CASSATION sur les pourvois formés par :
1° X... Constant,
2° Y... Boubker,
contre un arrêt de la Cour d'assises de Tarn-et-Garonne en date du 23 avril 1986 qui, sur renvoi après cassation, les a condamnés, pour vol qualifié et meurtre, respectivement à la réclusion criminelle à perpétuité et à vingt ans de réclusion criminelle.
LA COUR,
Vu la connexité joignant les pourvois ;
Vu le mémoire produit commun aux deux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 330 et 331 du Code de procédure pénale,
" en ce qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des débats que : " sur la demande de la défense, M. le président a fait venir à la barre Mme Z..., née le 29 août 1935 à Haïphong (Vietnam), témoin de la défense non dénoncé au Ministère public et qui a été entendu sans serment, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ;
" alors que le témoin Z..., ayant été régulièrement cité, appartenait aux débats et devait être entendu sous serment, faute d'opposition constatée de la part du Ministère public ; qu'en toute hypothèse, en cas d'opposition, il appartenait à la Cour de statuer " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout témoin cité avant l'ouverture des débats doit, à peine de nullité, s'il ne se trouve pas dans un cas d'empêchement ou d'incapacité prévu par la loi, prêter, avant de déposer, le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale ; que même si son nom n'a pas été signifié dans les conditions prévues par l'article 281 dudit Code, il ne doit être entendu sans prestation de serment que si la partie à qui cette signification aurait dû être faite a formé, conformément à l'article 330 du même Code, une opposition reconnue fondée par la Cour ;
Attendu qu'il appert du procès-verbal des débats que le président a entendu sans serment en vertu de son pouvoir discrétionnaire un témoin cité à la requête de la défense et non dénoncé au Ministère public ;
Mais attendu que ce témoin était acquis aux débats dès lors qu'il avait été cité le 18 avril 1986 soit avant leur ouverture le 21 avril et qu'il ne pouvait être dépouillé de son caractère légal ;
Qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal qu'il se trouvait dans un cas d'empêchement ou d'incapacité prévu par la loi, ni que les parties aient renoncé à son audition, ni enfin que le Ministère public à qui son nom n'avait pas été signifié, ait formé à son audition sans serment une opposition reconnue légalement fondée par la Cour ;
Qu'ainsi le moyen doit être accueilli et que la cassation est encourue ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 371, 593 et 609 du Code de procédure pénale, du principe de l'autorité de la chose jugée, ensemble violation des droits de la défense,
" en ce que les débats ont eu lieu en présence et avec la participation d'une partie civile ;
" alors que celle-ci avait obtenu la réparation de son dommage par arrêt civil rendu par la Cour d'assises de la Haute-Garonne, non frappé de pourvoi et devenu définitif ; que la Cour d'assises, statuant sur renvoi, était uniquement saisie de l'action publique ; que l'intervention de la partie civile a radicalement vicié les débats sur l'action publique et violé les droits de la défense " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que lorsque l'arrêt criminel d'une Cour d'assises a seul été frappé de pourvoi, la cassation de cet arrêt n'entraîne pas celle de l'arrêt statuant sur les intérêts civils, lequel a acquis l'autorité de la chose jugée ;
Qu'il s'ensuit que n'étant plus partie au procès, la victime ou ses ayants droit sont irrecevables à intervenir en qualité de partie civile devant la Cour d'assises de renvoi ;
Attendu qu'en l'espèce il appert des pièces de la procédure que X... et Y... ont été condamnés par arrêt de la Cour d'assises de la Haute-Garonne en date du 1er mars 1985 à la réclusion criminelle à perpétuité pour vol qualifié et meurtre ;
Qu'un arrêt civil rendu le même jour a statué sur les réparations dues à Mme A..., épouse B..., et à Mme A..., épouse C..., constituées parties civiles ;
Attendu que sur pourvoi des condamnés contre le seul arrêt pénal, la Chambre criminelle a cassé le 20 novembre 1985 l'arrêt susvisé et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'assises de Tarn-et-Garonne ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats suivis devant cette Cour d'assises que ceux-ci se sont déroulés en présence de " Me Thévenot, avocat à la Cour pour Mme Jeanne A..., épouse C..., partie civile ", que la partie civile a été consultée chaque fois que cela était nécessaire, que Mme C... a été entendue, en tant que partie civile, sans prestation de serment et en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ; qu'une fois l'instruction à l'audience terminée, le président a donné la parole à son avocat qui était présent lorsque le Ministère public a requis et lorsque les conseils des accusés ont plaidé ; qu'enfin après lecture de l'arrêt de condamnation, le procès-verbal constate que l'avocat de la partie civile " a fait valoir qu'il ne sollicitait aucune indemnité et qu'il n'y avait donc pas lieu à audience civile ; acte lui en est donné " ;
Attendu que le président, en admettant l'intervention aux débats de la plaignante en qualité de partie civile alors que l'action civile était éteinte par la chose jugée, a méconnu le principe ci-dessus rappelé et les textes visés au moyen ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Cour d'assises de Tarn-et-Garonne en date du 23 avril 1986 condamnant X... et Y... respectivement à la réclusion criminelle à perpétuité et à 20 ans de réclusion criminelle, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'assises de l'Hérault.