CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par D..., ès qualités d'administrateur légal de son fils mineur M..., partie civile,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Rouen, Chambre correctionnelle, en date du 6 novembre 1985, qui l'a débouté de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382, 1385 du Code civil, 470-1 et 593 du Code de procédure pénale et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a refusé de condamner T..., dont le chien a gravement mordu le jeune M... D..., à indemniser ce dernier ;
" aux motifs que ni M... D... ni son grand-père qui l'accompagnait " n'auraient dû prendre le risque de s'aventurer sans autorisation sur la pâture où paissaient les moutons de Daniel T..., surtout que ses animaux étaient gardés par des chiens bergers qui sont loin d'être des bêtes inoffensives, en particulier dans l'accomplissement de leur gardiennage, que M... D... a été on ne peut plus mal inspiré en passant trop près du chien qui l'a mordu étant donné le danger que présente une telle approche " ;
" alors que seul un événement constituant un cas de force majeure exonère le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert pendant qu'il est à son usage, de la responsabilité du dommage que l'animal a causé ; que dès lors le comportement de la victime, s'il n'a pas été pour le gardien imprévisible et irrésistible, ne peut l'en exonérer, même partiellement ; qu'en l'espèce, la Cour qui n'a pas établi que le comportement de la victime présentât ces caractères, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que seul un événement constituant un cas de force majeure exonère le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert pendant qu'il est à son usage, de la responsabilité du dommage que l'animal a causé ; que, dès lors, le comportement de la victime, s'il n'a pas été pour le gardien imprévisible et irrésistible, ne peut l'en exonérer, même partiellement ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M... D..., âgé de 14 ans, a été mordu par un chien berger appartenant à Daniel T... et que celui-ci avait attaché dans une pâture, à proximité du chemin traversant cette pâture et emprunté par la victime ;
Attendu que pour débouter D..., après relaxe de Daniel T... du chef de blessures involontaires, de la demande de réparation qu'il avait présentée au nom de son enfant mineur sur le fondement des articles 1385 du Code civil et 470-1 du Code de procédure pénale, la Cour d'appel, après avoir affirmé que les fautes commises par la jeune victime et par la personne qui l'accompagnait avaient été " imprévisibles et insurmontables " pour le propriétaire du chien, se borne à énoncer que M... D... et son grand-père ont pris un risque en s'aventurant sans autorisation dans une pâture où les animaux étaient gardés par des chiens bergers " qui sont loin d'être des bêtes inoffensives ", et que la victime a été " mal inspirée " en passant trop près de l'un de ces chiens " étant donné le danger que représentait une telle approche " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans relever les circonstances qui auraient conféré au comportement de la victime un caractère d'imprévisibilité et d'irrésistibilité, seul de nature à exonérer de sa responsabilité le gardien du chien, la juridiction du second degré a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Rouen en date du 6 novembre 1985,
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi dans les limites de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Amiens.