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12/11/1986 | FRANCE | N°85-96282

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 novembre 1986, 85-96282


REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes,
contre un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Rennes, en date du 3 décembre 1985, qui a constaté la nullité des poursuites engagées par le Parquet et la nullité des actes subséquents dans une procédure où étaient prévenus d'importation de marchandises sans déclaration valable les nommés : X... René Louis, X... René Claude, Y... Philippe, Z... Charles, A... Joseph, B... Jean, réservant, par ailleurs, les droits purement fiscaux de l'administration des Douanes.
LA COUR,
Vu les mémo

ires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen de cassat...

REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes,
contre un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Rennes, en date du 3 décembre 1985, qui a constaté la nullité des poursuites engagées par le Parquet et la nullité des actes subséquents dans une procédure où étaient prévenus d'importation de marchandises sans déclaration valable les nommés : X... René Louis, X... René Claude, Y... Philippe, Z... Charles, A... Joseph, B... Jean, réservant, par ailleurs, les droits purement fiscaux de l'administration des Douanes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 38, 426-2°-4°-5°, 414, 399, 343 du Code des douanes, de la loi du 21 décembre 1977, du règlement CEE 2901 / 75 du 5 novembre 1975, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe des prévenus ;
" aux motifs " que le 5 mars 1979, date de l'acte introductif d'instance fiscale, et le 7 mai 1979, date du réquisitoire introductif, les faits reprochés aux prévenus n'étaient plus punissables, en raison de l'abrogation de l'arrêté CEE 2901 / 75 du 5 novembre 1975 ; que le tribunal ne peut, dans ces conditions, que constater l'illégalité du réquisitoire introductif, au regard des dispositions de l'article 6 du Code de procédure pénale, et la nullité des actes subséquents ; qu'il n'y a lieu, dans ces conditions, de se prononcer sur la culpabilité éventuelle des prévenus et de les relaxer du chef des poursuites ; qu'il convient toutefois de réserver les droits purement fiscaux de l'Administration ; qu'il est constant et d'ailleurs reconnu par toutes les parties - administration des Douanes et prévenus - que le jour où le Parquet a mis en mouvement l'action publique, 7 mai 1979, la réglementation qui rendait l'activité des prévenus passible des sanctions correctionnelles avait été abrogée dès le 23 décembre 1975 ; que la nullité de l'action publique affecte des mêmes conséquences l'action pour l'application des sanctions fiscales que le Parquet a exercée accessoirement aux poursuites pénales " ;
" alors qu'en matière économique et fiscale, les textes règlementaires, même intervenant " in mitius " n'ayant pas d'effet rétroactif, les infractions qui ont été commises antérieurement à l'adoption des textes anciens restent punissables dans les conditions déterminées par la législation en vigueur ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe au profit des prévenus, motif pris de ce que, notamment à la date de l'acte introductif d'instance fiscale, les faits reprochés aux prévenus n'étaient plus punissables en raison de l'abrogation du règlement CEE 2901 / 75 du 5 novembre 1975 ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de huit procès-verbaux dressés par ses agents entre le 1er décembre 1976 et le 8 mars 1978, l'administration des Douanes a fait parvenir au Parquet un acte dit introductif d'instance fiscale daté du 5 mars 1979 en lui demandant de saisir des faits le magistrat instructeur compétent ; que le 7 mai 1979 est intervenu un réquisitoire introductif qui a abouti à l'inculpation des six personnes mises en cause par l'administration plaignante, puis à leur renvoi devant le tribunal correctionnel pour avoir " courant novembre 1975 fait de fausses déclarations ou usé de manoeuvres frauduleuses ayant pour effet d'obtenir un avantage quelconque attaché à l'importation, lesdites manoeuvres ayant consisté, avec le concours d'une société suédoise " Joint Trawlers " et par le mécanisme de compensations occultes, à importer des filets de merlus à un prix inférieur au prix communautaire tel qu'il avait été fixé par un règlement des communautés européennes en date du 5 novembre 1975, délit prévu et puni, outre par ce règlement communautaire, par les articles 38, 426, paragraphes 4, 414 et 399 du Code des douanes " ;
Attendu que pour déclarer nul le réquisitoire introductif, prononcer la nullité des actes d'instruction consécutifs, notamment de l'ordonnance de renvoi, et considérer que cette nullité de l'action publique affectait des mêmes conséquences l'action pour l'application des sanctions fiscales que, durant l'information, le Parquet avait exercée accessoirement aux poursuites pénales, les juges du fond énoncent que la SA X... avait conclu dans le courant de 1975 un contrat d'importation portant sur 700 tonnes de filets de merlus congelés, auprès de la société polonaise Ribex au prix de 2,22 francs le kilogramme ; que le 4 novembre 1975, un premier navire déchargeait partie de la commande, livrant sa cargaison à Rochefort où les merlus étaient régulièrement dédouanés ; que le 5 novembre 1975, la commission des Communautés européennes promulguait un arrêté portant suspension à compter du 6 novembre 1975 de l'importation de cette marchandise, lorsqu'elle provenait d'un pays non adhérent à la communauté et lorsque son prix franco-frontière était inférieur à 3, 52 francs le kilo ; que cependant cet arrêté du 5 novembre 1975 avait été abrogé à compter du 23 décembre 1975 par un autre arrêté émanant de la même commission communautaire, en raison de la constatation par celle-ci de la stabilisation de la situation de cette marchandise sur les marchés de la Communauté ;
Que les juges appelés à examiner le sort et la suite à donner aux autres cargaisons de merlus en provenance de Pologne et qui avaient été importés en France jusqu'à fin novembre 1975 ont déclaré que compte tenu de la date des procès-verbaux de verbalisation (de décembre 1976 à mars 1978), de celle de l'acte dit introductif d'action fiscale (du 5 mars 1979), de celle du réquisitoire introductif qui avait mis en mouvement l'action publique et accessoirement l'action à fins fiscales (7 mai 1979), les faits reprochés aux prévenus n'étaient plus pénalement punissables à chacune de ces trois dates, en raison de l'abrogation par l'arrêté communautaire du 23 décembre 1975 de l'arrêté également communautaire du 5 novembre précédent ;
Que, par suite, compte tenu des dispositions combinées des articles 343 alinéas 1 et 2 du Code des douanes et 6 du Code de procédure pénale, l'action pour l'application des peines et l'action à fins fiscales ne pouvaient valablement être exercées au jour où elles avaient été mises en mouvement ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, l'arrêt attaqué a fait l'exacte application des textes de loi visés ;
Qu'en effet, si en matière économique et douanière l'abrogation d'un texte règlementaire n'affecte pas rétroactivement, sauf précision contraire de la loi abrogative, les infractions qui étaient l'objet d'une poursuite en cours, tel n'est pas le cas lorsque, à la fois, lors du procès-verbal de poursuite, lors du réquisitoire introductif, ou de la saisine par voie de citation directe de la juridiction pénale, les textes de répression invoqués, servant de support effectif et nécessaire aux poursuites, n'ont plus d'existence légale, en raison de leur abrogation ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 38, 426, 414, 399 et 343 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe au profit des prévenus ;
" aux motifs " que le 5 mars 1979, date de l'acte introductif d'instance fiscale, et le 7 mai 1979, date du réquisitoire introductif, les faits reprochés aux prévenus n'étaient plus punissables, en raison de l'abrogation de l'arrêté CEE 2901 / 75 du 5 novembre 1975 ; que le tribunal ne peut, dans ces conditions, que constater l'illégalité du réquisitoire introductif, au regard des dispositions de l'article 6 du Code de procédure pénale, et la nullité des actes subséquents ; qu'il n'y a lieu, dans ces conditions, de se prononcer sur la culpabilité éventuelle des prévenus et de les relaxer du chef des poursuites ; qu'il convient toutefois de réserver les droits purement fiscaux de l'Administration ; qu'il est constant et d'ailleurs reconnu par toutes les parties - administration des douanes et prévenus - que le jour où le Parquet a mis en mouvement l'action publique, 7 mai 1979, la réglementation qui rendait l'activité des prévenus passible des sanctions correctionnelles avait été abrogée dès le 23 décembre 1975 ;
" alors que le juge correctionnel qui n'est pas lié par la qualification donnée à la prévention ne peut prononcer une décision de relaxe qu'autant qu'il a vérifié que les faits dont il est saisi ne sont constitutifs d'aucune infraction ; qu'en l'espèce, l'administration des Douanes faisait valoir que " les déclarations en cause étaient fausses quant à la valeur des marchandises qu'elles énonçaient et étaient accompagnées de factures elles-mêmes fausses ", ce qui constituait le délit prévu par l'article 426-3° du Code des douanes ; que la Cour d'appel ne pouvait s'abstenir, sans violer ce texte, de considérer les faits de la poursuite sous l'autre qualification susindiquée, laquelle, s'ils étaient établis, leur était spécialement applicable " ;
Attendu que s'il est vrai que le juge correctionnel n'est pas lié par la qualification donnée à la prévention et ne peut relaxer un prévenu qu'après avoir vérifié si les faits dont il était saisi ne constituaient pas une autre infraction punissable, faut-il encore qu'il ait été régulièrement saisi desdits faits ;
Qu'en l'espèce, en raison de la nullité entachant la procédure dès le réquisitoire introductif, notamment en raison de la nullité de l'ordonnance de renvoi, les juges n'avaient pas à examiner, comme le réclamaient les conclusions de l'administration des Douanes, si les faits qualifiés par cette ordonnance comme constituant le délit prévu par l'article 426-4 du Code des douanes ne correspondaient pas en réalité à l'infraction délictuelle visée par l'article 426-3 du même Code ;
Que le moyen proposé, tel que formulé, ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-96282
Date de la décision : 12/11/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° LOIS ET REGLEMENTS - Réglementation économique ou douanière - Abrogation - Abrogation antérieure à la mise en mouvement de l'action publique - Conséquences.

LOIS ET REGLEMENTS - Règlement pris par la Communauté économique européenne - Abrogation - Abrogation antérieure à la mise en mouvement de l'action publique - Conséquences * ACTION PUBLIQUE - Extinction - Abrogation de la loi pénale - Délit douanier * COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Règlements - Abrogation - Abrogation antérieure à la mise en mouvement de l'action publique - Conséquences * DOUANES - Procédure - Action des Douanes - Abrogation de la réglementation pénale et des sanctions fiscales - Conséquences.

1° Si en matière douanière et énonomique l'abrogation d'un texte réglementaire n'affecte pas rétroactivement, sauf précision contraire de la loi abrogative, les infractions qui étaient l'objet d'une poursuite en cours, tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, à la fois lors du procès-verbal de poursuites, lors du réquisitoire introductif ou de la saisine par voie de citation directe de la juridiction pénale, les textes réglementaires de la Communauté économique européenne, servant de support effectif et nécessaire aux poursuites, n'avaient plus d'existence légale, en raison de leur abrogation

2° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Disqualification - Douanes - Pouvoirs du juge - Limites.

DOUANES - Procédure - Tribunal correctionnel - Disqualification - Pouvoirs du juge - Limites.

2° S'il est vrai que le juge correctionnel n'est pas lié par la qualification donnée à la prévention douanière et ne peut relaxer un prévenu qu'après avoir vérifié si les faits dont il était saisi ne constituaient pas au vu du procès-verbal de base une autre infraction douanière punissable, tel n'est pas le cas lorsque cette relaxe est la conséquence de la nullité prononcée de l'ensemble de la procédure, le juge n'étant plus alors régulièrement saisi de poursuites.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 03 décembre 1985

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1983-01-03, bulletin criminel 1983 N° 1 p. 1 (Cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 nov. 1986, pourvoi n°85-96282, Bull. crim. criminel 1986 N° 334 p. 857
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 334 p. 857

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général : M. Clerget
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Tacchella
Avocat(s) : Avocats : la Société civile professionnelle Boré et Xavier, M. Henry et la Société civile professionnelle Lesourd et Baudin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.96282
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