Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 6 novembre 1985) que, pour avoir paiement de marchandises livrées par elle à la société Domi, la société Monier a obtenu que lui soit endossée une lettre de change tirée par la société Domi sur la société civile immobilière l'Hermitage (la SCI) et acceptée par celle-ci ; que M. X..., gérant de la société Domi et signataire de l'endossement, était en même temps gérant de la SCI au nom de laquelle il avait signé l'effet pour acceptation ; que la lettre de change n'a pas été payée à son échéance ; que la société Monier a assigné la société Domi en paiement de l'effet litigieux, outre intérêts et dommages-intérêts ;
Attendu que la SCI fait grief à la Cour d'appel d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, l'arrêt a dénaturé ses conclusions d'appel dans la mesure où il leur attribue le moyen tiré du dol de la société Monier qui n'y a été invoqué ni expressément, ni implicitement, puisque l'argumentation des conclusions reposait exclusivement sur la mauvaise foi du tiers porteur de la lettre de change ; et que cette dénaturation est décisive, car l'arrêt a arbitrairement éliminé de l'examen de la mauvaise foi deux éléments de preuve au motif que ceux-ci seraient insuffisants à établir le dol ; que l'arrêt a donc violé les articles 4 du Nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil, alors que, d'autre part, l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale par violation des articles 1315 et suivants du Code civil pour n'avoir pas recherché si la pression exercée par la société Monier sur le gérant des sociétés Domi et l'Hermitage à l'époque de l'endossement et la double signature différente de ce gérant sur la lettre de change en qualité de tireur et de tiré accepteur n'étaient pas de nature à établir sinon le dol non invoqué, du moins la mauvaise foi au sens commun du terme du représentant de la société Monier, alors, enfin, que la notion de mauvaise foi au sens du droit cambiaire de l'article 121 du Code de commerce, implique seulement que le porteur de la lettre de change, en acquérant celle-ci, ait agi sciemment au détriment du débiteur, les juges devant impérativement se placer à la date de l'endossement, et qu'en l'espèce l'arrêt a arbitrairement limité l'application de ce texte au point de savoir si l'effet de commerce était ou non suffisamment causé, ce qui traduit sa violation ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la Cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions de la SCI, et qui a effectué la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise, a exclu qu'en acquérant la lettre de change, la société Monier ait eu conscience de causer un dommage au débiteur cambiaire ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCI reproche à la Cour d'appel de l'avoir condamnée à payer à la société Monier une somme déterminée à titre de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, que l'arrêt n'a pas caractérisé l'abus du droit de défendre à une action, tout plaideur pouvant se méprendre sur l'étendue de ses droits et la SCI ayant été reconnue fondée dans sa défense par les juges du premier degré, après rejet à son profit d'une précédente instance ; que l'arrêt a donc violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que c'est par une exacte application de l'article 1153 alinéa 4 du Code civil, que la Cour d'appel, après avoir relevé que les intérêts légaux étaient loin de compenser le préjudice effectif subi par la société Monier qui avait attendu plus de onze ans le règlement de la somme qui lui était due et que la résistance infondée de la SCI était à l'origine de ce trop long litige, s'est prononcée comme elle l'a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI ;