La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/1986 | FRANCE | N°82-17068

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 juin 1986, 82-17068


Sur le premier moyen :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que William Y..., décédé le 4 mars 1970 en laissant son épouse en troisièmes noces, Mme Gertrude B..., légataire de la quotité disponible de sa succession et ses deux filles issues d'une précédente union, Paméla épouse Goy et Patricia, avait le 24 juin 1960 cédé à la société civile immobilière Alma-Jay, constituée entre son ami Otto X... et sa secrétaire Simone Z..., dix actions d'une société Orsay-Chantilly donnant droit à la jouissance et vocation à l'attribution en propriété d'un appartement

; que, retenant que dans la commune intention tant de William Y... que de son ami...

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que William Y..., décédé le 4 mars 1970 en laissant son épouse en troisièmes noces, Mme Gertrude B..., légataire de la quotité disponible de sa succession et ses deux filles issues d'une précédente union, Paméla épouse Goy et Patricia, avait le 24 juin 1960 cédé à la société civile immobilière Alma-Jay, constituée entre son ami Otto X... et sa secrétaire Simone Z..., dix actions d'une société Orsay-Chantilly donnant droit à la jouissance et vocation à l'attribution en propriété d'un appartement ; que, retenant que dans la commune intention tant de William Y... que de son ami et sa secrétaire, la société civile immobilière Alma-Jay n'était qu'une société de façade qui n'avait acquis les dix actions que de façon purement formelle, les juges du second degré, statuant sur renvoi après cassation, ont estimé que la preuve était rapportée que M. Y... avait consenti, au détriment de ses héritières réservataires, une donation de ses actions dans la société Orsay-Chantilly, déguisée sous l'apparence de la cession desdites actions à la S.C.I. Alma Jay et des cessions ultérieures des parts de cette société aux dames Y... et Masur et faite par interposition en la personne de la S.C.I. Alma Jay et de celle de la dame A... ; qu'ils ont prononcé la nullité des actes de cession et ordonné la réintégration des dix actions dans la succession de William Y... ;

Attendu que les dames Y... et Masur font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, qu'il appartient à celui qui invoque la nullité d'une donation déguisée et par interposition de personne entre époux, de prouver préalablement l'élément matériel et intentionnel de la donation, c'est-à-dire, en particulier, l'appauvrissement sans contrepartie du donateur ; que, sur ce point, il s'évince des motifs de l'arrêt, que le prix de cession des actions n'était en rien dérisoire, et qu'il avait été normalement acquitté par la société civile immobilière au moyen d'un paiement par chèque de 12 238,50 francs et d'un remboursement en compte de 37 761,50 francs ; que la Cour d'appel n'a nullement constaté que ces sommes auraient pu être payées par les deniers du de cujus lui-même, puisqu'elle a relevé qu'un des associés avait déclaré avoir versé un cinquième du prix, et puisqu'elle n'a, en rien, établi que le restant de la somme proviendrait du patrimoine du vendeur, et non de celui de l'autre associé ; que, par ailleurs, les juges du fond n'ont, en rien, établi que le " de cujus " ait pu ultérieurement rembourser le montant des sommes reçues en exécution de la vente originaire ; qu'ainsi, la Cour d'appel, en ne caractérisant pas dans ses motifs l'appauvrissement sans contrepartie du patrimoine du " de cujus ", à l'occasion de la cession d'actions litigieuses, a privé sa décision de base légale ;

Mais attendu qu'il n'est pas contesté que William Y... avait acquis de ses deniers les actions avant son mariage ; qu'après avoir relevé que par lettre du 24 juin 1960 la S.C.I. Alma-Jay écrivait à M. Y... en lui confirmant son accord pour acquérir les actions au prix de 50 000 francs, en le priant de trouver inclus un chèque de 12 238,50 francs, et en annonçant l'envoi du complément de 37 761,50 francs à la société Orsay-Chantilly pour le remboursement de son compte courant, les juges du second degré ont retenu avec l'expert, qui a examiné la comptabilité de la S.C.I., qu'il n'existait nulle trace d'un débit du chèque de 12 238,50 francs et que l'origine de la remise d'une somme de 38 000 francs faite le 4 juillet et débitée le lendemain à concurrence de 37 761,50 francs n'avait pu être déterminée ; qu'ils ont encore relevé qu'il n'était pas allégué que la somme de 50 000 francs ait jamais été remboursée aux deux associés qui, censés en avoir fait au moins l'avance, n'avaient cédé leurs parts que pour leur valeur nominale de 3 000 francs au total ; qu'appréciant souverainement l'ensemble de ces éléments, la Cour d'appel a estimé que les actions appartenant à M. Y... n'avaient fait l'objet d'aucun paiement effectif de la part de la S.C.I. et a ainsi justifié sa décision de ce chef ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Le rejette ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 792 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la simulation n'emporte pas présomption de recel à l'égard du successible gratifié par une libéralité déguisée, lequel ne peut être frappé des peines du recel que lorsqu'est apportée la preuve de son intention frauduleuse, élément constitutif de ce délit civil ;

Attendu que pour priver Mme Y... de sa part successorale dans les actions, l'arrêt s'est borné à énoncer que l'intéressée s'était prévalue des actes constituant la donation déguisée pour tenter de soustraire les actions litigieuses de la succession, qui de ce fait a été liquidée amiablement en 1971 sans qu'elles y soient incluses ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi sans autrement caractériser l'intention frauduleuse de Mme Y..., la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans la limite du moyen, l'arrêt rendu le 4 octobre 1982, entre les parties, par la Cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Rouen


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 82-17068
Date de la décision : 03/06/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SUCCESSION - Recel - Définition - Donation déguisée - Intention frauduleuse - Preuve - Nécessité

La simulation n'emporte pas présomption de recel à l'égard du successible gratifié par une libéralité déguisée, lequel ne peut être frappé des peines du recel que lorsqu'est apportée la preuve de son intention frauduleuse, élément constitutif de ce délit civil.


Références :

Code civil 792

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 04 octobre 1982

DANS LE MEME SENS : Cour de Cassation, chambre civile 1, 1983-02-09, bulletin 1983 I N° 57 p. 49 (Rejet) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 jui. 1986, pourvoi n°82-17068, Bull. civ. 1986 I N° 155 p. 155
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 155 p. 155

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Joubrel
Avocat général : Avocat général :M. Gulphe
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Delaroche
Avocat(s) : Avocats :M. Choucroy et la Société civile professionnelle Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:82.17068
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award