Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et sixième branches : .
Vu les articles 2 et 3 de la loi du 7 juillet 1967 ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, si l'abordage est fortuit, s'il est dû à un cas de force majeure ou s'il y a doute sur les causes de l'accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés ; qu'aux termes du second de ces textes, si l'abordage est causé par la faute de l'un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dans la nuit du 1er au 2 décembre 1976, le navire " Ben Franklin ", qui relâchait dans le port de Marseille, a rompu ses amarres à la suite d'un ouragan et a coulé le navire " Francesca " à son poste d'amarrage, que la Société Chateaudon, armateur du " Francesca ", les compagnies d'assurances mentionnées en tête du présent arrêt prises tant en qualité de cessionnaires que de subrogées dans les droits de la Société Chateaudon, les sociétés Fairfield Maxwell Services, Fairfield Industries, Fairfield Aquatronics, Aquatronics International et Cargo Underwritters ont demandé à la Société Gazocéan, armateur du " Ben Franklin ", la réparation du préjudice qu'elles avaient éprouvé par suite du sinistre ;
Attendu que pour accueillir ces demandes, la cour d'appel a retenu essentiellement que la Société Gazocéan, à qui incombait la preuve de la force majeure qu'elle invoquait, n'établissait pas que les conditions atmosphériques régnant au cours de la nuit de l'abordage avaient été si éprouvantes qu'elles avaient entraîné des dégâts significatifs, que l'ouragan avait été durement ressenti dans le port et la ville de Marseille mais n'avait pas revêtu le caractère d'une catastrophe naturelle imparable, que la durée et les conditions de l'immobilisation du " Ben Franklin " auraient justifié qu'il fût amarré avec une large marge de sécurité, en fonction de ses caractéristiques propres, qu'en l'occurrence cette marge de sécurité s'était trouvée si manifestement dépassée que le capitaine avait été contraint de faire appel, avant que le vent atteigne son paroxysme, au remorqueur disponible, et que l'amarrage était loin de présenter des garanties de sécurité assez étendues, tel qu'il est d'usage de les prendre en matière maritime ;
Attendu qu'en statuant ainsi après avoir retenu que le coup de vent avait eu un caractère imprévisible et sans préciser si, au moment où il est survenu, le capitaine aurait pu en éviter les effets, la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute sur laquelle elle fondait la responsabilité de la Société Gazocéan et n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 1984, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen