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12/11/1986 | FRANCE | N°85-93498

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 novembre 1986, 85-93498


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes,
contre un arrêt de la 9e chambre de la Cour d'appel de Paris en date du 7 mai 1985, qui :
1°) a relaxé X... Pierre du chef des infractions à la législation sur les changes qui lui étaient imputées, et a mis hors de cause la société GIMM poursuivie comme solidairement responsable ;
2°) a relaxé partiellement Y... Alain du chef de l'une des infractions à la législation sur les changes qui lui étaient imputées, l'a condamné pour les autres à 7 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'Ã

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CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes,
contre un arrêt de la 9e chambre de la Cour d'appel de Paris en date du 7 mai 1985, qui :
1°) a relaxé X... Pierre du chef des infractions à la législation sur les changes qui lui étaient imputées, et a mis hors de cause la société GIMM poursuivie comme solidairement responsable ;
2°) a relaxé partiellement Y... Alain du chef de l'une des infractions à la législation sur les changes qui lui étaient imputées, l'a condamné pour les autres à 7 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à verser à l'administration des Douanes, après octroi des circonstances atténuantes, une amende et une pénalité de 402 897 francs chacune, et qui a mis hors de cause la société SECAM poursuivie comme solidairement responsable de Y...

LA COUR,
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 1er, 3, 4, 6 du décret du 24 novembre 1968, des dispositions de l'arrêté du 9 août 1973, des articles 399, 407, 499 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du chef de transfert à l'étranger, sans autorisation, d'une somme de 317 178,51 francs ;
" aux motifs que "... si la société " Monin Maritime " n'a été utilisée que pour permettre à la société GIMM de payer en devises étrangères les transports de bois d'Asie du Sud-Est en France, son existence juridique et son activité commerciale et administrative ne peuvent êre mises en doute ; dès lors que ses facturations correspondaient à des opérations commerciales réelles fournies par un non-résident à un prix normal et lui permettaient de dégager un bénéfice qui n'est pas excessif eu égard à ses frais généraux, il ne peut être reproché à Alain Y..., qui la contrôlait directement, d'avoir constitué illicitement des avoirs à l'étranger, ni à Pierre X... d'avoir été intéressé à une entreprise qui ne peut être déclarée frauduleuse " ;
" alors que toute contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que l'arrêt attaqué, tout en constatant que la société Monin Maritime n'avait été utilisée que pour permettre à la société GIMM de payer en devises étrangères les transports de bois d'Asie du Sud-Est en France, déclare que les facturations émises par cette société correspondaient à des opérations commerciales réelles ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et, par là même, d'une violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" alors que l'interposition, dans une opération commerciale entre résidents français, d'un résident étranger, lequel " n'a été utilisé que pour permettre (à l'opérateur français) de payer en devises étrangères... " (cf. arrêt p. 5, alinéa 5), suffit à caractériser le délit de constitution illicite d'avoirs à l'étranger, puisque comme l'arrêt le constate, l'intervention d'un tel intermédiaire n'a été requise par les résidents français que dans le seul but d'obtenir l'allocation de devises destinées à être conservées à l'étranger ; d'où il suit qu'en prononçant la relaxe par des motifs erronés et inopérants tirés de ce que la société interposée aurait une existence réelle et que le transport facturé aurait été effectué, la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article 3 du décret du 24 novembre 1968 ;
" alors que, en vertu de la législation cambiaire, notamment de l'arrêt du 9 août 1973 pris pour l'application du décret du 24 novembre 1968, nul ne peut bénéficier d'une allocation de devises si ce n'est pour l'accomplissement de l'une des opérations commerciales limitativement énumérées ; que dès lors, en prononçant la relaxe au profit des prévenus après avoir constaté que l'opération conclue par les prévenus avec la société dont le siège est en Suisse n'avait pour seul objet que de " permettre " l'exportation de devises, la Cour d'appel a violé par refus d'application les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'Alain Y... et Pierre X..., pris en leurs qualités de présidents respectifs des sociétés SECAM et GIMM ont été, notamment en ce qui concerne Y..., renvoyés devant le Tribunal correctionnel pour avoir à l'occasion de facturations opérées par une société " Monin Maritime ", pour un total de 317 178 francs, constitué irrégulièrement des avoirs à l'étranger, Y... étant poursuivi comme auteur principal de l'infraction, X... comme intéressé à ladite fraude cambiaire ;
Attendu que pour relaxer les deux prévenus de ces chefs de la prévention et, par là, mettre hors de cause les sociétés SECAM et GIMM citées devant la juridiction de jugement par l'administration des Douanes comme solidairement responsables de leurs dirigeants respectifs, les juges du fond énoncent qu'il ne saurait y avoir constitution illicite d'avoirs à l'étranger par facturations fictives que si les factures ne sont pas causées par des opérations commerciales réelles ou si les services sont fournis par le non-résident à la société française résidente à des prix anormalement élevés ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, la société Monin Maritime ayant une existence juridique et une activité commerciale et administrative réelles et indubitables ; que, de plus, les facturations de ce non-résident l'ont été à un prix normal lui permettant de dégager un bénéfice non excessif, eu égard à ses frais généraux ; que l'arrêt ajoute que les faits imputés aux deux prévenus ne peuvent non plus être qualifiés de règlements irréguliers sur l'étranger, dès lors que les paiements ont été effectués au non-résident par le canal d'intermédiaires agréés, ceux-ci pouvant, aux termes de l'arrêté du 9 août 1973, effectuer à destination de l'étranger tout paiement, pour le compte de leurs clients, de sommes résultant de la livraison de marchandises ou de frais de tout genre relatifs au trafic maritime, à la location des moyens de transport et au règlement des commissions, courtages ou frais de représentation ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations exemptes d'insuffisance ou de contradiction, la Cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet le recours à l'intervention d'un non-résident dans une opération commerciale ou financière destinée à l'étranger ou en provenant, génératrice en conséquence d'un paiement en devises étrangères, n'engendre pas, à lui seul, et à l'égard du résident français, le délit de constitution illicite d'avoirs à l'étranger, dès lors que le cocontractant, non-résident en France, a une activité commerciale personnelle et réelle, que ses facturations sont conformes aux normes du marché international et n'ont pas été surévaluées ;
Que dès lors le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 407 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables " les citations " à " solidairement responsables " délivrées aux sociétés GIMM et SECAM ;
" aux motifs que "... en toute matière, la solidarité ne se présume pas et que, si l'article 407 du Code des douanes énonce que " les propriétaires des marchandises de fraude..., les intéressés à la fraude... sont tous solidaires et contraignables par corps pour le paiement de l'amende, des sommes tenant lieu de confiscation et des dépens, " de telles dispositions, notamment en ce qu'elles prévoient l'exercice de la contrainte par corps, ne sont applicables qu'aux personnes physiques. Dès lors, dans la présente instance, l'administration des Douanes n'a pas la possibilité d'agir à l'encontre des sociétés GIMM et SECAM pour les faire déclarer solidairement responsables de leurs représentants légaux... " ;
" alors que si une société commerciale ne peut être déclarée civilement responsable de son dirigeant coupable d'infractions cambiaires et douanières, cependant la responsabilité civile et la responsabilité pénale se confondant en matière douanière comme ayant la même cause et le même objet, ladite société se trouve être solidairement responsable du paiement des pénalités pécuniaires et est attraite à bon droit dans la procédure des poursuites pénales suivies contre son dirigeant ; qu'en déclarant dès lors irrecevables les citations délivrées par la demanderesse aux sociétés GIMM et SECAM en tant que solidairement responsables au motif qu'elles ne seraient pas " contraignables par corps ", la Cour d'appel a violé l'article 407 du Code des douanes " ;
I.- Sur la portée dudit moyen, en ce qu'il concerne la société GIMM :
Attendu que quelle que soit la valeur des motifs qui ont abouti à la mise hors de cause de cette société GIMM dont Pierre X...était le président, la relaxe de X... prévenu, pour l'ensemble de la prévention dont il avait à répondre et son caractère définitif rendent inutile l'examen du problème de la recevabilité de la citation délivrée à ladite société par l'administration des Douanes en sa qualité de solidairement responsable et sur le fondement des articles 407 et 451 du Code des douanes ;
II.- Sur le moyen en ce qu'il concerne la société SECAM :
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes des articles 407 et 451 du Code des douanes, les propriétaires des marchandises de fraude, ceux qui sont chargés de les importer ou de les exporter, les intéressés à la fraude, et les complices et adhérents, sont tous solidairement responsables et contraignables par corps pour le paiement de l'amende, des sommes tenant lieu de confiscation et des dépens ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'après relaxe partielle, les juges ont déclaré Alain Y... coupable d'infractions à la législation sur les changes, pour des surfacturations consenties par la société Rhodania-Maritime à la société SECAM s'étant élevées à 685 894 francs, pour la participation de la société SECAM dans la société de droit panaméen Kyose à concurrrence de 5 000 dollars USA équivalant à 21 150 francs français, et pour le transfert en Suisse, par le canal de la société Tecta-Holding, de 98 400 francs de loyers personnels ; que la Cour d'appel a mis hors de cause la société SECAM citée devant le Tribunal correctionnel comme solidairement responsable des agissements délictueux dont son dirigeant Y... avait été dit coupable, en énonçant qu'en toute matière la solidarité ne se présume pas et que si l'article 407 du Code des douanes prévoit bien cette éventualité, les règles de la solidarité doivent être cantonnées aux seules personnes physiques, puisque le texte de loi à appliquer prévoit expressément l'exercice de la contrainte par corps contre les solidairement responsables ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi en faveur de cette société SECAM, reconnue par ailleurs propriétaire de certains des capitaux illicitement exportés par Y..., la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé, en attribuant à la contrainte par corps qui n'est qu'une voie d'exécution éventuelle contre les condamnés personnes physiques récalcitrants, un effet générateur de la solidarité douanière et cambiaire et une condition préalable à son prononcé, lesquels ne sont pas prévus et considérés comme tels par l'article 407 du Code des douanes ;
Que dès lors, la cassation de l'arrêt, sur ce point, est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 7 mai 1985, mais en ses seules dispositions par lesquelles il a déclaré irrecevable la citation délivrée par l'administration des Douanes à la société SECAM, en sa qualité de solidairement responsable des amendes, pénalités et dépens prononcés et retenus contre Alain Y..., son président, et pour être jugé à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Orléans.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-93498
Date de la décision : 12/11/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Infraction à la législation - Constitution illicite d'avoirs à l'étranger - Intervention d'un non-résident - Portée.

1° Le recours à l'intervention d'un non-résident dans une opération commerciale ou financière destinée à l'étranger ou en provenant, génératrice en conséquence d'un paiement en devises étrangères effectué par des intermédiaires agréés, n'engendre pas à lui seul, et à l'égard du résident français, le délit de constitution illicite d'avoirs à l'étranger, dès lors que le cocontractant, non-résident en France, a une activité commerciale personnelle et réelle et que ses facturations sont conformes aux normes du marché international et n'ont pas été surévaluées (1).

2° SOLIDARITE - Infractions cambiaires - Infractions commises par des dirigeants de société - Solidarité prévue par l'article 407 du Code des douanes.

CHANGES - Peines - Solidarité - Pénalités pécuniaires - Solidarité prévue par l'article 407 du Code des douanes.

2° Encourt cassation partielle l'arrêt qui, pour mettre hors de cause une société dont le dirigeant, lors de l'exportation de fonds sociaux, a été condamné pour délits de change, et contre laquelle l'administration des Douanes réclamait qu'elle soit tenue solidairement au paiement des amendes, confiscations et dépens dus par son président, énonce que la solidarité prévue par l'article 407 et par l'article 451 du Code des douanes n'est pas applicable aux personnes morales insusceptibles de la contrainte par corps, alors que cette voie d'exécution n'a aucun effet générateur de ladite solidarité, ni ne constitue, au sens de l'article 407 susvisé, une condition préalable à son prononcé (2).


Références :

(2)
Code des douanes 451, 407

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 mai 1985

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1983-05-24, bulletin criminel 1983 N° 151 p. 370 (Rejet). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1982-06-14, bulletin criminel 1982 N° 157 p. 437 (Cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 nov. 1986, pourvoi n°85-93498, Bull. crim. criminel 1986 N° 331 p. 845
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 331 p. 845

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général : M. Clerget
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Tacchella
Avocat(s) : Avocats : la Société civile professionnelle Boré et Xavier, la Société civile professionnelle Riché-Blondel et Thomas Raquin, M. Le Griel, Mme Baraduc-Benabent et la Société civile professionnelle Piwnica-Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.93498
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