CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement et sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Marie,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Reims, Chambre correctionnelle, en date du 7 novembre 1985, qui, pour défaut de permis de construire, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et a ordonné la démolition de la construction.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 421-13 et R. 421-18 du Code de l'urbanisme, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'une infraction au Code de l'urbanisme et l'a condamné à une peine de 5 000 francs d'amende outre la démolition sous astreinte du chalet litigieux ;
" aux motifs que X... n'ayant pas transmis à la direction de l'Equipement les documents complémentaires demandés, le délai d'instruction de deux mois non seulement n'avait pas pris fin, mais encore n'avait pas commencé à courir à la date du 6 juin 1983, date de l'arrêté de refus ;
" alors qu'aux termes mêmes de l'article R. 421-13 du Code de l'urbanisme, seule peut interrompre le délai prévu par l'article R. 421-18 une lettre recommandée avec accusé de réception invitant le demandeur à fournir les pièces complémentaires manquant à son dossier ; que la lettre simple et imprécise envoyée par la préfecture ne pouvait pas avoir pour effet d'interrompre ce délai et qu'ainsi, X... était titulaire d'un permis tacite à la date du 1er juin 1983 et donc avant qu'intervienne hors délai l'arrêté de refus du 6 juin " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que le 27 avril 1983, la direction départementale de l'Equipement a expédié à X..., comme suite à une demande de permis de construire un chalet, une lettre l'invitant à fournir certains documents manquants ; que X... n'ayant pas déféré à cette invitation le maire a, le 6 juin suivant, pris un arrêté refusant le permis sollicité ; que X... a néanmoins fait édifier le chalet ; qu'il a été poursuivi pour défaut de permis de construire ;
Attendu qu'en déclarant X... coupable de ce délit, les juges ont fait l'exacte application de l'article R. 421-13 du Code de l'urbanisme, dès lors qu'ils constataient que le prévenu ne contestait pas que la lettre du 27 avril, fût-elle non recommandée, lui était parvenue, et que loin d'être imprécise elle lui réclamait certaines pièces complémentaires ; qu'en cet état il découlait des termes mêmes de l'article précité qu'à défaut de réponse du destinataire, le délai d'instruction de la demande, défini à l'article R. 421-18, n'avait pas commencé à courir, et qu'en conséquence l'arrêté municipal de refus n'était pas tardif ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-4, L. 480-5 du Code de l'urbanisme, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à démolir sous astreinte le chalet qu'il avait construit ;
" aux motifs que ce chalet était construit sans permis de construire, et que X..., seul signataire de la demande d'autorisation de construire et seul visé dans la décision de refus, devait seul répondre de l'infraction éventuellement commise et de toutes ses conséquences ;
" alors que la mesure de démolition n'atteint pas seulement X..., mais également Madame X..., épouse commune en biens de X... ; qu'ainsi l'arrêt attaqué ne pouvait ordonner la démolition sans que Madame X... ne soit également pénalement poursuivie " ;
Attendu que le demandeur fait vainement grief à la Cour d'appel d'avoir ordonné la démolition du chalet alors que sa femme, commune en biens, et qui n'était pas poursuivie, en était copropriétaire indivise avec lui ; dès lors que, signataire unique de la demande de permis de construire et seul visé dans la décision de refus, le prévenu était seul responsable des travaux au sens de l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme et en était l'un des bénéficiaires ;
Que ce moyen doit lui aussi être rejeté ;
Mais sur le moyen soulevé d'office et pris de la violation de l'article 569 du Code de procédure pénale ;
Vu ledit article ;
Attendu qu'aux termes de l'article 569 du Code de procédure pénale, une peine ne peut être exécutée pendant le délai de pourvoi et, s'il y a recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de Cassation ;
Attendu qu'ayant déclaré le prévenu coupable d'infraction au Code de l'urbanisme, la Cour d'appel a décidé la démolition dans un délai de trois mois à compter de son arrêt, sous astreinte de 250 francs par jour de retard ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que la mesure ordonnée, si elle présente le caractère d'une réparation civile, n'en constitue pas moins également une peine qui ne peut être exécutée tant que la décision qui la prononce n'est pas devenue définitive, les juges d'appel ont méconnu le texte ci-dessus visé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement et sans renvoi, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Reims, en date du 7 novembre 1985, mais seulement en celle des ses dispositions qui a décidé que le délai fixé pour la démolition commençait à courir à compter de l'arrêt ;
Et vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Dit que ce délai courra à compter du jour du prononcé du présent arrêt.