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24/02/1987 | FRANCE | N°85-12035

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 février 1987, 85-12035


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X... a quitté le service de la banque Rotschild pour signer un contrat d'agent commercial avec la société Institut de Gestion Européen (IGE), ayant pour objet l'achat et la vente de monnaies anciennes ; qu'il s'est mis en rapport avec Estelle Y..., cliente de la banque précitée, qui possédait un important portefeuille de valeurs mobilières, pour lui proposer un placement plus avantageux en pièces de monnaies ; qu'Estelle Y..., qui n'était pas une numismate, a acquis, en 1972, une première collection par l'intermédiaire de M

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Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X... a quitté le service de la banque Rotschild pour signer un contrat d'agent commercial avec la société Institut de Gestion Européen (IGE), ayant pour objet l'achat et la vente de monnaies anciennes ; qu'il s'est mis en rapport avec Estelle Y..., cliente de la banque précitée, qui possédait un important portefeuille de valeurs mobilières, pour lui proposer un placement plus avantageux en pièces de monnaies ; qu'Estelle Y..., qui n'était pas une numismate, a acquis, en 1972, une première collection par l'intermédiaire de M. X... sans que celui-ci ait mentionné de manière précise, dans le bon de commande de l'IGE, la nature et les caractéristiques des pièces ; que deux autres collections ont été achetées par son entremise en janvier et mai 1974, et facturées par l'IGE ; que la vente d'une quatrième collection est intervenue au mois de février 1975, directement entre M. X... et Estelle Y... ; que celle-ci est décédée le 19 mars 1977 ; que sa fille Françoise, épouse Z..., devenue seule propriétaire des collections à la suite d'un partage, a appris par une expertise que la valeur des pièces, acquises au prix total de 162.465 francs, était de 50.000 francs ; que Mme Z... a, le 31 octobre 1980, assigné M. X... en paiement de la somme de 166.286 francs, représentant la différence augmentée d'un pourcentage de revalorisation depuis la date du dernier achat ; que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté sa demande ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que Mme Z... fait grief à la Cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, en ce qui concerne la quatrième collection, vendue à son juste prix en période de baisse des cours, qu'en énonçant que la responsabilité du placier ne pouvait être engagée qu'en cas de conseil donné délibérément de mauvaise foi, alors pourtant qu'elle pouvait l'être pour ses négligences ou son incompétence et qu'il lui appartenait d'informer sa cliente des conséquences de la crise pétrolière sur les valeurs numismatiques, sa décision se trouverait de la sorte privée de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que la juridiction du second degré retient qu'à l'époque, le risque de baisse des cours pouvait paraître limité dans le temps pour un professionnel, compte tenu de la bonne qualité des pièces de cette collection ; qu'abstraction faite de motif surabondant erroné se rapportant à l'exigence de la mauvaise foi du conseil, ces énonciations suffisent à justifier sur ce point la décision ; que le grief ne peut donc être accueilli ;

Le rejette ;

Mais, sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que l'arrêt attaqué, qui relève que M. X... était tenu, en sa qualité de placier professionnel, d'une obligation de conseil, et constate que Mme Y... a subi un préjudice ayant consisté à payer, en 1972, la première collection six fois la valeur déterminée par les experts, s'est, pour exonérer le placier de toute responsabilité en ce qui concerne cette opération, bornée à constater que "l'absence de désignation précise de la nature et des caractéristiques des objets de numismatique - prévue au bon de commande de l'IGE - démontre une certaine négligence de M. X... mais n'implique pas nécessairement la certitude d'un préjudice pour la cliente, étant donné que le choix des pièces appartenait à l'IGE et non pas à M. X..." ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur l'absence de causalité entre le manquement au devoir de conseil de M. X... et le préjudice subi par Mme Y..., la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Et, sur la deuxième branche du moyen :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que l'arrêt attaqué a encore estimé que M. X... n'avait pas manqué à son devoir de conseil en poussant, au mois de janvier 1974, Mme Y... à acquérir, dans les mêmes conditions, d'autres pièces présentées comme des valeurs sûres par rapport aux valeurs mobilières, en retenant que cet avis, qui s'est révélé par la suite erroné, n'était pas téméraire au début de l'année 1974 puisque les cours des monnaies anciennes, particulièrement celles de second choix, ne se sont effondrés qu'à partir de la crise pétrolière de 1974 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé le caractère désastreux de la première opération réalisée en 1972, caractère qui aurait dû inciter M. X... à ne pas conseiller à sa cliente d'effectuer d'autres opérations dans des conditions similaires, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a écarté la responsabilité de M. X... pour les achats de monnaies anciennes effectués par Mme Y... en 1972, janvier et mai 1974, l'arrêt rendu, le 21 novembre 1984, entre les parties, par la Cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en la Chambre du conseil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-12035
Date de la décision : 24/02/1987
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

AGENT D'AFFAIRES - Obligation de conseil - Conditions - Préjudice.


Références :

Code civil 1147, 1382

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 21 novembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 24 fév. 1987, pourvoi n°85-12035


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.12035
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