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18/11/1986 | FRANCE | N°85-96332

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 novembre 1986, 85-96332


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Paul,
- Y... Marie-Angèle, épouse X...,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Bastia, Chambre correctionnelle, en date du 20 novembre 1985 qui, dans des poursuites exercées contre Z... Ahmed et Y... Marie-Angèle, épouse X..., des chefs de blessures involontaires et infraction au Code de la route, s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation commun aux demandeurs, et pris de la violation des articles 2, 3, 593,

470-1 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, 3 et 4 de la loi du 5...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Paul,
- Y... Marie-Angèle, épouse X...,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Bastia, Chambre correctionnelle, en date du 20 novembre 1985 qui, dans des poursuites exercées contre Z... Ahmed et Y... Marie-Angèle, épouse X..., des chefs de blessures involontaires et infraction au Code de la route, s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation commun aux demandeurs, et pris de la violation des articles 2, 3, 593, 470-1 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, 3 et 4 de la loi du 5 juillet 1985, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que, statuant sur l'action civile et faisant application des dispositions de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, l'arrêt a déclaré Marie-Angèle X..., relaxée des fins de la poursuite, responsable pour moitié des conséquences dommageables de l'accident survenu le 20 avril 1984 ;
" aux motifs que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné Z... pour le délit et la contravention au Code de la route ; que c'est également à bon droit qu'ils ont relaxé Marie-Angèle X... qui n'a commis aucun délit ; que toutefois Marie-Angèle X... doit être déclarée responsable des dommages causés à Z... sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et en application des dispositions de l'article 470-1 du Code de procédure pénale ; que la Cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour dire que la responsabilité doit être également partagée entre le prévenu et Marie-Angèle X... (cf. arrêt, page 5) ;
" 1° alors que la compétence de la juridiction correctionnelle ou de police pour statuer, après relaxe, sur les dommages et intérêts suppose que cette juridiction ait été saisie à l'initiative du Ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel était saisie, à l'égard de Marie-Angèle X..., sur citation directe de la victime (M. Z...) ; qu'ainsi en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les textes visés au moyen et notamment l'article 470-1 du Code de procédure pénale ;
" 2° alors que le principe de l'unité des fautes civiles et pénales exclut, en cas de relaxe, toute condamnation civile sur le fondement d'une faute quasi délictuelle ; qu'ainsi, en l'état de la relaxe dont avait bénéficié Marie-Angèle X..., l'accident avait nécessairement trouvé sa cause exclusive dans les fautes commises par Z..., lequel ne pouvait prétendre à indemnisation de son propre dommage mais devait, en revanche, pleine et entière réparation des préjudices subis par Marie-Angèle X... et par son mari, passager transporté ; qu'ainsi, la Cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Sur la première branche du moyen :
Vu l'article 470-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que seule la personne poursuivie pour homicide ou blessures involontaires à l'initiative du Ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction peut, en cas de relaxe, voir rechercher sa responsabilité sur le fondement de règles de droit civil autres que celles qui gouvernent la réparation des dommages causés par une infraction pénale ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme partiellement que les automobiles respectivement conduites par Z... et par Marie-Angèle Y..., épouse X..., cette dernière ayant son mari pour passager, sont entrées en collision ; que ces trois personnes ont été blessées ;
Attendu que poursuivi par le Ministère public pour blessures involontaires sur les époux X... et infraction au Code de la route, Z... avait de son côté cité directement Marie-Angèle Y..., épouse X..., des chefs de blessures involontaires et contravention au Code précité ; que le Tribunal de police avait, d'une part, déclaré Z... coupable des contraventions qui lui étaient reprochées et seul responsable des dommages causés aux époux X..., d'autre part, relaxé la prévenue et débouté Z... de sa demande de dommages-intérêts ;
Attendu que sur l'appel du Ministère public ne visant que la condamnation de Z... et sur l'appel de ce dernier qui niait toute responsabilité, et subsidiairement concluait à un partage de celle-ci, les juges du second degré ont, sur l'action publique, confirmé la condamnation de Z... et la relaxe de Marie-Angèle Y..., épouse X..., " qui n'a commis aucun délit " ; que, quant aux intérêts civils, après avoir affirmé que " dame X... doit être déclarée responsable des dommages causés à Z... sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et en application des dispositions de l'article 470-1 du Code de procédure pénale ", les juges ont dit les deux conducteurs responsables à part égale de l'accident ;
Mais attendu qu'en retenant la responsabilité partielle de la conductrice quant aux dommages subis par Z... alors que la relaxe prononcée devait entraîner le rejet de l'action civile exercée sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure pénale et que la compétence de la juridiction correctionnelle se trouvait ainsi épuisée dès lors que la poursuite avait été engagée contre l'intéressée par voie de citation directe, les juges ont méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
Et sur la seconde branche du moyen :
Vu les articles invoqués par les demandeurs ;
Attendu que la faute pénale définie par l'article 319 du Code pénal étant identique à celle que prévoient les articles 1382 et 1383 du Code civil, le juge qui relaxe un prévenu du chef de blessures involontaires ne peut retenir à la charge de celui-ci une faute quasi délictuelle en relation de cause à effet avec l'accident à l'origine desdites blessures ;
Attendu, en outre, que l'auteur d'une infraction est tenu à la réparation intégrale du dommage qui en résulte pour une victime à laquelle aucune faute n'est imputée, même s'il n'en est pas le seul responsable ;
Attendu, d'une part, qu'en raison de la relaxe prononcée en faveur de Marie-Angèle X..., il était acquis que cette conductrice n'avait commis aucune maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements en relation de cause à effet avec l'accident qui avait provoqué les blessures de Z... ; que les juges ne pouvaient, dès lors, laisser à la charge de l'intéressée une part du dommage qu'elle avait elle-même subi sans caractériser l'existence d'une faute distincte ayant concouru à la production dudit dommage ;
Attendu, d'autre part, que l'indemnisation accordée à X... ne pouvait être limitée, dès lors qu'aucune faute n'était alléguée à la charge de ce passager ; qu'au surplus, en l'état des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985, déclarés applicables aux instances en cours, une faute de sa part lui serait désormais inopposable puisqu'elle ne pourrait, en l'espèce, être la cause exclusive de l'accident ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Bastia, en date du 20 novembre 1985, mais seulement en ses dispositions de nature civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-96332
Date de la décision : 18/11/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Fondement - Infraction - Homicide ou blessures involontaires - Relaxe - Application des règles du droit civil - Conditions.

1° Seule la personne poursuivie pour homicide ou blessures involontaires à l'initiative du Ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction peut, en cas de relaxe, voir rechercher sa responsabilité sur le fondement de règles de droit civil autres que celles qui gouvernent la réparation des dommages causés par une infraction pénale. Tel n'est pas le cas du prévenu mis en cause par voie de citation directe.

2° ACTION CIVILE - Fondement - Infraction - Homicide ou blessures involontaires - Relaxe - Faute quasi délictuelle - Faits constitutifs - Identité avec ceux du délit d'homicide ou de blessures involontaires - Portée.

2° La faute pénale définie par l'article 319 du Code pénal étant identique à celle que prévoient les articles 1382 et 1383 du Code civil, le juge qui relaxe un prévenu du chef de blessures involontaires ne peut retenir à la charge de celui-ci une faute quasi délictuelle en relation de cause à effet avec l'accident à l'origine desdites blessures.

3° ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Pluralité d'auteurs - Solidarité - Portée.

3° L'auteur d'une infraction est tenu à la réparation intégrale du dommage qui en résulte pour une victime à laquelle aucune faute n'est imputée même s'il n'en est pas le seul responsable.

4° ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Victime d'un accident de la circulation - Victime autre que le conducteur - Passager - Atteinte à la personne - Indemnisation.

4° Le passager qui réclame réparation des dommages résultant d'atteintes à sa personne ne peut se voir opposer une faute qu'il aurait commise dès lors qu'il ressort de la décision des juges que cette faute ne pourrait être la cause exclusive de l'accident.


Références :

(2)
Code civil 1382, 1383
Code pénal 319

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 20 novembre 1985

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1986-11-03, bulletin criminel 1986 N° 313 p. 797 (Cassation partielle). (2) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre civile 2, 1976-01-22, bulletin 1976 II N° 23 p. 19 (Cassation) et les arrêts cités. (3) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1985-02-12, bulletin criminel 1985 N° 68 p. 184 (Cassation partielle) et les arrêts cités. (4) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1986-04-14, bulletin criminel 1986 N° 126 p. 322 (Annulation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 nov. 1986, pourvoi n°85-96332, Bull. crim. criminel 1986 N° 343 p. 890
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 343 p. 890

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bruneau, Conseiller doyen faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Bonneau
Avocat(s) : Avocats : M. Defrenois et Mme Baraduc-Benabent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.96332
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