LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société MERCEDES BENZ FRANCE, société anonyme, dont le siège est Le Chesnay - Parly II (Yvelines), parc de Rocquencourt, agissant poursuites et diligences du président de son directoire, Monsieur Peter X...,
en cassation d'un arrêt rendu le 31 mai 1985, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2ème chambre civile), au profit de la société à responsabilité limitée SADA, dont le siège social est à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), 6, cours Gambetta,
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 octobre 1987, où étaient présents :
M. Baudoin, président, M. Dupré de Pomarède, rapporteur, M. Perdriau, conseiller, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Dupré de Pomarède, les observations de Me Ryziger, avocat de la société Mercedes Benz France, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne défaut contre la société SADA ; Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 mai 1985), que la société Aixoise de Démolitions Automobiles (SADA) a acheté à la société Mercedes Benz France (société Mercedes), qui le lui a livré, un camion muni d'un plateau treuil destiné au transport des véhicules dont elle procédait à la démolition ; qu'ayant appris, par la suite, lors de la remise postérieure de la carte grise sur décision de justice que le véhicule avait une charge utile ne lui permettant pas une utilisation conforme à sa destination, elle a saisi le Tribunal du litige ;
Attendu que la société Mercedes fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à la SADA, pour avoir manqué à son obligation de renseignements, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 1602 du Code civil ne pose qu'une règle d'interprétation des contrats de vente et ne saurait servir de fondement à une responsabilité quelconque du vendeur à raison d'une éventuelle obscurité ou ambiguïté du contrat de vente ; qu'en se prononçant ainsi qu'elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1602 du Code civil, alors, d'autre part, que le vendeur même professionnel n'est pas tenu d'informer l'acquéreur, lui-même professionnel, sur les limites d'utilisation de la chose vendue que l'acquéreur devrait connaitre et sur lesquelles il lui appartiendrait, le cas échéant, d'interroger précisément le vendeur ; que dans ses conclusions, la société Mercedes faisait valoir que le véhicule vendu était en stock lorsque la SADA, qui est un professionnel du transport de véhicules endommagés, en a fait la commande et qu'elle l'a donc vu, tout équipé, avant de l'acquérir ; que l'acheteur ne pouvait donc ignorer que l'équipement déjà monté diminuait d'autant la charge utile ; qu'il appartenait, le cas échéant, à l'acheteur, de demander toutes précisions qu'il estimait utiles sur les performances du véhicule sans que le vendeur ait à l'interroger spécialement sur ses besoins ; qu'en mettant à la charge du vendeur une obligation qui ne lui incombait pas, la cour d'appel a violé les articles 1135, 1147 et 1582 et suivants du Code civil, alors, en outre, que le vendeur est libéré de son obligation de délivrer la chose vendue, et de son obligation de renseignements sur les possibilités d'usage de cette chose, qui est un accessoire de l'obligation de la délivrance, par la réception sans réserves de la chose par l'acheteur ; qu'à supposer que la charge utile subsistant ait été un élément déterminant pour la SADA, il appartenait à cette dernière de la vérifier avant de signer le certificat de réception sans réserve ; qu'en refusant de libérer le vendeur de son obligation de délivrance et de son accessoire, l'obligation de renseignements, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations violant ainsi les articles 1604 et suivants du Code civil, et alors, enfin, que l'auteur d'une faute n'est tenu que de réparer le dommage qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt que la seule faute retenue à la charge de la société Mercedes aurait "empêché le client d'exercer son choix en parfaite connaissance de cause" ; qu'en n'indiquant pas en quoi cette circonstance aurait été génératrice d'un préjudice quelconque pour la SADA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1151 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la SADA n'a appris que huit mois après la livraison du véhicule que celui-ci ne lui permettait pas une utilisation conforme à sa destination et qu'elle n'aurait pas contracté si elle l'avait su et ayant retenu, dès lors, que l'absence de réserves à la livraison importait peu, la cour d'appel a pu en déduire que la société Mercedes, vendeur professionnel qui connaissait l'activité de la SADA et l'utilisation attendue du véhicule livré avec son équipement spécial, a failli à son obligation de renseignements à l'égard de la SADA, professionnel d'une autre spécialité, et lui a causé un préjudice ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi