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22/02/1988 | FRANCE | N°86-95630

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 février 1988, 86-95630


REJET du pourvoi formé par :
- X... Emile,
- Y... Jacqueline, épouse X...,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris en date du 19 juin 1986 qui sur appel de l'administration des Impôts, partie civile, a dit n'y avoir lieu à annulation de pièces de procédure et les a renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris sous la prévention de fraude fiscale, omission de passation d'écritures ou passation d'écritures inexactes ou fictives.
LA COUR,
Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et

en défense ;
Sur les premier, deuxième et troisième moyens de cassation, le tr...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Emile,
- Y... Jacqueline, épouse X...,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris en date du 19 juin 1986 qui sur appel de l'administration des Impôts, partie civile, a dit n'y avoir lieu à annulation de pièces de procédure et les a renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris sous la prévention de fraude fiscale, omission de passation d'écritures ou passation d'écritures inexactes ou fictives.
LA COUR,
Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les premier, deuxième et troisième moyens de cassation, le troisième pris en sa seconde branche,
Le premier pris, de la violation des articles L. 229 et L. 230 du Livre des procédures fiscales, 80, 202, 574 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé le renvoi des époux X...devant le tribunal correctionnel du chef de fraude fiscale pour soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement de la somme de 1 012 390 francs pour l'éthambutol due au titre de l'impôt sur les sociétés ainsi que pour la somme de 674 927 francs concernant le même produit au titre de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu ;
" aux motifs que si la plainte de l'Administration du 30 décembre 1975 articulait plus précisément des agissements frauduleux relatifs à l'achat de produits vendus par la société française Roussel Uclaf, cette plainte n'en demeurait pas moins générale ayant été déposée pour fraude fiscale contre les dirigeants de la société Patrex et que par conséquent, le juge d'instruction du fait de sa saisine in rem n'était pas limité dans ses investigations aux seules opérations énumérées dans la plainte ;
" alors qu'en matière d'infraction fiscale, les poursuites ne pouvaient être engagées que sur plainte préalable de l'administration fiscale qui, conformément du reste aux principes généraux, ne saisit les juridictions d'instruction que des faits matériels qui y sont visés, et à condition de surcroît d'avoir été déposés avant l'expiration de la fin de la troisième année qui suit celle où l'infraction présumée aurait été commise, il s'ensuit en l'espèce,
" que, d'une part, la plainte de l'administration fiscale du 30 décembre 1975 n'ayant expressément visé que les opérations afférentes à l'hydroxocobalamine et le dibencicoïde, la chambre d'accusation ne pouvait sans méconnaître tant l'exigence en la matière d'une plainte préalable de l'administration fiscale que les règles relatives à l'étendue de la saisine des juridictions d'instruction, ordonner le renvoi des époux X... devant le tribunal correctionnel pour fraude fiscale ayant porté sur une prétendue majoration artificielle de prix d'un autre produit, l'éthambutol, dont il n'avait jamais été fait mention dans la plainte préalable de l'Administration ;
" et que, d'autre part, ce fait nouvellement invoqué par l'administration fiscale à l'appui de son appel de l'ordonnance de non-lieu et concernant l'éthambutol ayant trait aux exercices 1971 et 1972, les poursuites à supposer qu'il y ait eu infraction, devaient être engagées au plus tard avant le 31 décembre 1977 de sorte qu'au jour de l'appel de l'administration fiscale de l'ordonnance de non-lieu, l'action publique le concernant était éteinte par la prescription, ce qu'il incombait à la chambre d'accusation de constater " ;
Le deuxième, pris de la violation des articles 114, 202, 574, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par les époux X... et tirée de ce que bien que n'ayant jamais été inculpés, lors de leur première comparution, de fraude fiscale concernant les opérations commerciales relatives à l'éthambutol, la chambre d'accusation par arrêt avant dire droit du 17 février 1983 avait ordonné leur interrogatoire relativement à ces faits " ;
" aux motifs que les époux X... ont été inculpés, en première comparution de fraude fiscale, qualification qui recouvre tout fait de fraude non prescrit à la date de la plainte ; qu'ils ont été ultérieurement interrogés plus spécialement sur les faits de fraude à l'éthambutol, leur conseil ayant été régulièrement avisé et qu'il n'y a donc pas eu en la circonstance, violation des droits de la défense tels qu'ils sont énoncés par l'article 114 du Code de procédure pénale ;
" alors que, si aux termes de l'article 202, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, les chambres d'accusation sont investies du droit de faire informer à l'égard des inculpés renvoyés devant elle, sur tous les chefs de poursuite résultant du dossier de la procédure qui n'auraient pas été visés par l'ordonnance du juge d'instruction, c'est à la condition que ceux-ci aient été compris dans les inculpations faites par le juge d'instruction, faute de quoi la chambre d'accusation se doit d'ordonner une nouvelle information ; que dès lors, les époux X... n'ayant aucunement été informés lors de leur première comparution devant le magistrat instructeur de ce qu'étaient retenues à leur encontre les infractions fiscales afférentes à des opérations commerciales sur l'éthambutol, le juge d'instruction n'ayant, au demeurant, pas été saisi de ces faits qui n'étaient pas visés dans la plainte de l'administration fiscale, la chambre d'accusation ne pouvait sans violer les dispositions des articles 114 et 202 du Code de procédure pénale, ordonner qu'au cours du supplément d'information il soit procédé à l'interrogatoire de ces deux inculpés sur les opérations relatives à l'éthambutol, ni a fortiori prononcer leur renvoi de ce chef devant le tribunal correctionnel " ;
Le troisième, pris de la violation des articles 118, 211, 574, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, violation du principe suivant lequel l'instruction est faite à charge et à décharge, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par les époux X... et fondée sur l'inobservation des dispositions de l'article 118 du Code de procédure pénale, le dossier communiqué à leur conseil ne contenant aucune pièce afférente à la procédure fiscale concernant les opérations commerciales relatives à l'éthambutol, et a ordonné leur renvoi devant le tribunal correctionnel pour fraude fiscale commise à l'occasion de ces opérations ;
" aux motifs que si l'article 118 du Code de procédure pénale fait obligation au juge d'instruction de mettre la totalité du dossier à la disposition du conseil de l'inculpé 48 heures avant chaque interrogatoire, cette obligation ne s'étend pas aux autres pièces qui n'y ont pas été annexées par les autres parties y compris l'Administration ; qu'il résulte des pièces de l'information charges suffisantes contre X... Jacqueline et X... Emile de s'être, courant 1972 et 1973, frauduleusement soustraits à l'établissement et au paiement de la somme de 1 012 390 francs due au titre de l'impôt sur les sociétés concernant l'éthambutol ainsi que la somme de 674 927 francs de retenue à la source d'impôt sur le revenu concernant le même produit ;
" alors que, d'une part, en matière d'infraction fiscale, l'Administration qui a seule l'initiative des poursuites dont il lui appartient de définir l'étendue, se doit de justifier de la réalité des griefs qu'elle invoque par la production des pièces afférentes au dossier fiscal afin de permettre à l'inculpé, après en avoir pris connaissance par l'intermédiaire de son conseil, conformément aux dispositions de l'article 118 du Code de procédure pénale, de pouvoir utilement assurer sa défense, ce qui n'a pas été possible pour les époux X... qui ont été interrogés sur des faits susceptibles de constituer une fraude fiscale sans que leur conseil ait eu communication du dossier de l'Administration de sorte que la chambre d'accusation ne pouvait, sans entacher sa décision d'un manque de base légale, se refuser de sanctionner cette violation des droits de la défense ;
" alors que, d'autre part, la chambre d'accusation qui, tout en ne contestant pas qu'aucun dossier fiscal afférent aux opérations commerciales sur l'éthambutol n'avait été versé à l'instruction par l'Administration, a néanmoins sur les seules affirmations développées par cette dernière, dans ses conclusions, ordonné le renvoi des époux X... devant le tribunal correctionnel pour fraude fiscale commise à l'occasion de ces opérations, a manifestement méconnu le devoir qui lui est fait en sa qualité de juridiction d'instruction d'instruire à charge et à décharge et n'a donc pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant ainsi réunis ;
Le troisième moyen étant pris en sa deuxième branche ;
Attendu que, sous couvert notamment de nullité de la procédure pour violation des droits de la défense, les demandeurs contestent d'une part l'étendue de la saisine du juge d'instruction telle qu'elle résulte de la plainte déposée par l'administration fiscale conformément aux dispositions de l'article 1741 du Code général des impôts et d'autre part la valeur des charges retenues contre les inculpés ;
Attendu qu'il résulte des termes de l'article 574 précité que le prévenu ne peut attaquer devant la Cour de Cassation l'arrêt de la chambre d'accusation qui le renvoie devant le tribunal correctionnel ; que cette règle ne souffre exception que dans la mesure où l'arrêt a statué sur la compétence ou bien présente des dispositions que le Tribunal saisi de la prévention n'a pas le pouvoir de modifier ; qu'il n'en est pas ainsi des dispositions de l'arrêt attaqué que critiquent les moyens et à l'égard desquelles les juges du fond conservent leur liberté d'appréciation et les droits de la défense demeurent entiers ;
D'où il suit que les moyens réunis ne sont pas en l'état recevables ;
Sur le troisième moyen pris en sa première branche ;
Sur la recevabilité du moyen :
Attendu qu'aux termes de l'article 174, alinéa 2, du Code de procédure pénale " les juridictions correctionnelles ou de police ne peuvent prononcer l'annulation des procédures d'instruction lorsque celles-ci ont été renvoyées devant elles par la chambre d'accusation " ;
Que, dès lors, l'arrêt de la chambre d'accusation qui renvoie un inculpé devant le tribunal correctionnel, après avoir déclaré que la procédure d'instruction était régulière, présente des dispositions définitives que le Tribunal saisi de la prévention n'a pas le pouvoir de modifier ; qu'il s'ensuit que le moyen qui en sa première branche fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté des conclusions tendant à voir déclarer la nullité d'actes de la procédure est recevable et qu'il y a lieu de l'examiner ;
Au fond :
Attendu que pour rejeter les conclusions des époux X...-Y... soutenant que l'intégralité du dossier de la procédure n'avait pas été mise à la disposition de leur conseil préalablement à leur interrogatoire, la chambre d'accusation énonce que l'obligation édictée par l'article 118 du Code de procédure pénale ne s'étend pas aux pièces qui n'ont pas été annexées par les autres parties y compris l'administration fiscale ;
Attendu qu'en cet état et alors que les faits de soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement de l'impôt, sur lesquels portaient les interrogatoires incriminés, apparaissaient au résultat d'une enquête douanière dont la chambre d'accusation avait ordonné, par un arrêt antérieur, le versement au dossier de la procédure, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits de la défense ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-95630
Date de la décision : 22/02/1988
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHAMBRE D'ACCUSATION - Arrêts - Arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel - Pourvoi - Recevabilité - Dispositions définitives - Arrêt rendu sur le seul appel de la partie civile contre une ordonnance de non-lieu.

1° CASSATION - Décisions susceptibles - Chambre d'accusation - Arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel - Arrêt rendu sur le seul appel de la partie civile contre une ordonnance de non-lieu - Arrêt contenant des dispositions définitives - Définition.

1° L'arrêt de la chambre d'accusation qui renvoie le prévenu devant le tribunal correctionnel ou de police sur le seul appel de la partie civile contre une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, entre dans la classe des arrêts qui, selon les dispositions de l'article 574 du Code de procédure pénale, peuvent être attaqués devant la Cour de Cassation.

2° CHAMBRE D'ACCUSATION - Arrêts - Arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel - Moyen - Recevabilité - Dispositions définitives - Dispositions statuant sur une exception de nullité de l'information.

2° CASSATION - Moyen - Recevabilité - Chambre d'accusation - Arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel - Dispositions relatives à une exception de nullité de l'information.

2° Voir le sommaire suivant.

3° CHAMBRE D'ACCUSATION - Arrêts - Arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel - Moyen - Recevabilité - Dispositions définitives - Contestation sur l'étendue de l'acte de saisine du juge d'instruction et sur la valeur des charges retenues par la chambre d'accusation (non).

3° CASSATION - Moyen - Recevabilité - Chambre d'accusation - Arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel - Contestation sur l'étendue de l'acte de saisine du juge d'instruction et sur la valeur des charges retenues par la chambre d'accusation (non).

3° Sont seuls recevables contre un arrêt qui renvoie le prévenu devant le tribunal corretionnel ou de police sur le seul appel de la partie civile d'une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, les moyens dirigés contre les dispositions de la décision que le Tribunal saisi de la prévention n'a pas le pouvoir de modifier. Tel est le cas de celles par lesquelles la chambre d'accusation a statué sur la régularité de la procédure. Au contraire, il n'en va pas ainsi des moyens contestant soit l'étendue et la portée de l'acte de saisine soit la valeur des charges justifiant le renvoi.


Références :

CGI 1741
Code de procédure pénale 174 al. 2
Code de procédure pénale 574

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 19 juin 1986

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1978-06-13 , Bulletin criminel 1978, n° 194, p. 497 (cassation partielle). (1) CONFER : (3°). Chambre criminelle, 1972-06-13 , Bulletin criminel 1972, n° 197, p. 496 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1977-01-20 , Bulletin criminel 1977, n° 28, p. 68 (cassation). (2)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 fév. 1988, pourvoi n°86-95630, Bull. crim. criminel 1988 N° 84 p. 215
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 84 p. 215

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Souppe
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, M. Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.95630
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