Sur le premier moyen :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 1985) que la société Latvian shipping a effectué, sur le navire " Gurzuf ", un transport de pétrole, depuis Klaipeda (URSS) jusqu'au port d'Aarhus (Danemark), pour le compte de la société Skandinavian trading, destinataire ; qu'à l'arrivée, un manquant a été constaté et évalué par un expert à 292,064 tonnes ; que la société Skandia insurance, assureur des marchandises, a indemnisé le destinataire à concurrence d'une somme de 114 048 couronnes suédoises, compte tenu d'une franchise contractuelle ; que la société Skandia insurance, subrogée dans les droits du destinataire, a cédé ses droits à la société Cauvin Palle, laquelle a assigné l'armateur du navire, la société Latvian shipping, pour obtenir la réparation de l'entier dommage ;
Attendu que la société Latvian shipping fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, que, suivant l'article L. 172-29 du Code des assurances, ce n'est qu'à concurrence de son paiement que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance acquiert tous les droits de l'assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie ; qu'en décidant, dès lors, que l'assureur, qui avait indemnisé partiellement le destinataire et s'était fait remettre le connaissement, avait pu céder à la société Cauvin Palle le droit de demander au transporteur réparation de la totalité du préjudice subi par le destinataire, et en permettant à l'assureur de faire son profit de la fraction non indemnisée de ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article L. 172-29 du Code des assurances ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que la société Cauvin Palle, outre qu'elle était subrogée dans les droits de la société Skandia insurance, était porteur du connaissement, a retenu à bon droit qu'elle était, à ce titre, recevable à agir contre le transporteur maritime pour obtenir la réparation du dommage résultant de la perte des marchandises ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Latvian shipping fait encore grief à la cour d'appel de s'être prononcée comme elle l'a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans ses conclusions, la société Latvian shipping faisait valoir que les mesures effectuées par le cabinet d'expertise Caleb Brett, au port de déchargement, dans les cuves du navire, avaient révélé une quantité de 24 460,190 tonnes, soit 0,1 % de moins que la quantité figurant au connaissement ; que les mesures opérées une seconde fois par le même cabinet d'expertise, à terre, dans les cuves du destinataire, avaient révélé un manquant de 292 064 tonnes, soit 1,19 % de moins que cette quantité, et qu'ayant été constaté par ce même cabinet d'expertise qu'à l'issue du déchargement, le navire était vide, il apparaissait qu'il n'y avait eu aucune perte de la marchandise au cours des opérations de transport et qu'elle ne pouvait pas être déclarée responsable des manquants constatés dans les cuves du destinataire ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent de conclusions de la société Latvian shipping qui, s'il avait été accueilli, aurait modifié l'issue du litige, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre
part, que le transporteur ne peut être responsable des manquants qu'au-delà de la freinte de route reconnue par les usages ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté qu'en matière de transport maritime du pétrole, il existait une freinte de route internationalement reconnue de 0,5 % de la marchandise ; que la société Latvian shipping ne pouvait donc en toute hypothèse être responsable que du manquant excédant ce pourcentage ; qu'en estimant néanmoins qu'elle devait être tenue responsable de la totalité du manquant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 27 de la loi du 18 juin 1966 ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées en constatant qu'il était établi par les mesures effectuées par l'expert que la quantité de pétrole déchargé n'avait été que de 24 196,850 tonnes ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu qu'il n'était pas établi que le manquant constaté provenait de la freinte de route, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi