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06/01/1987 | FRANCE | N°85-12759

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 janvier 1987, 85-12759


Statuant sur le pourvoi principal formé par la Société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de Paris-La Villette (SEMVI) et sur le pourvoi incident relevé par la société la Compagnie générale des eaux (CGE) ; .

Attendu que l'arrêt attaqué (Orléans, 24 janvier 1985), rendu sur renvoi après cassation, après avoir retenu que la SEMVI s'était enrichie pour avoir bénéficié, pendant les années 1968 et 1969, de la fourniture par la CGE de l'eau qui était nécessaire à son exploitation sans en payer le montant et avoir déclaré que

cet enrichissement était sans cause, a condamné la SEMVI à payer à la CGE une cer...

Statuant sur le pourvoi principal formé par la Société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de Paris-La Villette (SEMVI) et sur le pourvoi incident relevé par la société la Compagnie générale des eaux (CGE) ; .

Attendu que l'arrêt attaqué (Orléans, 24 janvier 1985), rendu sur renvoi après cassation, après avoir retenu que la SEMVI s'était enrichie pour avoir bénéficié, pendant les années 1968 et 1969, de la fourniture par la CGE de l'eau qui était nécessaire à son exploitation sans en payer le montant et avoir déclaré que cet enrichissement était sans cause, a condamné la SEMVI à payer à la CGE une certaine somme avec les intérêts au taux légal à compter du jour de son prononcé ;

Sur les trois moyens du pourvoi principal, pris en leurs diverses branches, et réunis :

Attendu que la SEMVI fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'elle l'a fait en ce qui concerne le premier chef de cette condamnation alors, selon le pourvoi, d'une première part, que la SEMVI avait fait valoir dans ses conclusions d'appel, qu'il résultait des documents de la cause que la ville de Paris, propriétaire de l'eau, avait donné des instructions pour que les contrats d'abonnement d'eau que la SEMVI avait souscrits le 23 février 1970 avec la CGE n'aient pas d'effet rétroactif et qu'elle avait pris la décision de faire bénéficier la SEMVI de la fourniture gratuite de l'eau pour la période antérieure au 31 décembre 1969 en sus de l'octroi d'une subvention ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions qui étaient de nature à établir que l'enrichissement de la SEMVI procédait d'une cause légitime qui, mettant obstacle à l'admission de l'action de in rem verso, la cour d'appel a rendu une décision qui pèche par défaut de motifs, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'une deuxième part, qu'en se bornant à retenir le fait que la SEMVI aurait reçu une subvention de la ville de Paris pour en déduire qu'elle n'aurait pas bénéficié de la gratuité de la fourniture de l'eau pour les années 1968 et 1969, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1371 du Code civil ; alors, de troisième part, qu'ainsi que le faisait valoir la SEMVI dans ses conclusions d'appel, c'était la ville de Paris et non pas la CGE qui, étant propriétaire de l'eau et créancière de recettes, aurait pu se trouver appauvrie du fait des fournitures d'eau litigieuses et qu'il résultait des termes clairs et précis du traité du 29 décembre 1949 conclu entre la ville de Paris et la CGE et relatif à la mise en régie des eaux de Paris que les charges liées à la distribution de l'eau devaient être supportées par la ville ; que, dès lors, en déduisant l'existence d'un appauvrissement de la CGE du fait qu'elle aurait eu à supporter ces charges, la cour d'appel a dénaturé cette convention et, partant, a violé l'article 1134 du Code civil, alors, de quatrième part, qu'en ne recherchant pas, comme elle était tenue de le faire, si, en l'état des clauses du traité du 29 décembre 1949, ces charges ne devaient pas être supportées par la ville et non pas par la CGE, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1371 du Code civil, alors, de cinquième part, qu'en déclarant que la CGE se serait

appauvrie pour avoir été privée de la rémunération qui lui est attribuée par la ville de Paris au titre des factures émises sur les abonnés, dès lors que cette circonstance ne se traduisait pas par une diminution du patrimoine de la CGE et n'avait pas été génératrice d'un appauvrissement pour cette société et qu'au surplus, les fournitures d'eau litigieuses qui se rapportaient à une époque antérieure à celle à laquelle la SEMVI avait souscrit des contrats d'abonnement avec la CGE, n'étaient pas concernées par cette rémunération, la cour d'appel n'a pas, de ce chef encore, donné de base légale à sa décision, au regard de l'article 1371 du Code civil, alors, de sixième part, qu'en déclarant que la ville de Paris aurait été en droit d'exiger de la CGE le règlement des fournitures dont s'agit, la cour d'appel, outre qu'elle n'a pas précisé le fondement juridique d'une telle action, s'est fondée sur un motif hypothétique et n'a pas caractérisé l'existence d'un appauvrissement actuel et certain de la CGE, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article 1371 du Code civil et des principes de l'enrichissement sans cause, alors, de septième part, que le montant de la restitution due par le défendeur à l'action de in rem verso ne peut dépasser ni l'enrichissement du défendeur, ni l'appauvrissement effectif du demandeur ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a condamné la SEMVI au paiement de la somme de 5 020 314,87 francs en prenant seulement en considération le montant de l'enrichissement dont aurait bénéficié cette société, a transgressé cette règle, violant ainsi l'article 1371 du Code civil et les principes de l'enrichissement sans cause et alors enfin, de huitième part, qu'en ne procédant pas à l'évaluation de l'appauvrissement qui aurait été prétendument subi par la CGE, tandis que l'enrichissement sans cause n'est tenu que dans la limite de l'appauvrissement du créancier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à la condamnation prononcée à l'encontre de la SEMVI au regard de l'article 1371 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la gratuité du service de l'eau avait été refusée à la SEMVI par une délibération municipale, ce qui excluait toute intention libérale de la ville de Paris et que la CGE avait agi en qualité de régisseur de celle-ci, chargé du recouvrement des sommes facturées au titre des consommations d'eau ; qu'il ajoute que l'appauvrissement se mesurait exactement au montant de ces sommes ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu, hors toute dénaturation, se prononcer comme elle l'a fait, abstraction faite de la considération surabondante relative à l'octroi d'une subvention, sans recourir à des motifs hypothétiques et en répondant aux conclusions dont elle était saisie ; que les moyens ne sont donc fondés en aucune de leurs branches ;

Et, sur le pourvoi incident :

Attendu que la CGE reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le point de départ des intérêts alloués au jour de son prononcé alors, selon le pourvoi, que la créance née de l'enrichissement sans cause devant être évaluée au plus tard à la date de la demande - et non, comme l'indemnité due en réparation d'un délit ou d'un quasi-délit, au jour de la décision - les intérêts légaux en sont dus, conformément à l'article 1153 du Code civil, du jour de cette demande, de sorte qu'en condamnant la SEMVI à payer à la CGE les intérêts légaux de la somme de 5 020 314,87 francs à compter du jour de l'arrêt et non à compter du 17 juillet 1979, date de l'assignation, ainsi que l'avait demandé cette dernière dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a méconnu les dispositions du texte susvisé ;

Mais attendu qu'une créance née d'un enrichissement sans cause n'existe et ne peut produire d'intérêts moratoires que du jour où elle est judiciairement constatée ; qu'ainsi, la cour d'appel a pu statuer comme elle l'a fait sans violer l'article 1153 du Code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 85-12759
Date de la décision : 06/01/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

INTERETS - Intérêts moratoires - Intérêts de l'indemnité allouée - Point de départ - Enrichissement sans cause - Action de in rem verso

* ENRICHISSEMENT SANS CAUSE - Action de in rem verso - Indemnité - Intérêts - Intérêts moratoires - Point de départ - Date de la décision

Une créance née d'un enrichissement sans cause n'existe et ne peut produire d'intérêts moratoires que du jour où elle est judiciairement constatée .


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 24 janvier 1985

A RAPPROCHER : 1re Civ., 5 février 1980, Bull. 1980, I, n° 44, p. 37 (cassation partielle). Cour de Cassation, chambre civile 1, 1980-02-05, bulletin 1980 I N° 44 p. 37 (Cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 jan. 1987, pourvoi n°85-12759, Bull. civ. 1987 IV N° 6 p. 4
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 IV N° 6 p. 4

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Baudoin
Avocat général : Avocat général :M. Cochard
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Perdriau
Avocat(s) : Avocats :la SCP Nicolas, Masse-Dessen et Georges et la SCP Vier et Barthélémy .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.12759
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