Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Lyon, 13 février 1985), que la société Etablissements Toury (société Toury) a chargé la société Petre François et compagnie (société Pètre) d'un transport de papier depuis Theix jusqu'à Saint-Etienne ; que la marchandise ayant été endommagée au cours du transport, la société Toury a assigné la société Pètre et la compagnie UAP, assureur de cette dernière, pour obtenir la réparation de son préjudice, que pour fixer l'indemnité due à la société Toury, la cour d'appel a fait application d'une clause limitative de responsabilité prévue au contrat, écartant ainsi le moyen par lequel cette société soutenait qu'une faute lourde du chauffeur de la société Pètre ne permettait pas à cette dernière de se prévaloir de cette clause ;
Attendu que la société Toury fait grief à la cour d'appel de s'être ainsi prononcée alors, selon le pourvoi, que d'une part, si la faute lourde est assimilable au dol quant à ses effets, elle demeure une faute non intentionnelle, et se distingue en cela du dol ; qu'en imposant, pour l'application d'une clause limitative de responsabilité, la preuve d'une faute lourde intégralement assimilée au dol, qui implique en conséquence l'intention de causer le dommage, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1150 du Code civil ; alors que d'autre part, la faute lourde suppose, à son heure, une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il accepte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui constate qu'après avoir dételé son semi-remorque, le chauffeur du transporteur fit une fausse manoeuvre lors du réattelage, qui précipita la totalité du chargement dans un pré en contrebas de la chaussée, n'a pas tiré les conséquences juridiques de ses propres constatations, qui révèlent une négligence et une imprudence d'une extrême gravité, en décidant que ces faits ne constituaient pas " la faute lourde équipollente au dol " ; alors qu'en outre, la société Toury avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que le défaut de maîtrise, dans une manoeuvre aussi banale que l'attelage d'un semi-remorque au tracteur routier, ne pouvait avoir sa source que dans une négligence ou une imprudence constitutive d'une faute lourde ; qu'en se bornant à affirmer que la faute commise par le préposé du transporteur " ne revêt aucune des caractéristiques de la faute lourde équipollente au dol ", sans donner aucun motif de nature à justifier que la fausse manoeuvre du chauffeur, origine du dommage, ne procédait pas d'une négligence ou d'une imprudence d'une extrême gravité, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en retenant qu'une simple fausse manoeuvre dans l'opération d'attelage d'une semi-remorque n'était pas constitutive d'une faute lourde, la cour d'appel qui a motivé sa décision n'a encouru aucun des griefs du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Toury fait encore grief à l'arrêt d'avoir appliqué la clause limitant l'indemnité à 1 800 francs par colis détérioré en retenant comme constitutif d'un colis non chacune des bobines composant le chargement mais chaque palette qui les regroupait, alors, selon le pourvoi, que d'une part, l'appellation de " colis " s'entend de marchandises emballées en sacs, paquets, caisses que l'on peut manutentionner à la main ; que tel n'est pas le cas d'une palette contenant 16 bobines et pesant 1 130 kg ; qu'en décidant de considérer chaque palette et non chaque bobine comme colis, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de la clause limitative de responsabilité, et a violé l'article 1134 du Code civil ; alors que d'autre part, en supposant qu'il ait pu y avoir lieu à interprétation, la clause limitative de responsabilité devait, dans le doute, s'interpréter contre celui qui a stipulé ; qu'en l'espèce, les récépissés émis par le transporteur, la société Toury, mentionnant respectivement 21 palettes et 336 bobines, et reproduisant la clause limitative de responsabilité imposée à l'expéditeur, la société Toury, la cour d'appel, qui a interprété la commune intention des parties au détriment de la société Toury, en décidant qu'il fallait retenir 21 colis au lieu de 336, a violé l'article 1162 du Code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve et de l'intention des parties que la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que le récépissé, établi avant l'exécution du transport mentionnait le nombre de palettes faisant l'objet de l'opération sans préciser le nombre de bobines et que chaque palette constituait en l'espèce un colis ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi