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20/10/1986 | FRANCE | N°85-90934

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 octobre 1986, 85-90934


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'Association générale des usagers de la langue française, partie civile,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris (13e Chambre) en date du 14 décembre 1984 qui, ayant relaxé X... Daniel du chef d'infraction à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française, l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1er de la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975, de l'arti

cle 485, de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la décisio...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'Association générale des usagers de la langue française, partie civile,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris (13e Chambre) en date du 14 décembre 1984 qui, ayant relaxé X... Daniel du chef d'infraction à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française, l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1er de la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975, de l'article 485, de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la décision attaquée a relaxé le sieur X... des fins de la poursuite pour infraction à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à l'usage de la langue française ;
" aux motifs qu'il est essentiellement reproché au prévenu d'avoir, dans les restaurants exploités par la société France Quick, employé des mots étrangers ou à consonnance étrangère dans la désignation de différents plats ou boissons, à savoir, notamment :
" giant ", " big ", " bigcheese ", " fischburger ", " hamburger ", " cheeseburger ", " coffee-drink ", " milkshakes ", mais que, dans le dépliant remis dans le restaurant Quick de Nice à chaque consommateur, et joint au dossier de la procédure, chacun de ces mots désigne un plat au moins ou une boisson représenté par un dessin et sous lequel figure, outre le prix du produit, la composition très précise du produit ; qu'il est, dès lors, évident que si chacun de ces produits offerts aux clients et désignés par des noms plus ou moins fantaisistes à consonnance étrangère, il n'en demeure pas moins que le consommateur est parfaitement et complètement informé de la nature dudit produit par un commentaire entièrement rédigé en langue française ; qu'il résulte des termes mêmes de la loi, ainsi que l'ont rappelé des circulaires du premier ministre, que le législateur s'est proposé de protéger les usagers français au sens le plus large contre une mauvaise compréhension qui résulterait de l'emploi, soit de textes exclusivement rédigés en langue étrangère, soit de textes français comportant des termes et expressions étrangères, afin que ce consommateur puisse acheter et utiliser un produit ou bénéficier des services en ayant une parfaite connaissance de leur nature, de leur utilisation et de leurs conditions de garantie ; que tel est le cas en l'espèce et qu'il convient donc de renvoyer le prévenu des fins de la poursuite ;
" alors qu'il résulte de l'article 1er de la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975 que, dans la désignation, l'offre, la présentation, la publicité écrite ou parlée, le mode d'emploi ou d'utilisation, l'étendue et les conditions de garantie d'un bien ou d'un service ainsi que les factures et quittances, l'emploi de la langue française est obligatoire ; que ce texte doit être appliqué, sans avoir à rechercher si le consommateur est ou non informé par des commentaires, l'utilisation de commentaires en français d'un terme étranger ne pouvant supprimer l'infraction ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que les plats ou boissons offerts aux consommateurs ont été désignés par des termes anglais, même si certains d'entre eux (et certains seulement) sont de fantaisie ; que, dès lors, quelles qu'aient pu être les explications fournies par le menu, au sujet des termes employés, l'infraction à l'article 1er de la loi, réprimée par l'article 3 de la même loi, se trouvait constituée ; "
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975, relative à l'emploi de la langue française, " dans la désignation, l'offre, la présentation, la publicité écrite ou parlée, le mode d'emploi ou d'utilisation, l'étendue et les conditions de garantie d'un bien ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances, l'emploi de la langue française est obligatoire " ;
Que le même article dispose que " le recours à tout terme étranger ou à toute expression étrangère est prohibé lorsqu'il existe une expression ou un terme approuvés dans les conditions prévues par le décret n° 72-19 du 7 janvier 1972 relatif à l'enrichissement de la langue française " ;
Attendu que selon l'exposé des faits du premier juge, auquel l'arrêt attaqué se réfère expressément, il a été constaté par procès-verbaux que dans les menus et la publicité des restaurants exploités par la société dont X... est le directeur général, un certain nombre de mets ou boissons étaient proposés à la vente sous des appellations empruntées à une langue étrangère telles que " giant ", " big ", " bigcheese ", " fishburger ", " hamburger ", " cheeseburger ", " coffee-drink ", " milkshakes ", ou " softdrink " ;
Que, le prévenu ayant été poursuivi pour infraction à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 susvisée, le Tribunal de police l'a condamné de ce chef et a alloué des dommages-intérêts à l'Association générale des usagers de la langue française, partie civile ;
Attendu que pour infirmer le jugement et relaxer X..., la juridiction du second degré, analysant les dispositions en cause, énonce que " le législateur s'est proposé de protéger les usagers français au sens le plus large (consommateur ou utilisateur de produits, de biens et de services, de documents publics, d'informations) contre une mauvaise compréhension qui résulterait de l'emploi soit de textes exclusivement rédigés en langue étrangère, soit de textes français comportant des termes et expressions étrangers " ; qu'en effet il a voulu assurer cette protection afin que ledit consommateur " puisse acheter et utiliser un produit ou bénéficier de services en ayant une parfaite connaissance de leur nature, de leur utilisation et de leurs conditions de garantie " ;
Attendu que la même juridiction relève ensuite, en citant divers exemples, que dans le dépliant remis à chaque client de l'un des restaurants précités " chacun des mots employés désigne un plat ou une boisson représenté par un dessin et sous lequel figure, outre le prix, la composition très précise du produit " ;
Mais attendu qu'en réduisant ainsi le but de la loi du 31 décembre 1975 à la protection des consommateurs, grâce à l'information de ceux-ci, alors que ce texte, d'un caractère général et qui tend à sauvegarder la langue française, ne comporte nullement une telle limitation, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée des dispositions ci-dessus rappelées ; qu'en conséquence la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en ses dispositions civiles l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Paris, et pour être à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-90934
Date de la décision : 20/10/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

EMPLOI DE LA LANGUE FRANCAISE - Loi du 31 décembre 1975 - Domaine d'application - Portée

Le but de la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975, relative à l'emploi de la langue française, ne peut être réduit à la protection des consommateurs, grâce à l'information de ceux-ci, alors que ce texte, d'un caractère général et qui tend à sauvegarder la langue française, ne comporte nullement une telle limitation. En conséquence méconnaît le sens et la portée de ces dispositions la Cour d'appel qui, pour relaxer du chef d'infraction à l'article 1er de ladite loi le responsable d'un établissement de restauration rapide relève notamment que dans le dépliant remis aux clients de cet établissement, chacun des mots d'origine étrangère employés est accompagné d'un dessin représentant le plat ou la boisson concernés et qu'est en outre précisée la composition du produit ainsi proposé à la vente.


Références :

Loi 75-1349 du 31 décembre 1975 art. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 décembre 1984

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1985-10-22, bulletin criminel 1985 N° 322 p. 831 (Rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 oct. 1986, pourvoi n°85-90934, Bull. crim. criminel 1986 N° 294 p. 751
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 294 p. 751

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bruneau, Conseiller doyen faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. Dontenwille
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Morelli
Avocat(s) : Avocats : MM. Ryziger et Odent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.90934
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