LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
I- Sur le pourvoi n° 86-10.783 formé par la SOCIETE D'AGENCES ET DE DIFFUSION (SAD) société anonyme dont le siège social est à Paris (2ème) ...
contre Madame Yvonne X..., demeurant ... (Bouches-du-Rhône) exploitant un kiosque à journaux dit kiosque "Les Orgues", 5, place Sébastopol à Marseille (Bouches-du-Rhône)
II- Sur le pourvoi n° 86-10.881 formé par Madame Yvonne X...,
contre la SOCIETE D'AGENCE ET DE DIFFUSION
en cassation d'un même arrêt rendu le 22 octobre 1985 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2ème chambre civile)
La demanderesse au pourvoi n° 86-10.783 invoque à l'appui de son recours le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt :
La demanderesse au pourvoi n° 86-10.881 invoque à l'appui de son recours les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt :
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 octobre 1987, où étaient présents :
M. Baudoin, président, M. Cordier, rapporteur, M. Perdriau, conseiller, M. Cochard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Cordier, les observations de la SCP Labbé et Delaporte, avocat de la société d'Agence et de Diffusion (SAD), de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Cochard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la connexité, joint les pourvois n°s 86-10.783 et 86-10.881 ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 octobre 1985), que, exploitante d'un kiosque à journaux, Mme X... a assigné la Société d'agence et de diffusion (SAD) pour obtenir qu'elle soit déclarée responsable de la rupture du contrat de diffusion de presse intervenu entre elles et condamnée à payer diverses sommes à titre d'indemnité ; que parmi celles-ci, figurait la valeur de son fonds de commerce, Mme X... ayant soutenu que, du fait du refus de la SAD de donner son agrément aux acquéreurs éventuels, celui-ci était devenu invendable ; Sur le moyen unique du pourvoi n° 86-10.783 :
Attendu que la SAD fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la responsabilité de la rupture du contrat liant les parties était partagée et de l'avoir condamnée à indemniser Mme X... de la moitié du préjudice consécutif, alors, selon le pourvoi, que, conformément aux usages suivis dans la profession, il était stipulé au contrat conclu par la SAD avec Mme X... qu'en cas de faute professionnelle de sa part, le diffuseur se verrait privé de tout droit à indemnité à la suite de la résiliation du contrat ; qu'après avoir constaté le caractère fautif des refus réitérés de Mme X... de prendre livraison des fournitures de la SAD, refus faisant suite à des retards réitérés de paiement, la cour d'appel, en condamnant néanmoins la SAD à réparer, à concurrence de la moitié, le préjudice subi par le diffuseur, tandis que la faute de celui-ci excluait nécessairement tout abus de droit de résiliation, a, par refus d'application du contrat violé l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu qu'après avoir relevé que le contrat passé par les parties prévoyait que sa résiliation n'ouvrait pas droit à indemnité au bénéfice du diffuseur si elle s'avérait "consécutive à une faute professionnelle" de celui-ci, la cour d'appel, appréciant souverainement la gravité des faits invoqués par la SAD comme motif de résiliation, a estimé qu'ils n'étaient pas de nature à "légitimer totalement la rupture" intervenue ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la résiliation litigieuse n'était pas consécutive à la seule faute professionnelle de Mme X..., c'est sans encourir le grief du pourvoi que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ; que le moyen n'est donc pas fondé ; Sur le premier moyen du pourvoi n° 86-10.881, pris en ses cinq branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la responsabilité de la rupture du contrat passé avec la SAD lui incombait pour moitié, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la SAD, qui avait pris l'initiative de la rupture, avait la charge de la preuve ; que l'arrêt a donc violé les articles 1315 et suivants du Code civil, alors, d'autre part, que l'arrêt constate que les livraisons refusées, illégitimement selon les juges d'appel, portaient sur des hebdomadaires ayant perdu l'utilité qu'ils présentaient pour les lecteurs et n'ayant, de toute évidence, que des chances des plus réduites d'être vendues ; que le fournisseur de journaux ne doit livrer que des publications susceptibles d'être vendues dans des conditions normales, dès lors que tel est l'objet de l'activité du diffuseur, qui n'a donc pas l'obligation de prendre livraison de publications n'ayant que des chances les plus réduites d'intéresser la clientèle ; qu'en refusant de prendre livraison de telles publications, Mme X... n'a pas méconnu les obligations de son contrat, dont la résiliation à ses torts ne pouvait, dès lors, être prononcée sans violer l'article 1184 du Code civil, alors, au surplus, que la SAD avait pris l'initiative de la résiliation pour un motif qui était injustifié, soit le refus de réception non seulement d'hebdomadaires mais encore de journaux dont l'arrêt constate qu'ils étaient périmés et que le refus d'en prendre livraison était justifié ; qu'il suit de là que la cour d'appel, qui ne retenait qu'une partie des motifs invoqués par la SAD, ne pouvait estimer justifiée la décision de rupture du contrat prise par celle-ci au vu d'un double grief, sans rechercher si le seul motif qu'elle retenait était assez grave pour conduire à la résiliation ; que sa décision manque donc de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil, alors, en outre, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que d'après le contrat la résiliation ne pouvait être prononcée sans que le diffuseur ait pu formuler ses observations sur les motifs invoqués dans les 48 heures de la notification ; d'où il suit que seuls les griefs figurant dans celle-ci pouvaient être par la suite invoqués pour justifier la résiliation ; qu'en affirmant le contraire et en tenant compte, dans des conditions d'ailleurs mal déterminables, du grief de retards de paiement, l'arrêt n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qu'elles comportaient au regard des dispositions de l'article 1184 du Code civil, et a violé ce texte, et alors, enfin, que, de toutes façons, l'arrêt ne pouvait tenir compte des retards de paiement sans s'expliquer sur les conclusions dont la cour d'appel était saisie et qui démontraient, par un rappel très précis des circonstances de l'espèce, que ces retards n'étaient pas le fait de Mme X... ; que l'arrêt, qui garde le silence sur ces conclusions, méconnaît l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui, contrairement à ce qu'énonce la troisième branche du moyen, n'a pas pris en compte, pour fonder sa décision, les retards de paiement reprochés à Mme X..., n'avait pas à répondre aux conclusions invoquées ; Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que le contrat liant les parties faisait obligation au diffuseur de recevoir toutes les publications en cours de validité qui lui étaient livrées, la cour d'appel a pu estimer que, dans la mesure où de telles publications figuraient dans le lot dont elle avait refusé de prendre livraison, Mme X... avait manqué à ses obligations contractuelles ; qu'ayant, par une appréciation souveraine, estimé que l'inexécution de ces obligations présentait une gravité suffisante pour justifier, dans la proportion retenue, la résiliation à ses torts de la convention passée avec la SAD, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les règles de la charge de la preuve et a fait la recherche qu'il lui est reprochée d'avoir omise, a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen du pourvoi n° 86-10.881 :
Attendu que Mme X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir écarté de la réparation qui lui a été accordée la valeur de son fonds de commerce, alors, selon le pourvoi, que la SAD avait pris l'initiative de la résiliation, qu'elle avait l'obligation d'en tirer les conséquences et ne pouvait refuser, ne serait-ce que temporairement, un agrément que le contrat prévoyait pour la seule raison que sa décision de résilier le contrat était contestée, contestation qui constituait, pour Mme X..., un droit dont elle ne pouvait souffrir ; que l'arrêt a ainsi violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ; Mais attendu qu'ayant constaté que, au jour où elle a statué, la perte du fonds de commerce n'était pas certaine et qu'en conséquence le chef de préjudice pouvant en résulter n'était pas établi, la cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen n'est donc pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;