LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi n° 86-11.753 formé par la COMPAGNIE LES ASSURANCES GENERALES DE FRANCE, société anonyme, dont le siège social est à Paris (2ème), ...,
Sur le pourvoi n° 86-12.643 formé par la société STRATINOR, société anonyme, dont le siège est à Wasquehal (Nord), ...,
en cassation d'un même arrêt rendu le 9 janvier 1986 par la cour d'appel de Douai (2ème chambre), au profit de la société LES SERRES FLEURIES "LSF", société anonyme dont le siège social est à Saint-Cyr-en-Val (Loiret), zone industrielle de la Saussaye,
défenderesse à la cassation ; La demanderesse au pourvoi n° 86-11.753 invoque, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi n° 86-12.643 invoque, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 20 octobre 1987, où étaient présents :
M. Baudoin, président, M. Dupré de Pomarède, rapporteur, MM. F..., Y..., B..., E..., G..., X..., C..., Louis H..., Sablayrolles, conseillers, M. Lacan, conseiller référendaire, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Dupré de Pomarède, les observations de Me Vuitton, avocat de la compagnie Les Assurances Générales de France, de la SCP Piwnica et Molinie, avocat de la société Stratinor, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Joignant les pourvois n°s 86-11.753 et 86-12.643 ; Donne défaut contre la société Les Serres Fleuries ;
Attendu selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Douai, 9 janvier 1986), que la société Les Serres Fleuries (LSF), qui a pour activité la construction de serres, a commandé pour leur couverture à la société Stratinor, spécialiste dans leur fabrication, des plaques stratifiées, que cette société mettait au point pour elle, qu'une première livraison a été faite pour l'édification de serres en Libye suivie d'autres livraisons dans le même but sur les sites de Sanabel 1 et 2, Ben Amar et Prince Z... en Arabie Saoudite ; que des désordres résultant de la déformation des plaques de couverture et de leur jaunissement ayant été constatés, la société Stratinor a livré des plaques de moindre épaisseur en préconisant la pose d'entretoise pour une livraison postérieure destinée au site de Fahed D... ; que la société LSF arguant des désordres précédents, a refusé de payer la facture relative à cette dernière fourniture, a obtenu la désignation d'experts et a assigné la société Stratinor, garantie par la compagnie les Assurances Générales de France (la société AGF) en responsabilité ; que la société Statinor a réclamé le paiement de sa dernière livraison ; Sur le premier moyen de chacun des pourvois pris en leurs différentes branches :
Attendu que la société Stratinor et la société AGF font grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler le rapport d'expertise alors, selon les pourvois, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article 233 du nouveau Code de procédure civile que le technicien investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée ; que, si l'expert se heurte à des difficultés qui font obstacle à l'accomplissement de sa mission, il doit en faire rapport au juge, mais il n'a pas le pouvoir, quel que soit l'obstacle, de s'affranchir lui-même de l'obligation d'exécuter personnellement sa mission ; que dès lors que la cour d'appel avait constaté que M. A... n'avait pas rempli personnellement sa mission, elle ne pouvait déclarer régulier le rapport d'expertise sans violer l'article 233 susvisé du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, que l'article 233 du nouveau Code de procédure civile impose à l'expert désigné de "remplir personnellement la mission qui lui est confiée" ; que l'article 282 du même code précise que, lorsque plusieurs experts ont été commis, ils doivent ne rédiger "qu'un seul rapport", mais que, en "cas de divergence, chacun indique son opinion" ; qu'il résulte de la combinaison de ces deux dispositions que lorsque plusieurs techniciens ont été désignés avec une mission unique, ils doivent exécuter personnellement celle-ci dans son intégralité, afin de permettre au juge de s'assurer que les conclusions de leur rapport commun traduisent effectivement l'unanimité de leur opinion ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que l'un des experts ne s'était pas rendu en Arabie Saoudite, et n'avait ainsi pas rempli personnellement l'intégralité de sa mission, a violé les textes susvisés en n'en déduisant pas la nullité de l'expertise, et alors, enfin, qu'il résulte de l'article 279 du nouveau Code de procédure civile que l'expert, qui se heurte à des difficultés qui font obstacle à l'accomplissement de sa mission, ne peut de son propre chef, modifier l'étendue de celle-ci, mais doit en faire rapport au juge ; qu'en refusant en l'espèce de sanctionner par la nullité de l'expertise la décision de l'un des experts commis de poursuivre sa mission malgré l'impossibilité à laquelle il se heurtait de procéder aux constatations de fait auxquelles était subordonnée l'accomplissement de celle-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte des énonciations du rapport d'expertise que le président du tribunal informé de l'impossibilité pour l'un des experts de se rendre en Arabie Saoudite a signifié aux experts qu'il considérait comme valable l'exécution par un seul d'entre eux de cette phase de l'expertise judiciaire ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt a relevé que si l'un des deux experts n'avait pu se rendre en Arabie Saoudite pour des raisons indépendantes de sa volonté, il avait, en signant le rapport unique, souscrit aux observations formelles effectuées sur place par l'autre expert ; d'où il suit que la cour d'appel qui a pu retenir que l'expert avait ainsi personnellement rempli sa mission, n'encourt pas les griefs qui lui sont faits ; qu'aucun des deux pourvois n'est fondé ; Sur le second moyen de chacun des pourvois pris en leurs différentes branches :
Attendu que la société Stratinor et la société AGF font encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré que la responsabilité de la société Stratinor était engagée pour les deux tiers à raison des dommages causés aux serres de Sanabel, Ben Amar Prince Z... et qu'elle était entière en ce qui concerne la réparation des dommages subis par la société LSF sur le site de Fahed D..., alors, selon les pourvois, d'une part, que la société LSF avait la qualité de professionnelle en la matière et que la société Stratinor avait créé spécialement pour la société LSF, à sa demande, le profil "LSF1" sur la base des plans et des instructions qui lui avaient été communiqués ; que dès lors, en retenant la responsabilité de la société Stratinor, sans s'expliquer sur le fait que celle-ci n'avait fait que suivre les instructions de la société LSF possédant une qualification professionnelle supposant de sa part la capacité de définir les normes techniques désirées et de contrôler la chose vendue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1641 et 1642 du Code civil, alors que, d'autre part, la société Stratinor avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'elle n'avait réalisé les plaques litigieuses que sur la base des plans et des instructions que son cocontractant, qui avait la qualité de professionnel en la matière, lui avait données ; qu'en ne répondant pas à ce moyen précis et pertinent, qui suffisait à établir la connaissance, par l'acheteur, des vices de la chose vendue, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors qu'en outre, en se bornant à estimer que la société Stratinor savait en 1979 que les plaques étaient destinées à être montées en Arabie Saoudite, sans pour autant constater qu'elle avait été informée des conditions d'utilisation des plaques par la société LSF, professionnelle en la matière, ce qui dès lors ne permettait pas d'en déduire que la société Stratinor devait savoir que les plaques seraient soumises à des contraintes extérieures ne correspondant pas à leur conception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du Code civil et alors, enfin, que la cour d'appel, qui a estimé que la société Stratinor savait que les plaques litigieuses étaient destinées à être montées en Arabie Saoudite dès 1979, n'a pu condamner cette société à réparer le préjudice subi par l'acheteur à "Sanabel I", dont elle a constaté que l'édification remontait à 1978, sans violer les articles 1147 et 1641 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a mis à la charge de la société LSF une part de responsabilité dans la déformation des plaques en ce que celle-ci résultait pour partie de la dépression exercée à l'intérieur des serres par le système d'aération par extraction d'air et tapis humidificateur mis en place par elle, a retenu, sur le fondement de la non conformité à la commande invoqué par la société LSF qui soutenait que l'utilisation des plaques en Arabie Saoudite rentrait dans le champ des spécifications garanties, que ces spécifications n'avaient pas été observées et étaient à l'origine des déformations constatées ; que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées, n'encourt aucun des griefs qui lui sont faits ; qu'aucun des moyens n'est fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTES les pourvois ;