La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/1987 | FRANCE | N°86-16185

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 juin 1987, 86-16185


Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que, selon les juges du fond, quelques semaines après l'accident de la circulation dont Mme Y... née X..., dite Chantal Z..., avait été victime, l'hebdomadaire VSD a publié en couverture une photographie prise au téléobjectif représentant cette comédienne, les yeux protégés par des lunettes noires, assise dans un fauteuil roulant, et poussée par son mari, sur le toit-terrasse de l'hôpital où elle avait été soignée, vers l'hélicoptère qui allait la conduire à son lieu de convalescence ; qu'une photog

raphie semblable occupait une double page à l'intérieur de la publication,...

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que, selon les juges du fond, quelques semaines après l'accident de la circulation dont Mme Y... née X..., dite Chantal Z..., avait été victime, l'hebdomadaire VSD a publié en couverture une photographie prise au téléobjectif représentant cette comédienne, les yeux protégés par des lunettes noires, assise dans un fauteuil roulant, et poussée par son mari, sur le toit-terrasse de l'hôpital où elle avait été soignée, vers l'hélicoptère qui allait la conduire à son lieu de convalescence ; qu'une photographie semblable occupait une double page à l'intérieur de la publication, accompagnée d'un texte indiquant notamment que Chantal Z... " ne peut pas encore marcher et (...) devra subir de longues séances de rééducation " et déclarant que " plus qu'un froid bulletin de santé, cette photo rassurera tous ceux qui étaient impatients de la revoir " ; que la cour d'appel (Paris, 26 juin 1986) a condamné la société VSD à verser des dommages-intérêts aux époux Y... pour atteinte à l'intimité de leur vie privée et à leur droit à l'image, et à publier son arrêt en page de couverture, sous astreinte et sans que cette page puisse comporter " aucune autre impression, à l'exception du titre de l'hebdomadaire " ;

Attendu que la société VSD soutient, d'une part, que la reproduction de l'image d'autrui par un organe de presse n'est pas fautive si elle a pour seul objet d'établir la réalité d'un point d'actualité ou de l'illustrer et que la cour d'appel a violé les articles 9 et 1382 du Code civil, ainsi que l'article 1er de la loi du 29 juillet 1881, en accueillant les demandes tout en constatant que le public était tenu informé de l'état de santé de l'actrice par des bulletins de santé et que les photographies prises lors de sa sortie de l'hôpital étaient accompagnées d'un texte bienveillant et optimiste ; qu'il est prétendu, d'autre part, que, dans de telles conditions, il n'était pas légalement possible de décider que la reproduction de ces photographies portait atteinte à l'intimité de la vie privée de Mme Chantal Z... ;

Mais attendu qu'à bon droit l'arrêt attaqué déclare que la publication des photographies en cause, faites à l'insu des intéressés, divulguées sans leur autorisation puisqu'ils s'étaient au contraire opposés à toute prise de cliché postérieure à l'accident, et donnant au surplus l'image d'un être marqué par la souffrance et diminué physiquement, portait atteinte au respect de la vie privée aussi bien qu'au droit à l'image de l'actrice comme de l'homme qui partageait sa vie, que le caractère bienveillant et optimiste du titre et du texte accompagnant ces photographies était sans effet sur l'existence de la violation commise, fautive en tant que telle, abstraction faite de la divulgation déjà réalisée de l'état de la malade ;

D'où il suit que les deux griefs formulés ne peuvent qu'être rejetés ;

Et sur la troisième branche du moyen :

Attendu que la société VSD prétend aussi que les juges du second degré n'ont pas répondu à ses conclusions tirant argument du " seul but d'exemplarité " poursuivi - selon ladite société - par Chantal Z... dans sa demande de publication de l'arrêt à intervenir en première page de l'hebdomadaire, ce qui établissait que la condamnation ainsi requise des juridictions civiles, saisies sur le fondement des articles 9 et 1382 du Code civil, excédait leurs pouvoirs ;

Mais attendu qu'en motivant la mesure de publication qu'elle ordonnait par " l'appréciation du préjudice " subi par les intéressés, lesquels en avaient soumis les divers éléments à son examen, la cour d'appel a nécessairement répondu, pour l'écarter, à l'argumentation ci-dessus rappelée ; que la troisième branche du moyen n'est pas mieux fondée que les précédentes ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 86-16185
Date de la décision : 10/06/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Droit à l'image - Atteinte - Publication de photographies - Photographies prises à l'insu des intéressés - Absence d'autorisation

* PRESSE - Journal - Responsabilité - Faute - Publication - Photographies - Photographies prises à l'insu des intéressés - Absence d'autorisation

* RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASIDELICTUELLE - Faute - Presse - Publication - Photographies - Photographies prises à l'insu des intéressés - Absence d'autorisation

* PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Atteinte - Publication de photographies - Photographies prises à l'insu des intéressés - Absence d'autorisation

La publication de la photographie d'une comédienne, à sa sortie d'hôpital, assise dans un fauteuil roulant et poussée par son mari, prise à l'insu des intéressés et divulguée sans leur autorisation, porte atteinte au respect de la vie privée aussi bien qu'au droit à l'image de l'actrice et de son époux sans qu'importe le caractère bienveillant et optimiste du texte accompagnant cette photographie ou le fait que le public ait déjà été tenu informé de l'état de la malade .


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 juin 1986

A RAPPROCHER : Chambre civile 2, 1981-07-08 Bulletin 1981, II, n° 151, p. 97 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jui. 1987, pourvoi n°86-16185, Bull. civ. 1987 I N° 191 p. 141
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 I N° 191 p. 141

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre et rapporteur
Avocat général : Avocat général :M. Charbonnier
Avocat(s) : Avocats :la SCP Piwnica et Molinié, M. Choucroy .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.16185
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award