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07/10/1986 | FRANCE | N°84-93325

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 octobre 1986, 84-93325


REJET du pourvoi formé par :
- X... Roland, partie civile,
contre un arrêt du 14 juin 1984 de la Cour d'appel de Reims, Chambre correctionnelle, qui, dans une procédure suivie contre Jacques Y..., du chef de blessures involontaires, s'est déclarée incompétente pour se prononcer sur ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense, en réplique et en duplique ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif atta

qué a déclaré incompétentes les juridictions de l'ordre judiciaire pour statue...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Roland, partie civile,
contre un arrêt du 14 juin 1984 de la Cour d'appel de Reims, Chambre correctionnelle, qui, dans une procédure suivie contre Jacques Y..., du chef de blessures involontaires, s'est déclarée incompétente pour se prononcer sur ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense, en réplique et en duplique ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré incompétentes les juridictions de l'ordre judiciaire pour statuer sur la demande de X..., partie civile ;
" aux motifs que les fautes commises par le docteur Y... n'ont en rien le caractère de la faute personnelle détachable du service ; qu'elles consistent en négligence et erreur dans l'appréciation de la gravité de l'état du malade et ne sont ni le signe d'une carence particulièrement lourde, ni, à l'évidence, la manifestation d'une intention malveillante ou la recherche d'un intérêt personnel ;
" alors que le chirurgien, agent public, qui s'abstient de s'informer des circonstances d'un accident et, en particulier, de rechercher si les blessures, qu'il est en charge de soigner, pouvaient être souillées, d'une part, et qui refuse de tirer toute conséquence, le lendemain de l'opération, des douleurs présentées par le malade et de sa température élevée, d'autre part, et n'a pas ordonné une antibiothérapie, laquelle aurait empêché la survenance d'une grangène gazeuse et l'amputation d'un membre qui en fut la conséquence, commet une faute personnelle de nature à engager sa responsabilité civile propre " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'ayant été blessé dans un accident de la circulation alors qu'il conduisait sa bétaillère, X..., qui était resté parfaitement conscient, a été admis le 19 mars 1979 vers 7 h 30 dans un centre hospitalier où Y..., chirurgien de cet établissement, a procédé sur ce patient à la suture d'artères abdominales et à la réduction de fractures de la jambe et du pied gauches ; que le 20 mars le malade s'est plaint de douleurs dans le membre opéré et en a informé ledit chirurgien qui, observant, d'après ses dires, une température normale, a renoncé à défaire le pansement de crainte, selon lui, d'infecter la blessure ; que le lendemain, alerté par une odeur nauséabonde, Y..., intervenant vers 18 heures, a constaté le développement d'une gangrène et a fait aussitôt transporter X... à l'hôpital où celui-ci a dû être amputé au tiers moyen de la cuisse ; que le prévenu a été renvoyé, pour blessures involontaires, devant le tribunal correctionnel, lequel, au vu notamment des avis de trois collèges d'experts, l'a condamné, du chef de ce délit, mais s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes de X..., partie civile, en estimant que celles-ci devaient être appréciées par le juge administratif dès lors que la faute commise par le prévenu n'avait pas le caractère d'une faute personnelle détachable du service ;
Attendu que pour confirmer le jugement, la juridiction du second degré relève que Y... s'est abstenu de recueillir auprès de X... ou du personnel d'accueil le moindre renseignement tant sur la profession de l'intéressé (boucher) que sur les circonstances de l'accident précité et, ignorant de la sorte les risques particuliers d'infection, n'a administré aucun traitement par antibiotiques ; que le lendemain de l'opération il n'a pas songé, malgré les douleurs intolérables ressenties par le patient, à la possibilité de cette complication et a renoncé à défaire le pansement, en dépit de la fièvre du blessé constatée par les experts sur la feuille de température ;
Attendu que la même juridiction analyse alors les conclusions desdits experts selon lesquelles l'ouverture du foyer de fracture, dans un environnement souillé, représentait un risque important d'infection nécessitant le contrôle du pansement et une antibiothérapie massive, alors qu'un interrogatoire de routine du malade aurait montré à ce praticien le caractère spécifique de la blessure ; que ces négligences, qui illustrent " une carence thérapeutique ", ont permis le développement de la gangrène dont l'amputation intervenue est la conséquence directe ;
Attendu cependant que les juges énoncent ensuite que les fautes qu'ils ont ainsi définies " n'ont en rien le caractère de la faute personnelle détachable du service ; qu'elles consistent en une négligence et une erreur dans l'appréciation de la gravité de l'état du malade que le prévenu a commises dans l'exercice de son activité de chirurgien à temps plein d'un établissement public ; qu'elles ne sont ni le signe d'une carence particulièrement lourde ni à l'évidence la manifestation d'une intention malveillante ou la recherche d'un intérêt personnel " ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations souveraines, exemptes d'insuffisance ou de contradiction, d'où il résulte que le comportement reproché au prévenu était constitutif, non d'une faute personnelle détachable en raison de sa nature inexcusable de la fonction exercée et donc soumise, aux fins de réparation du préjudice causé, à l'examen de la juridiction répressive, mais d'une faute de service dont les conséquences dommageables ne pouvaient être appréciées que par les tribunaux administratifs, la Cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 84-93325
Date de la décision : 07/10/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Agent d'un service public - Délit commis dans l'exercice des fonctions - Faute non détachable du service - Application - Chirurgien des hopitaux

* SEPARATION DES POUVOIRS - Agent d'un service public - Délit commis dans l'exercice des fonctions - Faute non détachable du service - Action civile - Compétence administrative

Justifie sa décision la Cour d'appel qui, après avoir analysé les fautes commises par un chirurgien employé à temps plein dans un établissement hospitalier public, relève notamment, pour estimer que celles-ci ne revêtent pas le caractère de fautes personnelles détachables du service " qu'elles consistent en une négligence et une erreur dans l'appréciation de la gravité de l'état du malade et ne sont pas le signe d'une carence particulièrement lourde ".


Références :

Loi du 16 août 1790 1790-08-24

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 14 juin 1984

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1981-10-28, bulletin criminel 1981 N° 288 p. 749 (Rejet). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1982-05-25, bulletin criminel 1982 N° 134 p. 368 (Rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 oct. 1986, pourvoi n°84-93325, Bull. crim. criminel 1986 N° 274 p. 701
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 274 p. 701

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bruneau, Conseiller doyen faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Morelli
Avocat(s) : Avocats : M. Ancel, la Société civile professionnelle Fortunet, Mattei-Dawance et la Société civile professionnelle Boré-Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.93325
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