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07/10/1986 | FRANCE | N°85-96100

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 octobre 1986, 85-96100


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Henriette veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens de ses enfants mineurs Nadia, Djelahi, Malika et Sonia,
- Y... Lamara,
- Madame Z... veuve Y...,
- Y... Mohand,
- Y... Nouara épouse A...,
- Y... Jousa épouse B...,
- Y... Mouloud,
- Y... Sarah épouse C...,
parties civiles,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris, 20e chambre, en date du 8 novembre 1985, qui, dans des poursuites exercées contre Michel D... des chefs d'homicide involontaire et infr

action au Code de la route, les a déboutés de leurs demandes de réparations civiles. ...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Henriette veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens de ses enfants mineurs Nadia, Djelahi, Malika et Sonia,
- Y... Lamara,
- Madame Z... veuve Y...,
- Y... Mohand,
- Y... Nouara épouse A...,
- Y... Jousa épouse B...,
- Y... Mouloud,
- Y... Sarah épouse C...,
parties civiles,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris, 20e chambre, en date du 8 novembre 1985, qui, dans des poursuites exercées contre Michel D... des chefs d'homicide involontaire et infraction au Code de la route, les a déboutés de leurs demandes de réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 1384 alinéa 1er du Code civil, 1, 2, 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'indemnisation des ayants droit de Y... ;
" aux motifs que le véhicule de Y... a constitué un obstacle imprévisible et insurmontable pour D... ;
" alors que l'article 2 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, applicable immédiatement aux instances en cours, prévoyant que les victimes d'accidents de la circulation, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure par le gardien du véhicule impliqué dans l'accident, la Cour d'appel qui a décidé que le véhicule de la victime avait constitué un obstacle imprévisible et insurmontable pour D... afin de décharger l'automobiliste de la responsabilité qui pèse sur lui en tant que conducteur d'un véhicule impliqué dans l'accident, a violé les dispositions susvisées ;
" aux motifs que Y... n'avait pas la qualité de piéton mais celle d'un conducteur de voiture dont il était descendu pour remédier à la panne du véhicule qui a participé à la réalisation du dommage puisque la victime a été coincée entre l'arrière de sa voiture et l'avant de celle de D... ; que c'est bien en tant que conducteur affairé à la réparation imposée par la panne de son véhicule que Y... a été mortellement blessé, sa position sur la chaussée étant intimement liée à la conduite de ce véhicule et à l'avarie survenue ;
" alors, d'une part, que l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, doivent être indemnisées de leur dommage sans que puisse leur être opposée leur propre faute sauf si elle est inexcusable et cause exclusive de l'accident, que le conducteur doit nécessairement s'entendre de celui qui a la direction du véhicule et du contrôle de la progression au moment de l'accident, ce qui par voie de conséquence exclut que soit considérée comme telle la personne qui au moment de l'accident est en action de marche ou arrêtée sur la voie de circulation, même se trouverait-elle à proximité d'un véhicule dont elle assurait la conduite peu avant l'accident ; qu'ainsi la Cour d'appel qui, après avoir constaté que Y... avait quitté son véhicule au moment de l'accident et se trouvait debout sur la chaussée, a tenu compte du comportement antérieur d'automobiliste de la victime, de sa position par rapport au véhicule pour décider qu'il était conducteur, a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
" aux motifs propres et adoptés qu'au moment de l'accident, la voiture conduite par Y... occupait la chaussée dans une position anormale, que malgré l'éclatement de son pneu, Y... aurait pu manoeuvrer pour s'arrêter à un endroit où la bande d'arrêt d'urgence était suffisamment large pour son véhicule étant immobilisé de nuit sans triangle de présignalisation, sans feux de détresse avec l'éclairage insuffisant de ses feux de position, que les dommages sont dus à la grave imprudence de Y... ;
" alors, d'une part, que commet une faute d'imprudence l'individu qui n'accomplit pas tout ce qui est en son pouvoir pour éviter le dommage, ce qui ne saurait être le cas de Y... qui, même si son véhicule n'était pas commodément visible des autres automobilistes de l'endroit où il était garé, s'est, immédiatement après l'éclatement du pneu arrière droit de son véhicule, arrêté à droite de la chaussée sur la bande d'arrêt d'urgence, seule attitude qu'un homme normalement avisé devait adopter puisqu'en continuant de rouler avec un pneu crevé il risquait de perdre le contrôle de son véhicule et donc de causer un dommage à autrui ; qu'ainsi la Cour qui a considéré que Y... avait commis une faute en ne manoeuvrant pas pour s'arrêter plus loin, a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que pour retenir à l'encontre de Y... une faute d'imprudence, la Cour d'appel a encore relevé que la voiture de ce dernier était immobilisée de nuit sans feux de détresse ni triangle de présignalisation sans répondre aux moyens péremptoires de défense soulevés par les demandeurs qui faisaient valoir que l'ancienneté du véhicule impliquait que celui-ci ne fût pas doté de feux de détresse et que c'est précisément au moment où Y... allait sortir de son coffre le triangle de présignalisation qu'il a été renversé par la voiture de D..., violant ainsi les dispositions de l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu qu'en vertu des articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985, applicables aux instances en cours, en cas d'accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur les victimes, hormis les conducteurs d'un tel véhicule, ne peuvent se voir opposer leur propre faute sauf si celle-ci est inexcusable et a été la cause exclusive de l'accident ; que selon l'article 6 de la même loi, le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation de ces dommages ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que de nuit Y... a, à la suite de l'éclatement d'un pneu, arrêté la voiture qu'il conduisait, à la sortie de la bretelle d'accès à une autoroute, à cheval sur la ligne discontinue séparant ces deux voies ; que s'étant porté derrière son véhicule pour procéder au changement de roue, il a été heurté et mortellement blessé par la voiture conduite par D..., appartenant à la société " Ormesson pratic dépannage ", et assurée auprès de la compagnie " La Maaf " ;
Attendu que poursuivi notamment pour homicide involontaire et défaut de maîtrise, D... a été relaxé de ces chefs par le tribunal au motif qu'il n'avait commis aucune faute de conduite en relation avec l'accident ; que les consorts Y..., ayants droit de la victime, qui s'étaient constitués parties civiles, ont été déboutés de leurs demandes d'indemnisation de leur préjudice économique et moral ;
Attendu que saisis par l'appel desdits consorts, qui réclamaient réparation sur le fondement de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, les juges du second degré ont tout d'abord estimé que Y... qui, au moment de l'accident, " était affairé à la réparation de son véhicule " devait, pour cette raison, au regard de la loi invoquée, être considéré comme un conducteur ; qu'ils ont ensuite énoncé que la cause unique de l'accident résidait dans la faute " d'une exceptionnelle gravité " commise par la victime qui avait immobilisé sur la chaussée d'une autoroute, à plus de deux mètres de la glissière de sécurité, sans signalisation de détresse, sa voiture démunie d'éclairage suffisant, dans un endroit que le manque de visibilité pour les conducteurs des véhicules débouchant de la rampe d'accès rendait particulièrement dangereux ; qu'ils en ont déduit que dans de pareilles conditions, en vertu de l'article 4 de la loi précitée, l'indemnisation des dommages subis par la victime ou ses ayants droit était exclue ;
Mais attendu qu'en faisant ainsi application de l'article 4 de la loi précitée alors que Y... n'était plus aux commandes de son véhicule, se trouvait à pied sur la chaussée, et ne pouvait, de ce fait, être considéré comme un conducteur, et en s'abstenant de rechercher si la faute imputée à la victime avait le caractère d'une faute inexcusable, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et attendu que le pourvoi ne critiquant pas les dispositions de l'arrêt ayant mis la société " Ormesson pratic dépannage " et la compagnie " La Maaf " hors de cause, il y a lieu de les maintenir hors de cause ainsi qu'elles le réclament dans leur mémoire en défense ;
Par ces motifs :
Et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Paris, en date du 8 novembre 1985, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-96100
Date de la décision : 07/10/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Victime d'un accident de la circulation - Conducteur - Définition - Automobiliste ayant quitté son véhicule et se trouvant à pied sur la chaussée (non).

1° Ne peut être considérée comme un conducteur au sens de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 la personne qui, au moment où elle a été heurtée et blessée par une voiture automobile, avait, à la suite d'une panne, quitté le véhicule qu'elle conduisait et entreprenait de le réparer sur la chaussée.

2° ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Victime d'un accident de la circulation - Victime autre que le conducteur - Faute inexcusable - Recherche nécessaire.

2° Ne justifie pas sa décision la Cour d'appel qui, sans rechercher si la faute de ladite victime était inexcusable, déclare l'auteur de l'accident exonéré de l'obligation d'indemnisation instituée par l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985.


Références :

Loi du 05 juillet 1985 art. 4, art. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 novembre 1985


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 oct. 1986, pourvoi n°85-96100, Bull. crim. criminel 1986 N° 271 p. 685
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 271 p. 685

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bruneau, Conseiller doyen faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Bonneau
Avocat(s) : Avocats : la Société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard, MM. Choucroy, Coutard et Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.96100
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