Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 1985) que M. X... a, pour obtenir paiement de travaux exécutés dans le magasin de Mme
Y...
, épouse Avakian, tiré sur celle-ci des lettres de change qu'elle a acceptées ; que, produisant les effets restés impayés, M. X... a obtenu à l'encontre de sa débitrice une ordonnance d'injonction de payer ; que Mme Y... a fait opposition ; qu'alléguant que sa signature avait été contrefaite sur un devis, que M. X... avait également produit, et qu'elle avait saisi la juridiction pénale d'une plainte avec constitution de partie civile, Mme Y... a sollicité qu'il soit sursis à statuer sur la demande de M. X... ;
Attendu que Mme Y... fait grief à la Cour d'appel d'avoir confirmé le jugement l'ayant déboutée de son opposition et l'ayant condamnée à verser certaines sommes à M. X... alors, selon le pourvoi, que les condamnations ne peuvent être prononcées qu'au profit des parties à l'instance ; que la société Architecture Design, s'étant constituée sur l'appel formé par Mme Y... et ayant conclu au fond, et ayant par là-même repris l'instance en son nom, la Cour d'appel ne pouvait confirmer un jugement qui avait prononcé des condamnations au profit de M. X... personnellement ; alors, d'autre part, qu'il résulte des motifs de l'arrêt que la Cour d'appel a entendu faire droit à une action cambiaire ; qu'il résulte des traites communiquées que le bénéficiaire desdites traites est la société Architecture et Design, de telle sorte qu'à supposer que l'action cambiaire ait réellement été engagée, la Cour d'appel ne pouvait confirmer un jugement prononçant une condamnation au profit de M. X... Elliot ; qu'en agissant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que Mme Y..., ayant conclu contre M. Elliot X..., n'est pas recevable à soutenir un moyen contraire aux conclusions qu'elle a prises devant la Cour d'appel ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme Y... reproche à la Cour d'appel d'avoir statué ainsi qu'elle l'a fait, alors, selon le pourvoi, que l'action intentée en vertu du droit cambiaire est l'action en paiement d'un effet de commerce ; qu'il résulte de la requête adressée aux fins d'obtenir une injonction de payer que M. X... a, sous la rubrique "Causes de la créance - documents justificatifs" indiqué : " facture certifiée conforme, ... devis signé, 11 traites acceptées, sommation de payer" ; qu'il résulte de ce libellé que l'action n'étant pas une action cambiaire mais une action fondée sur le rapport fondamental, les traites n'étant invoquées que comme documents justificatifs ; que la charge de la preuve de la créance reposait donc sur le demandeur qui exerçait une action de droit commun ; qu'en estimant que c'était à Mme Y... à renverser la présomption qui pesait sur elle, la Cour d'appel a, en réalité, interverti la charge de la preuve et violé les articles 116 du Code de commerce et 1315 du Code civil ;
Mais attendu que Mme Y..., qui, pour résister à la demande de M. X..., a prétendu que les lettres de change dont celui-ci demandait le paiement étaient sans cause, n'est pas recevable à soutenir devant la Cour de Cassation un moyen qui contredit cette argumentation ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme Y... fait encore grief à la Cour d'appel d'avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer alors, selon le pourvoi, d'une part, que toute décision doit être motivée, que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en n'indiquant pas pourquoi les poursuites pénales intentées seraient sans incidence sur l'instance cambiaire devant la Cour d'appel, les juges du fond n'ont pas suffisamment motivé leur décision et ont, par là-même, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que les juges du fond sont tenus de surseoir à statuer dès lors que des poursuites pénales sont de nature à avoir une incidence sur une affaire civile ou commerciale ; que, dans une instance en paiement d'une lettre de change dirigée par le tireur contre le tiré, ce dernier est en droit d'invoquer les exceptions tenant au rapport fondamental ; qu'en l'espèce actuelle, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, Mme Y... ayant invoqué des malfaçons ou des non-façons, l'architecte, pour répondre à cette exception, a produit un devis accepté, portant la signature de Mme Y..., qui a contesté celle-ci et son accord, ce qui a donné lieu à des poursuites pour faux ; qu'il est évident que les poursuites pour faux ne sont pas sans incidence sur l'instance cambiaire, dans la mesure où elles concernent la validité du rapport fondamental, et que, dès lors, c'est par une violation de l'article 4 du Code de procédure pénale et de la règle "le criminel tient le civil en l'état" que la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a refusé d'ordonner le sursis à statuer ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la Cour d'appel a relevé que, dès lors que Mme Y... avait payé un acompte, la convention avait été valablement formée, que Mme Y... avait accepté les lettres de change après la fin des travaux, qu'elle avait payé le premier effet et que la plainte déposée par elle n'avait pas pour objet direct de faire disparaître la créance alléguée qui résultait des travaux convenus entre les parties et dont les conditions de paiement avaient été acceptées par la débitrice ; qu'ayant ainsi fait ressortir, par une décision motivée, que ce n'était pas en se fondant sur le document argué de faux qu'elle avait constaté l'existence du rapport fondamental dans lequel les lettres de change trouvaient leur cause, elle a pu statuer comme elle l'a fait ; que le moyen n'est fondé ni en l'une ni en l'autre de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi