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13/01/1987 | FRANCE | N°85-11318

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 janvier 1987, 85-11318


Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Lyon, 13 novembre 1984), que la société Paris-Rhône a demandé à l'entreprise Maia-Sonnier de lui construire une usine ; que, dans une première tranche de travaux, des mouvements du sol ont occasionné des tassements ayant affecté les dallages et les canalisations, et dans une seconde tranche, des canalisations, des bardages, longrines, cloisons et charpente métallique ; que, statuant sur la demande de réparation formée par la société Paris-Rhône, la Cour d'appel a déclaré l'entreprise Maia Sonnier entièrement responsable de

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Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Lyon, 13 novembre 1984), que la société Paris-Rhône a demandé à l'entreprise Maia-Sonnier de lui construire une usine ; que, dans une première tranche de travaux, des mouvements du sol ont occasionné des tassements ayant affecté les dallages et les canalisations, et dans une seconde tranche, des canalisations, des bardages, longrines, cloisons et charpente métallique ; que, statuant sur la demande de réparation formée par la société Paris-Rhône, la Cour d'appel a déclaré l'entreprise Maia Sonnier entièrement responsable des désordres et la compagnie d'assurances la Winterthur, son assureur, tenue à garantir cette société des conséquences des désordres affectant les dallages à concurrence de 85 % et en ce qui concerne les conséquences des autres désordres à concurrence de 95 % ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la compagnie La Winterthur reproche à la Cour d'appel de l'avoir condamnée à garantir le sinistre, alors que, selon le moyen, elle a relevé que les désordres avaient pour cause les fautes de conception des bureaux d'étude auxquels la société Maia Sonnier avait sous-traité la conception de l'ouvrage, que ladite société était assurée en qualité d'entreprise et non de concepteur, et qu'elle n'en a pas tiré les conséquences légales d'où découlait la non garantie de l'entreprise ;

Mais attendu que si la Cour d'appel a relevé que la cause première des désordres a pour origine les fautes de conception des bureaux d'études, elle a aussi énoncé que la société Maia Sonnier a exécuté les travaux de la première tranche "sans avoir suffisamment éclairé le maître de l'ouvrage sur l'importance des risques qu'il prenait en faisant son choix, parmi les solutions techniques qui lui étaient proposées", et ceux de la deuxième tranche, sans émettre de réserves "sur les fondations supportant la charpente métallique" ; qu'ayant ainsi retenu la responsabilité de la société Maia Sonnier envers le maître de l'ouvrage en sa qualité d'entrepreneur, qui n'aurait pas dû exécuter les travaux alors que sa qualification professionnelle lui faisait un devoir d'en apprécier les risques, la Cour d'appel, qui, par ailleurs, a laissé à la charge de celle-ci une part de responsabilité dans la conception des travaux litigieux, en a déduit que la compagnie d'assurances devait garantir ladite société en sa qualité d'entreprise, dans une proportion qu'elle a souverainement appréciée ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que l'assureur fait encore grief à la Cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait à son encontre alors que, d'une part, pour écarter la clause de la police, applicable à la première tranche, excluant de la garantie les désordres conséquences "d'un sol superficiel inconsistant", elle s'est bornée à relever que la notion de sol superficiel doit être appréciée par rapport au niveau du terrain d'origine, formule de portée générale abstraite et empreinte de relativité, sans préciser les raisons pour lesquelles elle a écarté les conclusions du rapport de l'expert judiciaire qui avait estimé que les dommages trouvaient leur cause dans le fait que le remblai reposait sur un sol superficiel inconsistant et sans constater que le rapport produit par la société Maia Sonnier ait contredit les conclusions dudit expert, privant ainsi sa décision de base légale ; alors que, d'autre part, les premiers juges ayant estimé que le sol superficiel, au sens de la police, était celui sur lequel était posé le remblai qui avait bougé par suite d'inconsistance, l'arrêt attaqué ne pouvait infirmer le jugement, dont la confirmation était demandée sur ce point, sans examiner ce motif, de telle sorte qu'a été violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors que, enfin, la clause de la police applicable à la seconde tranche excluait de la garantie les dommages résultant pour les dallages du mouvement du remblai ou du sol sur lequel ils reposaient directement ou indirectement et visait aussi, non seulement les désordres affectant les dallages mais aussi tous les désordres qui, comme en l'espèce, étaient la conséquence de ceux affectant les dallages ; qu'en refusant d'appliquer cette clause d'exclusion aux travaux de la seconde tranche, l'arrêt attaqué l'a dénaturée ;

Mais attendu, d'abord, qu'en relevant qu'il ressort du rapport d'études géotechnique (annexe 24 du rapport d'expertise) explicité par le rapport produit par la société Maia Sonnier, que les tassements extérieurement importants survenus dans les dallages sont dus à la présence d'une couche profonde de tourbe, la Cour d'appel, qui n'a fait qu'user ainsi de son pouvoir souverain d'appréciation des faits de la cause et des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a estimé, répondant en celà aux conclusions de l'expertise et au motif du Tribunal qui soutenaient le contraire, que l'origine des dommages se trouvait dans une couche profonde du terrain et non pas dans un sol superficiel, et a légalement justifié sa décision de ne pas faire application de la clause d'exclusion de garantie concernant la première tranche des travaux ; qu'ensuite, en estimant que la clause d'exclusion concernant la seconde tranche de travaux visait non pas les dommages directs et indirects causés par les dallages mais, aux termes de cette clause, les dommages causés aux dallages par les mouvements du sol sur lequel ils reposaient directement ou indirectement, la Cour d'appel n'a fait qu'appliquer la clause dont les termes étaient clairs et précis ; que le moyen ne saurait donc être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la compagnie reproche enfin à la Cour d'appel d'avoir exonéré de toute responsabilité la société Paris Rhône, alors que, d'une part, après avoir relevé que le maître de l'ouvrage avait été averti des risques de la solution technique retenue par lui pour la première tranche des travaux et qu'il avait à sa disposition un service "Travaux neufs" dirigé par un ingénieur de l'école des travaux publics, elle n'a pas recherché si ce service n'était pas en mesure de l'éclairer sur l'importance des risques pris, et n'a pas ainsi donné de base légale à sa décision au regard des articles 1142 et 1792 du Code civil ; et alors que, d'autre part, ayant constaté qu'informé lors de l'exécution des travaux de la première tranche des risques encourus, et malgré l'apparition de désordres affectant ces travaux, le maître de l'ouvrage avait néanmoins retenu, pour les travaux de la seconde tranche, la solution technique adoptée pour la première, et malgré les réserves écrites de la société Maia Sonnier, s'était borné à faire un choix parmi les solutions proposées en imposant celui fait pour la première tranche, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles devait se déduire que le maître de l'ouvrage s'était immiscé dans la conception de l'ouvrage et a, ainsi, violé, derechef les textes précités ;

Mais attendu que la société Paris Rhône était en droit d'obtenir de la seule société Maia Sonnier, qui s'y était obligée contractuellement tous les renseignements suffisants pour l'éclairer dans le choix à faire parmi les solutions techniques proposées ; que le maître de l'ouvrage ne pouvait faire intervenir son propre service technique sans s'immiscer dans les opérations de conception et d'exécution des travaux ; qu'en énonçant qu'il ne s'était pas immiscé dans de telles opérations, et qu'il s'était borné à faire un simple choix parmi les solutions proposées, peu important qu'il ait eu à sa disposition un service "Travaux neufs" dirigé par un ingénieur qualifié, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ; qu'ensuite, la Cour d'appel a relevé, en ce qui concerne la première tranche des travaux que "si la société Paris Rhône a pris le risque d'une déformation légère du sol, elle n'a entendu en aucune façon assurer le risque des désordres tels qu'ils se sont produits" et sur la deuxième tranche, que sauf réserves faites par cette société sur les dallages mais au sujet desquels elle ne réclamait rien, "elle n'a pas accepté le risque de voir les bardages, les cloisons, la toiture et les réseaux enterrés subir les désordres constatés" ; que la Cour d'appel en a déduit que le maître de l'ouvrage ne s'était pas immiscé dans la conception de ces travaux et que seule la société Maia Sonnier était responsable des désordres ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-11318
Date de la décision : 13/01/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Désordres de construction - Défaut d'exécution - Clause d'exclusion de garantie - Conditions.


Références :

Code civil 1134, 1147, 1792

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 13 novembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 jan. 1987, pourvoi n°85-11318


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.11318
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