Puissant (la société), avait installé des machines à coudre au-dessus de leurs locaux, qu'invoquant le préjudice tant corporel que commercial provoqué par le bruit et la trépidation de ces machines, les époux X... ont assigné, en vue de la réparation de leur dommage, la société et Mme A..., que la caisse mutuelle régionale du Rhône des travailleurs non salariés est intervenue à l'instance ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de n'avoir évalué qu'à une certaine somme le dommage subi par les époux X... alors qu'il n'aurait pas répondu à leurs conclusions soutenant que leur préjudice commercial provenait non seulement de l'état de santé de M. X... mais aussi de l'effet direct des nuisances sur la clientèle ; Mais attendu qu'en retenant que les premiers juges ont justement écarté les calculs purement théoriques déterminant le préjudice commercial de M. X... pendant la période d'incapacité temporaire totale et en approuvant le tribunal d'avoir évalué ce chef de préjudice compte tenu de ses déclarations fiscales, la cour d'appel a répondu aux conclusions ; Sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait alors qu'en relevant que les nuisances n'avaient pas encore cessé tout en constatant que l'état de santé de M. X..., entièrement imputable à ces nuisances, était consolidé, elle n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; Mais attendu que c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel a constaté que l'état de santé de la victime était consolidé tandis que persistaient de manière très atténuée les nuisances qui avaient été à l'origine de la maladie ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté les époux X... de leur demande tendant à la condamnation de Mme A... en sa qualité de bailleresse, "in solidum" avec sa locataire, la société, à réparer son préjudice alors que Mme A..., en sa qualité de propriétaire des locaux loués, ne pouvant être considérée comme un tiers, était responsable par application des articles 1719 et 1725 du Code civil des dommages causés par un de ses locataires, que, par suite, la cour d'appel aurait violé les textes précités ;
Mais attendu que l'arrêt, abstraction faite du motif critiqué qui est surabondant, retient à bon droit que doit trouver application en l'espèce la clause du bail par laquelle les époux X... ont renoncé à tout recours contre le bailleur en raison des troubles de jouissance causés par des colocataires ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le pourvoi incident, pris en son premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société à réparer l'entier dommage subi par M. X..., alors qu'en s'abstenant de rechercher dans quelle mesure l'état maladif de la victime devait être pris en considération pour évaluer le préjudice, la cour d'appel n'aurait pas donné de base légale à sa décision ; Mais attendu que l'arrêt retient que même si un état pathologique préexistant peut être admis, les nuisances imputables à la société avaient été un facteur déclenchant de la maladie ; qu'en se déterminant par ces motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; Sur le second moyen du pourvoi incident :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société à verser des dommages-intérêts à Mme X..., alors que la cour d'appel aurait dû rechercher, sous peine de priver sa décision de base légale, si celle-ci ne travaillait pas auparavant avec son mari à l'exploitation du fonds de commerce auquel cas la poursuite de cette activité ne lui aurait pas causé de préjudice ; Mais attendu que la cour d'appel, en relevant que Mme X... a aussi subi les effets de nuisances sonores et qu'elle a dû maintenir ouvert le fonds de commerce pendant la période d'incapacité totale de son mari, a légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; En ce qui concerne les demandeurs au pourvoi principal et la demanderesse au pourvoi incident, laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;