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20/05/1986 | FRANCE | N°84-12806

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 mai 1986, 84-12806


Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 février 1984) que la Société d'Etudes de Participation et de Développement (S.E.P.A.D.) a demandé à la Société de Transports Spéciaux Industriels (S.T.S.I.) d'effectuer le transport d'une cabine de téléphérique par la route de puis Flaine (Haute-Savoie) jusqu'à Grenoble, dans les ateliers de la société Belle-Clot qui devait procéder à divers travaux d'entretien ; qu'en cours de route, la cabine a été endommagée par suite d'un choc contre la voûte d'un pont ;

que la S.E.P.A.D. a assigné la S.T.S.I. et son assureur, la compagnie d'assu...

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 février 1984) que la Société d'Etudes de Participation et de Développement (S.E.P.A.D.) a demandé à la Société de Transports Spéciaux Industriels (S.T.S.I.) d'effectuer le transport d'une cabine de téléphérique par la route de puis Flaine (Haute-Savoie) jusqu'à Grenoble, dans les ateliers de la société Belle-Clot qui devait procéder à divers travaux d'entretien ; qu'en cours de route, la cabine a été endommagée par suite d'un choc contre la voûte d'un pont ; que la S.E.P.A.D. a assigné la S.T.S.I. et son assureur, la compagnie d'assurances Via Assurances Nord et Monde (la compagnie d'assurances) ainsi que la société Belle-Clot, pour obtenir la réparation du préjudice cause par l'accident ;

Attendu que la S.T.S.I. et la compagnie d'assurances font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation des dispositions de l'article 105 du Code de commerce, qu'ils avaient invoqué, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, si la seule arrivée de la marchandise à destination ne constitue pas la réception ou livraison, le fait qu'elle soit déchargée chezqu'elle demeure à son domicile, constitue sans conteste la livraison de la marchandise, sa réception ; que la signature d'un document tel le récépissé n'a d'autre objet que de ménager au transporteur une preuve de la livraison ; qu'en la présente espèce, le fait que la cabine se fût trouvée depuis le 13 mai 1980 dans les Etablissements de la société Belle-Clot n'était l'objet d'aucune contestation, était admis par la société destinataire elle-même, et a été retenu par la Cour d'appel ; que le destinataire chezmarchandise transportée a été apportée ne saurait, lorsque ce fait est établi, être admis à plaider qu'il n'avait pas l'intention d'accepter la marchandise ; que la Cour d'appel, en retenant de la réception une définition inexacte, a violé l'article 105 du Code de commerce ; alors que, d'autre part, en tout état de cause, un bon de livraison ou récépissé a été en l'occurrence signé à l'arrivée de la cabine, lorsque celle-ci a été laissé dans les établissements de la société Belle-Clot, comme les juges du fond l'ont expressément constaté ; qu'il importe peu que ce récépissé n'ait pas été signé par la société destinataire elle-même, mais par un représentant de la société expéditrice appelé sur les lieux par la société destinataire ; que, de la sorte, la Cour d'appel ne pouvait en tous les cas écarter le moyen tiré par la S.T.S.I. et la compagnie d'assurances de l'article 105 du Code de commerce, sans violer cette disposition ; alors que, enfin, si l'affirmation des premiers juges, non reprise par la Cour d'appel, selon laquelle le transporteur n'a pas protesté contre les réserves formulées par le représentant de l'expéditeur et a alerté son assureur, était par impossible tenue pour un motif de la décision attaquée, il conviendrait de retenir que les éléments de fait relevés par le tribunal ne caractérisent en rien l'acceptation des réserves par le transporteur, et que, dès lors, la notion d'acceptation des réserves ne pouvait en toute hypothèse permettre aux juges du fond d'écarter l'irrecevabilité tirée de l'article 105 du Code de commerce, violé une fois encore ;

Mais attendu que la Cour d'appel, après avoir exactement énoncé que la fin de non-recevoir prévue par l'article 105 du Code de commerce suppose qu'il y ait eu réception par le destinataire de l'objet transporté, a constaté que la société Belle-Clot avait refusé de signer une décharge au transporteur et que la cabine, objet lourd et encombrant transporté dans des conditions spéciales, avait été déposée dans la cour de l'établissement de cette société sans qu'elle en ait pris possession ; que de ces constatations, la Cour d'appel a pu déduire que la réception au sens de l'article 105 du Code de commerce ne s'était pas opérée et que le transporteur n'était donc pas fondé à se prévaloir de la fin de non-recevoir instituée par ce texte ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à la Cour d'appel d'avoir écarté la limitation de responsabilité invoquée par la S.T.S.I. et sa compagnie d'assurances alors, selon le pourvoi, que les constatations de l'arrêt ne caractérisent pas la faute lourde retenue par les juges du fond, qui ont violé les articles 1147 et suivants du Code civil ;

Mais attendu que la Cour d'appel a relevé que le conducteur du camion de la S.T.S.I., effectuant un transport exceptionnel, n'avait pas vérifié que son chargement, très élevé, pouvait passer sous la voûte d'un pont d'une autoroute en construction alors que le chantier surplombait la route et qu'il était facilement prévisible que la hauteur libre au-dessus de la chaussée pouvait varier ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu retenir l'existence d'une faute lourde à la charge du transporteur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est encore reproché à la Cour d'appel d'avoir condamné la S.T.S.I. et la compagnie d'assurances à payer à la S.E.P.A.D. la valeur de remplacement de la cabine endommagée et la valeur de remplacement d'une seconde cabine installée sur le téléphérique dont provenait la cabine transportée, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, le remplacement ne pouvait être considéré comme directement lié à l'accident ; qu'en en imposant la charge au transporteur et à son assureur, les juges du fond ont violé les articles 1147 et suivants du Code civil ; alors que, d'autre part, pour la mise en oeuvre de l'article 1151 du Code civil, violé par la Cour d'appel, la faute lourde n'est pas assimilable au dol ; alors qu'enfin, les constatations de l'arrêt ne caractérisent pas la faute lourde retenue à la charge du transporteur, la Cour d'appel ayant encore violé les articles 1147 et suivants du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant énoncé que, par suite des exigences de la direction du service de l'équipement, fondées sur un besoin de sécurité évident, la détérioration de la cabine transportée avait contraint la S.E.P.A.D. à remplacer la deuxième cabine, la Cour d'appel a pu retenir l'existence d'un lien direct de causalité entre l'accident et le préjudice invoqué par cette société ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant caractérisé la faute lourde du conducteur du camion, la Cour d'appel a estimé à bon droit que la S.T.S.I. ne pouvait se prévaloir de l'imprévisibilité prétendue du dommage pour limiter le montant de la réparation ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 84-12806
Date de la décision : 20/05/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Responsabilité - Perte ou avarie - Article 105 du Code de commerce - Conditions d'application - Réception de la marchandise par le destinataire - Marchandise déposée dans la cour du destinataire sans prise de possession

* TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Responsabilité - Perte ou avarie - Article 105 du Code de commerce - Conditions d'application - Réception de la marchandise par le destinataire - Non-réalisation - Effets

Après avoir exactement énoncé que la fin de non-recevoir prévue par l'article 105 du Code de commerce suppose qu'il y ait eu réception de l'objet transporté par le destinataire, et constaté que ce dernier avait refusé de signer une décharge au transporteur, et qu'une cabine de téléphérique, objet lourd et encombrant transporté dans des conditions spéciales, avait été déposée dans la cour du destinataire sans qu'il en ait pris possession, une Cour d'appel peut en déduire que la réception, au sens de l'article 105 du code de commerce, ne s'était pas opérée et que le transporteur n'était donc pas fondé à se prévaloir de la fin de non-recevoir instituée par ce texte.


Références :

Code de commerce 105

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 14 février 1984

A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre commerciale, 1980-07-08, bulletin 1980 IV N° 289 p. 236 (Rejet) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 mai. 1986, pourvoi n°84-12806, Bull. civ. 1986 IV N° 97 p. 83
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 IV N° 97 p. 83

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Baudoin
Avocat général : Avocat général :M. Cochard
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Gigault de Crisenoy
Avocat(s) : Avocats :M. Le Prado et la Société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.12806
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