REJET des pourvois formés par :
- Patrick X...,
- Richard Y...,
contre un arrêt de la Cour d'assises de la Gironde du 19 novembre 1985 qui, pour coups ou violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, vol avec port d'arme et tentative de crime, les a condamnés, le premier à 15 ans de réclusion criminelle, le second à 8 ans de la même peine, ainsi que sur le pourvoi de X... contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour s'est prononcée sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, communs aux deux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 173, 327, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense ;
" en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que sur l'ordre du président, le greffier a donné lecture en son entier de l'arrêt de renvoi rendu par la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Bordeaux en date du 26 avril 1983 ;
" alors que l'article 173 du Code de procédure pénale prescrit que les actes annulés sont retirés du dossier d'information et qu'il est interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties aux débats ; que l'arrêt dont il a été donné lecture a été cassé et annulé par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 20 juillet 1983 et que statuant sur renvoi, la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Poitiers a, par arrêt du 15 décembre 1985, ordonné l'annulation de certaines pièces de la procédure, de sorte que le retrait des pièces annulées étant prononcé d'une manière indivisible à l'égard de toutes les parties au procès, il appartenait au président de veiller à ce qu'il ne soit pas donné lecture des passages de l'arrêt censurés se référant auxdites pièces afin que la Cour et le jury ne puissent pas prendre en considération des éléments qui ne faisaient plus partie de la procédure ; qu'il s'ensuit que la lecture ordonnée a été faite en totale méconnaissance des dispositions impératives du texte susvisé et en violation des droits de la défense " ;
Attendu qu'il résulte tant du procès-verbal des débats que des pièces de la procédure que par arrêt du 26 avril 1983, la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Bordeaux a renvoyé devant la Cour d'assises de la Gironde des chefs de meurtre, vol avec port d'arme et tentative de ce crime, les trois accusés Z..., X... et Y... ; que, sur pourvoi du seul X..., cet arrêt a été annulé, en ce qui concerne cet accusé, par décision de la Cour de Cassation du 20 juillet 1983, la cause et l'accusé étant renvoyés devant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Poitiers ; que par arrêt du 21 juin 1984, cette dernière, après avoir ordonné l'annulation de certaines pièces de la procédure et un supplément d'information, a renvoyé X... devant la Cour d'assises de la Gironde désignée comme juridiction de jugement par l'arrêt précité de la Cour de Cassation, réglant de juges à l'avance ;
Attendu que le procès-verbal constate que, sur ordre du président, le greffier a donné lecture de l'arrêt de la Chambre d'accusation de Bordeaux et de celui de la Chambre d'accusation de Poitiers ;
Attendu que, contrairement à ce que soutient le moyen, il a été ainsi fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, l'article 327 du Code de procédure pénale imposait la lecture des deux arrêts dès lors qu'ils saisissaient l'un et l'autre la même Cour d'assises, le premier ordonnant la mise en accusation de Z... et de Y..., et le second celle de X... ;
Attendu que même si l'arrêt de la Chambre d'accusation de Bordeaux expose des faits consignés dans des procès-verbaux ultérieurement annulés par la Chambre d'accusation de Poitiers, puis retirés du dossier, aucun texte de loi n'autorisait le président à faire donner une lecture partielle de la décision, définitive à l'égard de A..., qui ne s'était pas pourvu en cassation contre elle ;
Attendu en outre que les prescriptions de l'article 173 du même Code interdisant de puiser des renseignements dans un acte annulé ne s'appliquent pas à la lecture, prescrite par la loi, d'un arrêt rendu avant la décision d'annulation et demeurant partie intégrante de la procédure, tant par application du principe de l'effet relatif des voies de recours qu'en raison des dispositions impératives de l'article 327 précité ; que d'ailleurs il n'a pas été porté atteinte aux intérêts des parties dès lors qu'en présence des deux actes de saisine de la Cour d'assises, lecture a été donnée de l'arrêt de la Cour de Poitiers qui s'expliquait tant sur la cassation partielle de l'arrêt de la Cour de Bordeaux que sur les conditions d'annulation de certains actes d'instruction ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 347 du Code de procédure pénale ;
" en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'après que l'huissier ait fait appel des experts et témoins cités et notifiés, l'expert B... et les témoins C..., D... et E... n'ayant pas répondu à l'appel de leur nom, le président a décidé qu'il serait passé outre aux débats ;
" aux motifs que leur déposition orale ne paraissait pas indispensable à la manifestation de la vérité ;
" alors qu'en se déterminant de la sorte avant d'avoir commencé l'instruction à l'audience, le président s'est nécessairement fondé sur la procédure d'instruction préalable et a violé le principe de l'oralité des débats " ;
Attendu que le procès-verbal des débats constate que " le Ministère public, les conseils de la partie civile, les défenseurs des accusés et les accusés eux-mêmes ont déclaré renoncer formellement à l'audition de MM. B..., expert, C... et D..., témoins, tous cités à la requête du Ministère public " ; qu'il est en outre mentionné que le témoin E... n'avait pu être touché par la citation, son adresse n'ayant pas été découverte ;
Que ces témoins et cet expert n'étant, en raison de ces renonciations, plus acquis aux débats, il n'importe dès lors que le président ait, pour ordonner qu'il serait passé outre à ceux-ci, indiqué que leur déposition orale ne paraissait pas indispensable à la manifestation de la vérité ;
Que le moyen doit donc être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation (sans intérêt) ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que les peines ont été légalement appliquées aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE les pourvois.