REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Claude,
- Y... Nicole,
contre un arrêt de la Cour d'assises du Nord du 16 avril 1986 qui les a condamnés l'un et l'autre à quinze ans de réclusion criminelle pour meurtre et a ordonné la confiscation de l'arme ayant servi à commettre le crime ; ensemble sur le pourvoi de X... contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits pour chacun des deux demandeurs ;
1° Sur le pourvoi de Nicole Y... :
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 295 et 296 du Code pénal et 349 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la question n° 1 est ainsi libellée : " Y... Nicole, accusée, est-elle coupable d'avoir (...) volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait sur la personne de Jacques Z... ? " ;
" alors que n'étant pas posée sur un fait spécifié dans le dispositif de l'arrêt de renvoi, cette question est nulle " ;
Attendu que Nicole Y... a été renvoyée devant la Cour d'assises sous l'accusation d'assassinat ;
Que, sur cette accusation, quatre questions ont été posées demandant successivement, la première, si l'accusée était coupable d'avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait sur la personne de la victime, la deuxième, si ces coups ou violences avaient occasionné la mort de celle-ci, la troisième, si l'accusée avait l'intention de donner la mort à ladite victime, la quatrième, si elle avait agi avec préméditation ;
Que la Cour et le jury ayant répondu affirmativement aux trois premières questions et négativement à la quatrième, Nicole Y... a été déclarée coupable de meurtre et condamnée de ce chef ;
Attendu que les questions, telles qu'elles ont été posées, n'encourent pas les griefs allégués ;
Qu'il est en effet licite de décomposer l'accusation en plusieurs questions dès lors que celles-ci, réunies, en contiennent toute la substance, sans addition ni substitution d'un fait principal nouveau au fait principal poursuivi ;
Que tel étant le cas en l'espèce, le moyen doit être rejeté ;
Et attendu qu'en ce qui concerne cette accusée, la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et par le jury ;
2° Sur le pourvoi de Claude X... :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 231 et 351 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la Cour et le jury ont condamné l'accusé du chef de meurtre ;
" alors, d'une part, que la Cour d'assises ne peut pas connaître d'autres accusations que celles retenues par l'arrêt de renvoi ; qu'en l'espèce, l'accusé X... avait été renvoyé pour complicité de meurtre et recel de cadavre ; que le fait de meurtre est distinct et différent de ces accusations et ne pouvait être soumis à la Cour et au jury sans que soit constaté que l'accusation avait été modifiée par les débats ;
" alors, d'autre part, que la réponse aux questions concernant l'accusé X...est en contradiction avec la réponse aux questions concernant l'accusée Y..., également déclarée coupable de meurtre ; qu'en effet l'arrêt de renvoi avait retenu que l'homicide était le fait d'une seule personne ; que dès lors, la Cour d'assises a derechef modifié la substance de l'accusation en retenant une coaction ;
" et alors, enfin, qu'en toute hypothèse, la Cour d'assises ne peut, dans le cas de l'article 351 du Code de procédure pénale, être interrogée que par voie de questions subsidiaires ; qu'il doit donc être répondu préalablement aux questions principales ; qu'en l'espèce les questions principales ont été considérées comme " sans objet ", la Cour et le jury n'ayant répondu qu'aux questions subsidiaires " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 349 du Code de procédure pénale ;
Attendu que si, en application de l'article 351 du Code de procédure pénale, le président de la Cour d'assises doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires lorsqu'il résulte des débats que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par l'arrêt de renvoi, il ne peut le faire qu'à la condition que la Cour et le jury aient au préalable répondu négativement à la question principale posée, conformément à l'article 349 du même Code, sur chaque fait spécifié dans le dispositif dudit arrêt de renvoi ;
Attendu, en l'espèce, que X... a été renvoyé devant la Cour d'assises sous l'accusation de complicité d'assassinat et de recel de cadavre ;
Que le président a, après la clôture des débats, donné lecture des questions, lesquelles comportaient, en ce qui concerne X..., des questions subsidiaires d'assassinat ;
Attendu que la feuille de questions porte, en regard du texte des quatre questions principales de complicité d'assassinat et de recel de cadavre, la mention " sans objet " ;
Qu'il appert de la même feuille de questions que la Cour et le jury ont répondu affirmativement aux questions subsidiaires demandant, la première si l'accusé était coupable d'avoir volontairement porté des coups ou exercé des violences ou voies de fait sur la personne de la victime, la deuxième si ces coups ou violences avaient occassionné la mort de celle-ci, la troisième si X... avait l'intention de donner la mort à ladite victime ; qu'en conséquence de ces réponses, X... a été déclaré coupable de meurtre et condamné pénalement de ce chef ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la Cour et le jury ont été interrogés sur les questions subsidiaires sans que les questions principales aient été au préalable résolues négativement ;
D'où il suit que le principe ci-dessus rappelé a été méconnu et que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi de Nicole Y... ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné X..., l'arrêt précité de la Cour d'assises du Nord du 16 avril 1986, ensemble en ce qui concerne cet accusé, la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Par voie de conséquence,
CASSE ET ANNULE l'arrêt civil du même jour en ce qu'il a condamné X... ;
Et pour être statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'assises du Pas-de-Calais.