Attendu que le pourvoi attaque deux arrêts, l'un rendu le 4 novembre 1983 qui a "condamné la Compagnie Européenne d'Equipement (la C.E.E.) à payer à la société Cedimat la somme de 944.034,96 francs, avec les intérêts de droit, contre mise à sa disposition des matériels inventoriés en septembre 1979", et l'autre, rendu le 15 mars 1985 sur requête en interprétation, qui a "dit qu'en raison de l'impossibilité matérielle pour la société Cedimat d'exécuter les prestations imposées par l'arrêt précédent, la condamnation de la C.E.E. se trouve réduite à la somme de 728.472,96 francs" ;
Sur la première branche du moyen dirigé contre l'arrêt du 4 novembre 1983 :
Attendu que la C.E.E. fait grief à cet arrêt de l'avoir condamnée comme il a été indiqué ci-dessus, sur le fondement d'un "protocole d'accord" conclu entre les parties le 27 décembre 1978, alors, selon le pourvoi, que ce protocole stipulait expressément, dans son article 1er, intitulé "intentions des parties : ... à compter du 1er janvier 1979, la société Cedimat mettra à la disposition de la C.E.E. une liste de matériels T.P. en stock afin de procéder à leur commercialisation selon des modalités précises" et, dans son article 2, intitulé "modalités et conditions de cession : ... la C.E.E. s'engage au fur et à mesure de ses besoins à racheter à Cedimat S.A. le matériel T.P. ; la C.E.E., pour tenir ses engagements de commercialiser la liste des stocks appartenant à Cedimat S.A., demande un délai maximum de deux ans" ; qu'il résulte clairement de ces stipulations que la C.E.E. n'a pas pris deux engagements distincts, celui de racheter du matériel T.P. par préférence à la société Cedimat au fur et à mesure de ses besoins, et celui de vendre la totalité du stock appartenant à la société Cedimat dans les deux ans, mais un engagement unique qui était de procéder à la commercialisation du stock, selon les modalités fixées par le protocole, c'est-à-dire en rachetant celui-ci au fur et à mesure de ses besoins ; qu'en jugeant que la C.E.E. avait contracté l'obligation de résultat de commercialiser le stock dans un délai de deux ans, obligation incompatible avec les modalités prévues par le protocole, la Cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de celui-ci et violé ainsi l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la Cour d'appel, loin de dénaturer la convention invoquée, n'a fait qu'en reprendre les termes en considérant que ses clauses successives imposaient à la C.E.E. à la fois de vendre la totalité d'un stock dans les deux ans et de racheter par préférence à la société Cedimat au fur et à mesure de ses besoins ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Mais sur la troisième branche du même moyen :
Vu l'article 1144 du Code civil ;
Attendu que pour se prononcer comme elle l'a fait, la Cour d'appel a retenu que sans attendre la fin de l'année 1980, échéance finale de l'obligation de la C.E.E., la société Cedimat s'est substituée à celle-ci dans l'exécution de son obligation, qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir procédé à cette vente directe, effectuée sans faute de sa part, en contemplation de l'immobilisme de son cocontractant, pour soulager sa trésorerie obérée par ce stock, qu'elle a, en prenant cette initiative, géré les affaires communes, son intérêt rejoignant celui de la C.E.E., qui était de liquider le stock, que toutefois, elle ne saurait, ayant pris elle-même le risque de vendre sans associer la C.E.E. à ses opérations, faire supporter à celle-ci la totalité de la perte qui en est résultée et qu'elle possédait les éléments suffisants pour réduire de moitié la dette théorique de la C.E.E. ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi alors que le créancier ne peut, en cas d'inexécution, faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur que sur décision de justice, la Cour d'appel, qui a constaté que la société Cedimat s'était substituée de sa propre initiative à la C.E.E. dans l'exécution de l'obligation de celle-ci, a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique dirigé contre l'arrêt du 15 mars 1985 :
Attendu que, par application de l'article 625, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, la décision qu'il attaque étant la suite de celle qui va être cassée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen :
CASSE et ANNULE l'arrêt rendu le 4 novembre 1983 et par voie de conséquence, celui rendu le 15 mars 1985, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en la Chambre du conseil ;