CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la Société Nationale des Chemins de Fer Français, partie civile,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris (9e chambre) en date du 11 février 1985 qui, dans des procédures jointes suivies contre Alain X... pour escroquerie et abus de confiance, contre Madeleine B... épouse X... pour abus de confiance, contre Daniel Y... pour escroquerie, complicité d'escroquerie et abus de confiance et contre Christian Z... et Monique A... épouse Z... pour faux en écritures de commerce et complicité d'escroquerie, a annulé d'office la procédure de jugement et la procédure d'information préalable à compter de la dernière pièce de l'enquête préliminaire du Parquet, puis a renvoyé le Ministère public à se pourvoir comme il l'entendrait, sans se prononcer ni sur l'action publique ni sur l'action civile de la SNCF, partie civile constituée.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 174, 385, 802 et 591 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a annulé la procédure d'instruction à compter de la pièce cotée 60, ainsi que l'information ouverte le 6 octobre 1982 sur plainte avec constitution de partie civile de la SNCF dirigée contre Madeleine B..., épouse X... ;
" aux motifs que le dossier d'information ne contenait ni réquisitoire introductif, ni désignation du juge d'instruction, non plus que le réquisitoire supplétif du 10 mars 1981 visant les faits de gestion de la " cantine Traversière " ; que cette annulation comprenait la procédure d'information ouverte le 6 octobre 1982 contre Madeleine B... épouse X..., les faits qui lui étaient reprochés ayant été constatés lors de l'exécution de la commission rogatoire du 19 novembre 1981, elle-même frappée de nullité ;
" alors d'une part que, devant le tribunal correctionnel, les exceptions tirées de la nullité soit de la citation, soit de la procédure antérieure - qu'elles soient d'ordre public ou d'intérêt privé - doivent, à peine de forclusion, être invoquées avant toute défense au fond ; qu'en l'espèce, il est constant qu'aucune nullité de la procédure d'information n'a été présentée in limine litis devant le tribunal correctionnel ; que dès lors, la Cour d'appel n'avait pas le pouvoir de prononcer d'office la nullité de la procédure ;
" alors d'autre part que l'inculpation de Madeleine B..., épouse X..., pour les faits d'abus de confiance commis lors de la gestion de la cantine Traversière résultait d'une plainte avec constitution de partie civile de la SNCF en date du 15 septembre 1982 ; que cette plainte a été communiquée au parquet qui a pris ses réquisitions (D. 6, 6 octobre 1982) et qu'un juge d'instruction a été régulièrement désigné par le président du tribunal de grande instance (D. 7, 7 octobre 1982) ; que dans ces conditions, c'est à tort que la Cour d'appel a étendu la nullité prononcée à l'information concernant Madeleine B... ouverte le 6 octobre 1982 " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'annulation de tout acte de procédure qui méconnait l'organisation, la composition et la compétence des juridictions répressives qu'il appartient aux juridictions du fond de relever d'office ne peut intervenir sans débat contradictoire préalable et sur les seules constatations des juges au cours de leur délibéré ;
Attendu par ailleurs qu'en application des dispositions combinées prévues par les articles 174 et 520 du Code de procédure pénale, lorsqu'une Cour d'appel annule les pièces d'une procédure d'information jusques et y compris le jugement du tribunal correctionnel, en motivant cette annulation par la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité, elle doit évoquer et statuer sur le fond, tant au regard de l'action publique que de l'action civile ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que, saisie par l'appel de l'ensemble des parties au procès d'une décision du Tribunal correctionnel qui avait condamné divers prévenus pour escroquerie, abus de confiance, faux ou complicité et relaxé l'un d'eux en le faisant bénéficier de la prescription de l'action publique, puis qui s'était prononcé sur les dommages-intérêts réclamés par la SNCF, partie civile constituée, la Cour d'appel énonce que s'il résulte de l'examen par elle opéré " de la procédure que les inculpations notifiées par le juge d'instruction le 6 juillet et le 20 octobre 1982 ont été prononcées à la suite des résultats d'une commission rogatoire délivrée le 19 novembre 1981, aucune pièce de l'information, antérieure à cette dernière date, ne lui permet cependant de vérifier si ces actes ont été exécutés par un magistrat régulièrement saisi en vertu des articles 80 et 83 du Code de procédure pénale, aucun réquisitoire introductif ni aucune désignation de juge d'instruction ne se trouvant au dossier ; que de même ne figure pas au dossier le réquisitoire supplétif du 10 mars 1981 " (sic) visant plus particulièrement les faits de la gestion de la cantine de la rue Traversière ; que dès lors, en présence de telles irrégularités qui touchent à l'organisation et à la composition des juridictions, la Cour d'appel ne peut qu'annuler la procédure à partir de la pièce cotée 60 qui avait été jointe par le responsable de la SNCF à sa dénonciation du 29 octobre 1981 adressée au Parquet ; que cette annulation comprend nécessairement la procédure d'information ouverte le 6 octobre 1982 et qui visait des faits à la charge de B... Madeleine épouse X..., lesquels ont été constatés lors de l'exécution de la commission rogatoire du 19 novembre 1981 susvisée, elle-même frappée de nullité " ;
Qu'après pareils motifs, et après avoir cru pouvoir cependant donner acte à l'un des prévenus de son désistement d'appel, l'arrêt attaqué a, d'office, annulé toute la procédure à compter de la dernière pièce de l'enquête préliminaire diligentée à la requête du Parquet et, sans évoquer, n'a statué ni sur l'action publique ni sur l'action civile, se bornant à renvoyer le Ministère public à se pourvoir ainsi qu'il aviserait ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi la Cour d'appel a assimilé à tort et sans motifs valables une information conduite par un juge d'instruction non saisi par des réquisitions préalables du Parquet et instruisant sans avoir été chargé au préalable de cette mission par le président du tribunal, à une information dont l'examen unilatéral du dossier qui la reflétait lui a révélé, au cours du délibéré, que certains actes de procédure se trouvaient momentanément ou définitivement égarés ; qu'en étendant, par la voie de la contagion, les effets de la nullité par eux décidée et affectant une première procédure d'instruction et de jugement à une autre procédure de même nature ouverte sur plainte avec constitution de partie civile et qui jointe à la première comportait, elle, trace des formalités exigées par les articles 80, 83 et 85 du Code de procédure pénale au double prétexte ci-dessus rapporté, les juges du second degré ont encore ignoré tant le principe de la liberté des preuves prenant naissance dans toutes autres sources étrangères aux actes annulés que les dispositions de l'article 186 du Code de procédure pénale qui ne permettent pas à une partie civile constituée d'interjeter appel d'une ordonnance de jonction du magistrat instructeur ; qu'enfin la Cour d'appel, après sa décision d'annulation, a omis d'évoquer ;
Que dès lors l'arrêt par elle rendu encourt la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en ses seules dispositions civiles l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 février 1985 ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Amiens.