CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- le procureur général près la Cour d'appel de Paris,
contre un arrêt de ladite Cour, du 22 avril 1985, qui, sur incident d'exécution de peine, a dit que la détention subie par X... en Suisse, relativement à sa condamnation à la peine de 3 ans et 6 mois de réclusion prononcée le 12 juin 1979 par la Cour d'assises de Genève, serait déduite de la peine d'emprisonnement de même durée, prononcée pour les mêmes faits, par le Tribunal correctionnel de Paris le 29 juillet 1983.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 24 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a ordonné l'imputation de la détention subie en Suisse, avant son évasion, par Samy X..., de nationalité française, en exécution d'une condamnation émanant de la Cour d'assises de Genève pour des infractions commises dans ce pays, sur la durée de la peine d'emprisonnement prononcée par le Tribunal correctionnel de Paris pour ces mêmes faits à la suite d'une dénonciation des autorités helvétiques ;
" aux motifs que s'il est vrai qu'aucun texte ne prévoit une telle imputation, il n'existe pas davantage de texte qui l'interdise, qu'au surplus, une dérogation au principe de souveraineté nationale et de territorialité de la loi pénale se justifie, en l'espèce, par un autre principe fondamental de l'ordre juridique, selon lequel lorsqu'une peine sanctionne les mêmes faits, un condamné ne peut être contraint à la subir deux fois, que ce principe, fondé sur des considérations d'équité élémentaires, a été consacré par l'article 54 de la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs, non encore signée par la France, et inspire l'article 24 du Code pénal ;
" que s'il est vrai qu'il n'est tenu compte, en notre droit positif, de détentions ou de décisions étrangères qu'en vertu d'une loi ou de conventions internationales, il n'en est pas ainsi lorsqu'il s'agit de faire produire à la décision étrangère des effets favorables ;
" qu'en l'espèce la méconnaissance de la détention résultant de la décision étrangère entraînerait des conséquences excessives et injustes ;
" alors que, à défaut de disposition légale ou de stipulation d'une convention internationale, la durée d'une peine subie partiellement hors de France en exécution d'une décision de condamnation émanant d'une juridiction étrangère pour des faits commis sur son territoire ne peut être déduite de la durée de la peine prononcée ultérieurement pour les mêmes faits par un tribunal français saisi à la suite d'une dénonciation de l'autorité étrangère " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne permet d'imputer sur l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée par une juridiction nationale, saisie sur dénonciation officielle des faits, pour un crime ou un délit commis par un citoyen français sur le territoire d'un Etat étranger, la durée de l'incarcération subie dans ce pays en exécution d'une condamnation infligée, pour les mêmes faits, par une juridiction dudit Etat, dès lors que le condamné ne justifie ni qu'il a intégralement subi sa peine, ni qu'il l'a prescrite, ou qu'il a obtenu sa grâce ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X..., de nationalité française, a été condamné, par arrêt de la Cour d'assises de Genève, du 12 juin 1979, à trois ans et demi de réclusion pour des vols aggravés commis sur le territoire helvétique ; qu'après avoir subi 29 mois de détention il s'est évadé du pénitencier dans lequel il exécutait sa peine et s'est réfugié en France ; que sur dénonciation officielle des faits par les autorités helvétiques, X..., à qui il restait à exécuter 1 an et 1 mois de détention, a, en application des articles 689 et 692 du Code de procédure pénale, été poursuivi en France pour les faits par lui commis en Suisse, et condamné par le Tribunal correctionnel de Paris le 29 juillet 1983 à 3 ans et 6 mois d'emprisonnement ;
Attendu que, pour faire droit à la requête en incident sur exécution de peine présentée par X..., et dire que la détention subie par lui en Suisse doit être déduite de la peine prononcée postérieurement, pour les mêmes faits, par le Tribunal correctionnel de Paris, les juges énoncent notamment qu'une dérogation au principe de souveraineté nationale et de territorialité de la loi pénale se justifie, eu égard à des considérations d'équité élémentaires consacrées par l'article 54 de la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs, non encore signée par la France ; qu'en outre, une décision étrangère peut être prise en compte lorsqu'il s'agit de lui faire produire des effets favorables au condamné ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu les principes susénoncés ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 22 avril 1985 ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Dit que la détention subie par X... en territoire helvétique à la suite de sa condamnation par la Cour d'assises de Genève du 12 juin 1979 ne s'imputera pas sur la durée de la peine d'emprisonnement prononcée par le Tribunal correctionnel de Paris le 29 juillet 1983 ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.