CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Bernard,
contre un arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, 4e Chambre, en date du 10 décembre 1985, qui l'a condamné pour infractions aux articles L. 221-2 et L. 221-4 du Code du travail à 4 amendes de 1 200 francs et pour infraction à l'article R. 143-2 du même Code à 6 amendes de 1 200 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 221-2, L. 221-4, R. 262-1 du Code du travail, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Monsieur X... coupable d'avoir le 24 avril 1983 fait travailler deux salariés pendant plus de 6 jours consécutivement et sans leur accorder un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 24 heures consécutives et l'a condamné en répression à 4 amendes de 1 200 francs chacune ;
" aux motifs qu'il est constant que les salariés de la société Hydronord, Messieurs Y... et Z..., ont travaillé le dimanche 24 avril 1983 et du lundi au samedi précédent de la même semaine ; qu'ils ont donc travaillé plus de 6 jours consécutivement ; que pour faire travailler ses salariés le dimanche sur le chantier, X... ne pouvait se prévaloir d'aucun des cas dérogatoires légaux et réglementaires ; que le travail d'installation de monte-charge ne rentre dans aucun des cas prévus par les textes ; que pas davantage il ne s'agissait d'un travail urgent ; que la seule urgence pour la société Hydronord à terminer ce chantier consistait à respecter le délai fixé pour éviter de payer des indemnités de retard ; que la société ne pouvait prétendre à aucune possibilité dérogatoire ; qu'elle devait par conséquent s'abstenir de faire travailler ces salariés le dimanche litigieux ; qu'ainsi l'infraction à l'article L. 221-2 est constituée et par voie de conséquence celle de l'article L. 221-4 du Code du travail ;
" alors d'une part qu'une infraction à l'article L. 221-4 du Code du travail ne se déduit pas, comme l'a fait la Cour d'appel, d'une contravention à l'article L. 221-2 du même Code ; qu'en effet, si les salariés ont travaillé plus de six jours consécutivement, cela n'implique pas qu'ils auraient bénéficié d'un repos hebdomadaire inférieur à 24 heures consécutives ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les textes précités ;
" alors d'autre part que la Cour d'appel ne pouvait considérer, pour estimer caractérisée la contravention à l'article L. 221-4 du Code du travail, que les deux salariés avaient travaillé 15 jours sans discontinuer, une telle période impliquant que les intéressés aient travaillé les dimanches 17 avril et 1er mai 1983, ce qui n'a pas été constaté par l'inspecteur du Travail ;
" alors enfin et à supposer que X... se soit rendu coupable d'infractions aux articles L. 221-2 et L. 221-4 du Code du travail relativement à deux salariés, la Cour d'appel ne pouvait le condamner à 4 amendes de 1 200 francs ; qu'en effet les deux infractions résultant d'un fait unique, le prévenu ne pouvait être condamné qu'une fois pour chacun des salariés, aux peines prévues par l'article R. 262-1 du Code du travail " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal qui lui sert de base que le dimanche 24 avril 1983, un inspecteur du Travail visitant un chantier a constaté que le chef d'entreprise X... avait fait travailler deux ouvriers depuis le lundi 18 avril alors qu'il ne pouvait se prévaloir d'aucune dérogation légale ou réglementaire à l'interdiction édictée par l'article L. 221-2 du Code du travail d'occuper un salarié plus de six jours par semaine ; que l'inspecteur du Travail a également relevé que les deux salariés en cause n'avaient pas bénéficié du repos hebdomadaire d'une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives que prescrit l'article L. 221-4 dudit Code ;
Attendu, d'une part, qu'en l'état de ces constatations qui n'ont pas été combattues par la preuve contraire et qui ne sauraient étre discutées pour la première fois devant la Cour de Cassation, la Cour d'appel, abstraction faite de motifs surabondants voire erronés, a caractérisé les contraventions dont elle a déclaré le demandeur coupable ; que, d'autre part, le fait que le travail soit réparti sur les sept jours de la semaine n'exclut pas nécessairement que le repos prévu par la loi ait été donné au salarié irrégulièrement employé ; que, dès lors, les juges ont pu considérer, comme ils l'ont fait, que les deux infractions poursuivies comportaient des éléments constitutifs spécifiques et devaient être réprimées distinctement ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 143-2, R. 154-3 du Code du travail, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'avoir, courant mars, avril et mai 1983, fait travailler deux salariés pendant 3 mois sans avoir indiqué sur leurs bulletins de salaires la majoration pour heures supplémentaires et de l'avoir en répression condamné à six amendes de 1 200 francs ;
" aux motifs que l'examen des fiches de paie pour la période concernée ne fait apparaître aucune mention concernant les heures supplémentaires mais que s'y trouve simplement noté un " bonus " ; que si la société Hydronord expose que les " bonus " correspondent à des gains de productivité enregistrés par les monteurs, il convient de noter qu'une prime de productivité est également payée aux salariés et mentionnée sur les bulletins de paie, ce qui laisserait supposer que ceux-ci seraient anormalement rémunérés deux fois au même titre ; que pour le mois d'avril 1983, Messieurs Y... et Z... ont travaillé les dimanches 10 et 24, aucune heure supplémentaire ne leur a été comptée ; que si l'on retient l'explication de l'employeur, l'infraction qui est reprochée à celle-ci est constituée en ce qui concerne leur bulletin de paie du mois d'avril 1983 ; qu'il n'est pas soutenu que le bonus correspondrait à une rémunération forfaitaire des heures supplémentaires puisque leur existence est niée ; que si la rémunération forfaitaire des heures supplémentraires est admise, c'est uniquement dans le cadre de l'entreprise selon un temps forfaitaire et fixe, défini à l'avance, que dès lors ce mode de rémunération serait inapplicable en l'espèce ; que la reconstitution du travail réel des deux salariés prouve que le bonus sert à payer les heures supplémentaires en partie, voire même en totalité ; qu'il s'ensuit que les six infractions reprochées à X... sont constituées ;
" alors d'une part que la Cour d'appel ne pouvait considérer les infractions établies qu'à la seule condition que l'inspecteur du Travail ait expressément constaté que les deux salariés avaient effectué des heures supplémentaires non rémunérées ; qu'une telle preuve ne pouvait découler des seules déductions faites par cet inspecteur, d'autant plus que la législation du travail n'interdit pas les primes de rendement qualifiées de " bonus " comme cela était le cas en l'espèce ; qu'ainsi, la Cour d'appel ne pouvait sans violer les dispositions de l'article R. 143-2 du Code du travail estimer que les primes qualifiées de " bonus " étaient en réalité des heures supplémentaires ;
" alors, d'autre part, qu'en présence d'un doute, celui-ci devait bénéficier au prévenu ;
" alors enfin et à supposer les infractions établies, la Cour d'appel ne pouvait condamner X... à six amendes de 1 200 francs chacune dès lors que l'article R. 154-3 du Code du travail qui réprime les contraventions à l'article R. 143-2 ne prévoit qu'une amende de 300 francs à 600 francs, cette amende n'étant portée à 1 200 francs qu'en cas de récidive non constatée en l'espèce " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que selon l'article R. 154-3 du Code du travail, les contraventions à l'article R. 143-2 du même Code sont passibles d'une amende de 300 à 600 francs, cette amende pouvant être portée à 1 200 francs en cas de récidive dans le délai d'un an ;
Attendu qu'ayant également déclaré X... coupable d'infraction à l'article R. 143-2, 4°, pour avoir, pendant trois mois, omis d'indiquer sur le bulletin de paie de deux salariés la majoration pour heures suplémentaires, la Cour d'appel lui a infligé, en répression, six amendes de 1 200 francs chacune ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi sans constater que X... se trouvait en état de récidive légale, cette circonstance aggravante n'étant d'ailleurs pas incluse dans la prévention, les juges du fond ont violé l'article R. 154-3 susvisé du Code du travail ; que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, en date du 10 décembre 1985, mais dans ses seules dispositions ayant déclaré le demandeur coupable d'infraction à l'article R. 143-2 du Code du travail, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues, et pour être statué à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Douai.