REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la Cour d'appel de Reims et l'administration des Douanes,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Reims (Chambre correctionnelle), en date du 27 juin 1985 qui, pour transport de marchandises sans justification d'origine, a condamné X... Henri à 4 mois d'emprisonnement dont 3 mois avec sursis, Y... Jacky à 6 mois d'emprisonnement et Z... Jean-Claude à 18 mois d'emprisonnement et qui a déclaré irrecevable l'appel de l'administration des Douanes.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le pourvoi de l'administration des Douanes ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 215, 416, 419, 336, 343 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action fiscale tendant à l'application des pénalités fiscales ;
" aux motifs que " bien que s'agissant de la répression d'infractions purement douanières, l'administration des Douanes n'a pas été avisée de la date de l'audience devant le juge du premier degré, de sorte qu'elle n'a pu intervenir ; qu'aux termes de l'article 343 du Code des douanes, l'action pour l'application des peines (c'est-à-dire peines d'emprisonnement ou peines d'amende substituées à une peine d'emprisonnement) est exercée par le Ministère public, et l'action pour l'application des sanctions fiscales par l'administration des Douanes ; que le même texte prévoit que le Ministère public, même d'office, peut exercer l'action fiscale accessoirement à l'action publique ; que, lorsque tel est le cas, il est nécessaire que le Ministère public ait effectivement requis, en sus de la peine corporelle et des déchéances, les amendes et confiscations encourues à raison du délit douanier ; qu'en l'espèce, il n'apparaît ni des notes sommaires de l'audience du tribunal correctionnel, ni des énonciations du jugement attaqué (qui par ailleurs n'a prononcé aucune peine d'amende ni de confiscation) que le Ministère public ait exercé l'action fiscale ; que force est de considérer que cette action fiscale n'a pas été exercée, d'où il résulte que l'administration des Douanes ne peut pas être réputée avoir été partie au procès en première instance et que par voie de conséquence son appel est irrecevable ; que l'action publique a été régulièrement exercée et que le défaut d'exercice de l'action fiscale, quel qu'en soit le motif, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement qui en a été l'aboutissement " ;
" alors que l'administration des Douanes, bien qu'absente en première instance pour n'avoir pas été avertie de la date de l'audience, est recevable à interjeter appel du jugement dès lors que le Ministère public a exercé l'action fiscale ; que l'arrêt attaqué constate expressément qu'il s'agit en l'espèce " d'infractions purement douanières ", à savoir le délit d'importation en contrebande de marchandises prohibées prévu par les articles 215 et 419 du Code des douanes et réprimé par l'article 416 du même Code, qui édicte des pénalités à l'encontre des contrevenants ; qu'en requérant, ce qui n'est pas contesté, l'application de l'article 416 du Code des douanes, le Ministère public exerçait nécessairement l'action fiscale ; qu'en déclarant dès lors que le Ministère public n'avait pas exercé l'action fiscale, et qu'ainsi l'appel de l'administration serait irrecevable, la Cour d'appel a violé l'article 343 du Code des douanes " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'article 343 du Code des douanes, l'action pour l'application des sanctions fiscales est exercée par l'administration des Douanes et peut l'être par le Ministère public accessoirement à l'action publique ;
Attendu que X... Henri, Y... Jacky et Z... Jean-Claude ont été, après dépôt d'un " acte introductif d'instance " par l'administration des Douanes, renvoyés devant le tribunal correctionnel, par application des articles 215, 416 et 419 du Code des douanes, pour transport par véhicule automobile de caisses de bouteilles de pastis en provenance d'Espagne sans pouvoir produire de justification d'origine attestant que ces marchandises avaient été régulièrement importées ; que cette juridiction a, en l'absence de l'administration des Douanes non avisée de la date d'audience, condamné les prévenus à des sanctions seulement pénales ; qu'appel a été interjeté tant par le procureur de la République que par ladite administration ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'usage de cette voie de recours par cette administration les juges énoncent qu'il ne ressort pas de la procédure que le Ministère public ait, devant le tribunal correctionnel, exercé l'action fiscale et que, par suite, " l'administration des Douanes ne peut être réputée avoir été partie au procès en première instance " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence du représentant de l'administration des Douanes, le Ministère public, qui n'avait pas interjeté appel de l'ordonnance de renvoi, avait donc nécessairement exercé l'action fiscale accessoirement à l'action publique, la Cour d'appel a méconnu le principe sus-rappelé ;
Qu'ainsi la cassation est encourue ;
Sur le pourvoi du procureur général ;
Vu le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 343, 343 bis et 416 du Code des douanes ;
Vu le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 520 du Code de procédure pénale, 343 et 343 bis du Code des douanes ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que ces moyens, qui se bornent à critiquer l'arrêt attaqué en ce qu'il a omis de statuer sur les pénalités fiscales sont irrecevables en raison de la présence de l'administration des Douanes devant les juges du second degré ; qu'en effet le Ministère public est sans qualité pour agir de ce chef dès l'instant où ladite administration exerce elle-même l'action pour l'application des sanctions fiscales sur le fondement des dispositions de l'article 343, alinéa 2, du Code des douanes ;
Par ces motifs :
1° REJETTE le pourvoi du procureur général près la Cour d'appel de Reims ;
2° CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable l'appel de l'administration des Douanes, l'arrêt de la Cour d'appel de Reims en date du 27 juin 1985 ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Nancy.