REJET des pourvois formés par :
- X... Gérard,
- la société anonyme X..., civilement responsable de Gérard X...,
- Y... Lionel,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Colmar, Chambre correctionnelle, en date du 13 décembre 1985, qui a condamné :
1° Lionel Y..., pour subornation de témoin, à 10 000 francs d'amende et s'est prononcé sur l'action civile,
2° Gérard X..., pour publicité de nature à induire en erreur, tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et infraction à la loi du 10 janvier 1978 sur le crédit mobilier, à six mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la décision, s'est prononcé sur les actions des parties civiles et a dit la SA X... civilement responsable de son préposé Gérard X...
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur les pourvois de Lionel Y... et de la SA X... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui de ces deux pourvois, lesquels, en conséquence, devront être rejetés ;
Sur le pourvoi de Gérard X... :
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard X..., président-directeur général de la SA Garage X..., coupable du délit de publicité mensongère et l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à 50 000 francs d'amende, et au paiement solidaire de réparations civiles avec la SA X... ;
" aux motifs propres et adoptés qu'une offre publicitaire diffusée comme en l'espèce sans indication de restrictions ou exceptions doit profiter à tous les clients, y compris à ceux qui en ignoreraient l'existence, pour des motifs de moralité commerciale qui sont si évidents que le prévenu a rapidement abandonné la thèse inverse soutenue dans son courrier du 29 juillet 1983 ; qu'aucun des éléments de la cause ne permet de conclure que la réduction du coût de la vignette était opérée avant facturation dans toutes les transactions, bien au contraire : seules quelques factures indiquaient expressément cette déduction ; quatre des victimes n'ont pas été informées que leur prix d'acquisition était prétendument minoré du coût de la vignette, dix autres ont obtenu une remise ou des accessoires gratuits, certaines se sont heurtées à un refus sous des prétextes divers ; que les éléments constitutifs du délit de publicité mensongère n'ont pas à être recherchés dans chaque transaction ; que l'étude des cas individuels a seulement pour objet de démontrer que la déduction du prix de la vignette n'a été, dans la période de référence, ni systématique, ni spontanée ; que l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 prohibe la publicité indépendamment de son résultat et du préjudice causé ; que dans les dix-sept cas examinés, l'avantage proposé dans la publicité n'a pas été offert spontanément ; que ces faits impliquent de la part de l'annonceur l'intention de ne pas respecter systématiquement les conditions de vente auxquelles il s'était engagé ;
" alors que la Cour, qui relève que l'offre publicitaire ne pouvait s'entendre de la remise d'une vignette acquise par le vendeur mais devait se traduire par la déduction de sa valeur sur le prix du véhicule et que cette déduction avait été accordée à chaque demande de clients, ne pouvait pour entrer en voie de condamnation du chef de publicité mensongère retenir le seul défaut de spontanéité de la remise offerte, en s'abstenant de rechercher et de caractériser en quoi la publicité litigieuse proposant une vignette gratuite à tout acquéreur de véhicule sans plus d'indication sur le moyen de l'obtenir, aurait pu laisser penser que la remise était déjà déduite du prix du véhicule avant facturation sans qu'il soit nécessaire de la réclamer, privant ainsi sa décision de base légale " ;
Attendu que, pour déclarer Gérard X... coupable de publicité de nature à induire en erreur, le jugement et l'arrêt qui le confirme énoncent qu'entre le 6 et le 27 novembre 1982, Gérard X... a fait paraître dans un quotidien local une publicité annonçant que la société qu'il dirigeait offrirait gratuitement la vignette fiscale 1983 à tout acquéreur d'un véhicule qui passerait commande avant fin novembre 1982 ; que malgré ce, pour des raisons réglementaires et pratiques, l'avantage promis n'avait pu se concrétiser par la délivrance matérielle d'une vignette achetée par le vendeur et à ses frais ; que la promesse faite avait été perçue par le public auquel elle était destinée comme devant se réaliser sous la forme d'une déduction, sur le prix total du véhicule à acquérir, de la valeur de la vignette fiscale qui s'y rapportait ; que, cependant, pour dix-sept ventes distinctes que l'arrêt énumère et analyse, l'avantage gratuit proposé par la publicité n'avait pas été obtenu ou n'avait pas été consenti spontanément aux acquéreurs des véhicules ayant passé commande dans les délais prévus, ce qui impliquait, chez le prévenu, au moment où il faisait paraître cette annonce dans la presse, sa volonté de ne pas en respecter les promesses ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la Cour d'appel, qui n'avait pas à caractériser autrement les éléments constitutifs du délit de publicité de nature à induire en erreur, a donné une base légale à sa décision ;
Que le moyen proposé doit en conséquence être écarté ;
Sur le second moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de tromperie sur les qualités substantielles au préjudice de MM. Z..., A..., B..., C...et de Mmes D..., E...et F..., et l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à celle de 50 000 francs d'amende et au paiement solidaire de réparations civiles avec la SA X... ;
" aux motifs que le prévenu ne conteste pas que la société X... ait vendu une série de véhicules acquis auprès de la société de location Alsapark en les qualifiant " véhicules de première main " ; que cette expression a été employée par les préposés de la SA X... en connaissance de cause et à ses risques et périls ; que la définition littérale de cette notion implique que le véhicule a été manipulé par un seul conducteur ; que c'est en vain que le prévenu tente d'assimiler véhicule " de première main " à véhicule d'un propriétaire unique ou véhicule immatriculé une seule fois ; qu'il convient en l'occurrence de s'en tenir au sens des mots ; que, si le garage X... ne pouvait garantir que les véhicules en cause n'avaient eu qu'un seul utilisateur, il appartenait au prévenu de renoncer à l'expression " première main " - qu'il critique lui-même - et d'adopter la formule juridiquement exacte qu'il préconise dans ses conclusions ; que les véhicules provenant d'Alsapark présentaient tous les risques d'avoir été confiés à de nombreux utilisateurs pendant des courtes périodes et que la fausse qualité de véhicule de première main revêtait une importance certaine auprès des acquéreurs ; que les premiers juges ont écarté à juste titre la culpabilité de Gérard X... dans le cas de la vente conclue avec Daniel G... puisque celui-ci reconnaît avoir été exactement renseigné sur l'origine du véhicule ;
" alors qu'il appartient aux juges du fond d'établir, au regard des circonstances de fait de l'espèce et notamment du comportement du vendeur à l'égard de l'acheteur, l'élément intentionnel du délit de tromperie ; que X... ayant exposé que les véhicules ayant appartenu jusque-là à la seule société Alsapark avaient tous été présentés de bonne foi sous le label véhicule de " première main ", que leur véritable origine ait ou non été indiquée à l'acheteur, ce qui ressortait notamment du procès-verbal d'audition de G..., la Cour ne pouvait se dispenser pour retenir X... dans les liens de la prévention, de rechercher, à la lumière des circonstances de la cause, si le prévenu avait conscience de ce que le label véhicule de " première main " ne signifiait pas, contrairement aux mentions des contrats types de vente de véhicules d'occasion, qu'il n'avait eu qu'un seul propriétaire antérieur ou à tout le moins s'il était sans excuse de l'avoir ignoré ; et ceci d'autant plus qu'elle constatait elle-même que la notion n'était pas légalement définie et ne reflétait pas un caractère objectif indiscutable ; qu'en ne procédant pas à ces recherches essentielles, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu que pour déclarer par ailleurs Gérard X... coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, les juges énoncent que l'intéressé, courant 1982, au nom de la société qu'il dirigeait et dans le garage où s'exerçait son activité, avait vendu à neuf acheteurs différents des véhicules d'occasion en leur garantissant qu'ils étaient " de première main ", alors que pour au moins sept de ces neuf acheteurs cette affirmation avait été déterminante de leurs achats ; que, cependant, les voitures vendues toutes achetées par la SA X... à une société de location avaient été manipulées par plus d'un conducteur ; que c'était en vain que le prévenu tentait d'assimiler " véhicule de première main ", à véhicule ayant appartenu à un propriétaire unique et n'ayant été immatriculé qu'une fois ; que par l'équivoque qu'il avait entretenue sur la provenance exacte des véhicules d'occasion mis en vente dans son garage et l'usage qu'il critiquait lui-même actuellement de la précision " première main " qui avait été déterminante de la signature des contrats et de la remise des fonds par la clientèle, Gérard X... avait commis le délit de tromperie qui lui était imputé ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la Cour d'appel a, sans insuffisance, caractérisé l'ensemble des éléments constitutifs tant matériel qu'intentionnel du délit de fraude dont le prévenu Gérard X... a été reconnu coupables ;
Que, dès lors, le moyen proposé ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.