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06/05/1986 | FRANCE | N°85-93279

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 mai 1986, 85-93279


REJET du pourvoi formé par :
- X... Anne-Marie épouse Y...,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e Chambre, en date du 17 mai 1985, qui l'a condamnée à 5 000 F d'amende et à des réparations civiles pour atteinte à la libre désignation des délégués du personnel ou à l'exercice régulier de leurs fonctions.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 420-22 et L. 420-23 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque

de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Anne-Marie Y.....

REJET du pourvoi formé par :
- X... Anne-Marie épouse Y...,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e Chambre, en date du 17 mai 1985, qui l'a condamnée à 5 000 F d'amende et à des réparations civiles pour atteinte à la libre désignation des délégués du personnel ou à l'exercice régulier de leurs fonctions.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 420-22 et L. 420-23 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Anne-Marie Y... coupable d'entrave à la libre désignation des délégués du personnel ou à l'exercice de leurs fonctions et l'a condamnée à une amende de 5 000 F ;
" aux motifs que la circonstance que les maîtres auxiliaires sont rémunérés par l'Etat crée une situation juridique spécifique qui ne peut se définir par rapport aux critères classiques du contrat de travail, qu'il s'agit d'une relation de travail triangulaire dans laquelle l'employeur peut s'identifier à la fois dans la personne de laquelle le salarié reçoit sa rémunération et dans celle sous la subordination de laquelle il se trouve, qui le recrute et qui le licencie, ou dans le cas d'un contrat à durée déterminée, en refuse le renouvellement, ce qui est le cas en l'espèce ;
" alors que les maîtres auxiliaires constituent une catégorie particulière d'agents publics liés à l'Etat par un statut relevant du droit administratif, que ceux-ci sont désignés par le recteur et nommés pour une période qui ne peut excéder une année scolaire, qu'il incombe à l'autorité administrative de ne pas renouveller éventuellement ladite délégation sur l'avis du chef d'établissement, que dès lors, il ne saurait être fait application, en cas de non-renouvellement de cette délégation, des règles régissant les rapports de travail de pur droit privé, qu'ainsi la Cour d'appel a fait une fausse application des dispositions relatives à la protection des délégués du personnel telles que fixées par les articles L. 420-22 et L. 420-23 du Code du travail ; "
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que dame Y... qui dirige, à Maisons-Laffitte, un établissement d'enseignement privé, lié à l'Etat par un contrat d'association, a engagé à la rentrée scolaire de l'année 1977 un maître-auxiliaire, dame Z..., chargée d'assurer, à temps partiel, un enseignement d'anglais ; que cet engagement ayant été autorisé par le recteur de l'académie de Versailles, la rémunération de l'enseignante a été prise en charge par l'Etat ; que le contrat a été renouvelé les deux années suivantes ; que cependant, le 28 mars 1980, le chef d'établissement a informé par lettre dame Z... de sa crainte d'être obligé de réduire ou même de supprimer à la rentrée suivante les heures de cours qui lui étaient imparties, la disparition de deux classes devant être envisagée ; que dame Y... a, en même temps, avisé le recteur de cette éventualité ; qu'effectivement, le 9 juillet 1980, elle a notifié à l'enseignante qu'il ne lui serait plus confié de cours à la rentrée des classes ;
Attendu que le syndicat SEP-CFDT ayant notifié, le 9 mai 1980, à la directrice de l'établissement la liste des candidats qu'il présentait au premier tour des élections des délégués du personnel, liste sur laquelle figurait le nom de dame Z..., et le non-renouvellement du contrat du travail de la candidate ayant été porté à la connaissance de cette dernière sans qu'eût été demandée l'autorisation de l'inspecteur du travail, condition prescrite pour le licenciement d'un candidat à des fonctions de représentation du personnel, pendant une période alors fixée à trois mois, des poursuites ont été engagées contre dame Y... pour atteinte à la libre désignation des délégués du personnel ou à l'exercice régulier de leurs fonctions ;
Attendu que dame Y... a soutenu, pour sa défense, que dame Z..., enseignante de l'université, titulaire d'un contrat de maître-auxiliaire, rétribuée par l'Etat et mise à la disposition d'un établissement privé avait l'Etat pour seul employeur, elle-même n'ayant autorité qu'en ce qui concerne le temps de travail ; que, de par ce statut, le non-renouvellement de l'affectation de l'intéressée ne pouvait être assimilé à un licenciement soumis aux règles fixées par le Code du travail ;
Attendu que, pour écarter cet argument, la Cour d'appel relève que l'enseignante n'était, en l'espèce, liée à l'Etat par aucun contrat ; qu'elle était seulement titulaire d'une autorisation d'enseigner délivrée par le rectorat pour moins d'un demi-service hebdomadaire, ce en application de l'article 10 du décret du 28 juillet 1960, modifié par le décret du 8 mars 1978 ; que les maîtres placés dans sa situation sont recrutés par le chef d'établissement, le recteur n'étant informé de leur recrutement, de leur ré-emploi ou de l'expiration de leur contrat que par l'état prévisionnel qu'il reçoit de l'établissement ; qu'ils appartiennent au personnel dudit établissement en ce sens qu'ils sont subordonnés à son chef, lequel en assume la responsabilité morale et pédagogique, impose le respect des règlements, organise, dirige et contrôle les activités de l'ensemble du corps enseignant ; que l'existence d'un lien de droit entre les maîtres et l'Etat qui les rémunère n'est pas de nature à affecter la qualité d'employeur du chef d'établissement ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'erreur de droit, la Cour d'appel a donné une base légale à sa décision ; que, contrairement à ce qui est allégué au moyen, lequel reprend l'argumentation précédemment soutenue par la demanderesse au pourvoi, il résulte des textes susvisés que les maîtres des établissements privés d'enseignement ayant conclu avec l'Etat un contrat d'association se trouvent, bien qu'ils soient rémunérés par l'Etat, placés sous l'autorité du chef de l'établissement qui organise et contrôle leurs activités, et possède, vis-à-vis d'eux, la qualité et les prérogatives d'un employeur dont il doit assumer les obligations, telles qu'elles sont définies par le Code du travail ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 420-22 et L. 420-23, L. 462-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la demanderesse coupable d'entrave à la libre désignation des délégués du personnel ou à l'exercice régulier de leurs fonctions ;
" aux motifs que les lettres adressées à dame Z... le 28 mars 1980 ne font état que de la crainte de compressions qui se traduiraient par une diminution d'horaire ou de quelques heures qui seraient sans doute supprimées, sans qu'il s'agisse d'autre chose que de projets ; qu'elles ne constituent en aucune façon l'acte premier d'une procédure de licenciement régulièrement engagée ; que ce n'est que le 8 juillet 1980 que la demanderesse a décidé de signifier à dame Z... qu'elle ne la réemploirait pas à la prochaine rentrée scolaire, que dame Z... ayant été présentée au premier tour par une organisation syndicale comme candidate aux fonctions de déléguée du personnel suppléante et sa candidature ayant été notifiée le 9 mai 1980 à la prévenue, il appartenait à celle-ci, si elle envisageait de ne pas renouveler le contrat de travail, de soumettre la question à l'inspecteur du travail ; que l'infraction est établie ; que l'élément moral de l'infraction se déduit du caractère conscient et volontaire du comportement de la prévenue ;
" alors que d'une part, la désignation, même non frauduleuse, d'un délégué du personnel intervenue après que la procédure de licenciement a été régulièrement engagée n'est pas de nature à empêcher la rupture du contrat de travail et ne saurait avoir effet que jusqu'au terme du contrat auquel met fin le licenciement ; qu'en l'espèce, les lettres adressées à dame Z..., l'informant de la suppression de ses heures de cours constituaient une mesure de licenciement antérieure à sa candidature, mesure qui a été poursuivie ultérieurement, d'où il suit que la Cour qui n'a pas relevé d'autres faits que la poursuite licite de cette procédure a violé la loi ;
" alors d'autre part, que l'élément intentionnel du délit d'entrave à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel n'est pas caractérisé à la charge d'un employeur qui a engagé une procédure de licenciement antérieurement à l'acte de candidature aux fonctions de délégué du personnel " ;
Attendu que pour déclarer établie à la charge de dame Y..., la prévention d'atteinte à la libre désignation des délégués du personnel, la Cour d'appel énonce que la lettre adressée, le 28 mars 1980, par le chef d'établissement au maître-auxiliaire ne constituait pas la première phase d'une procédure de licenciement, mais exprimait seulement sa crainte de devoir opérer une réorganisation qui se traduirait par une diminution des horaires et l'éventuelle suppression des heures d'enseignement supplémentaires ; qu'il ne s'agissait que d'un projet ; que le texte même de la lettre du 9 juillet 1980 démontre que c'est à l'issue d'une réunion de travail tenue la veille que la décision a été prise de notifier à dame Z... le non-renouvellement de son emploi à compter de la prochaine rentrée scolaire ;
Attendu que les juges constatent que, la candidature de l'enseignante aux fonctions de déléguée du personnel lui ayant été présentée par une organisation syndicale le 9 mai 1980, la prévenue avait l'obligation, à compter de cette date, et pendant une période alors fixée à trois mois, de demander à l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder au licenciement projeté, ce qu'elle s'est abstenue de faire en violation des dispositions protectrices du Code du travail ; que l'élément moral de l'infraction se déduit du caractère conscient et volontaire du comportement de la prévenue ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui mettent en évidence l'antériorité de la notification de la candidature par rapport à la rupture du contrat, la Cour d'appel a justifié sa décision par une appréciation souveraine des éléments de la cause, sans encourir les griefs énoncés au moyen, lequel se borne à remettre en cause les éléments de fait sur lesquels les juges ont fondé leur conviction ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-93279
Date de la décision : 06/05/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Délégués du personnel - Atteinte à leur libre désignation - Licenciement - Domaine d'application - Etablissement d'enseignement privé sous contrat simple ou d'association avec l'Etat

Les dispositions du Code du travail assurant, en cas de licenciement ou de non-renouvellement d'un contrat de travail à durée déterminée, la protection des salariés dont la candidature aux fonctions de délégués du personnel, titulaires ou suppléants, a été notifiée à l'employeur, s'appliquent au personnel enseignant exerçant dans les établissements d'enseignement privé ayant conclu avec l'Etat un contrat simple ou d'association. Bien qu'ils soient rémunérés par l'Etat, ces enseignants se trouvent placés sous l'autorité du chef d'établissement qui organise, dirige et contrôle leurs activités et qui possède, vis-à-vis d'eux, la qualité et les prérogatives d'un employeur dont il doit assumer les obligations, telles qu'elles sont définies par la loi (1).


Références :

Code du travail L420-22, L420-23, L462-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 mai 1985

(1) A RAPPROCHER : Conseil d'Etat, 1970-12-04, Recueil Lebon p. 735. Cour de Cassation, chambre criminelle, 1980-05-05, bulletin criminel 1980 N° 133 p. 321 (Cassation partielle). Cour de Cassation, chambre sociale, 1974-07-24, bulletin 1974 V N° 444 p. 417 (Cassation). Cour de Cassation, chambre sociale, 1979-11-29, bulletin 1979 V N° 927 p. 679 (Cassation). Cour de Cassation, chambre sociale, 1983-07-05, bulletin 1983 V N° 392 p. 279 (Cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 mai. 1986, pourvoi n°85-93279, Bull. crim. criminel 1986 N° 155 p. 405
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 155 p. 405

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller le plus ancien faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. de Sablet
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Sainte-Rose
Avocat(s) : Avocat : M. Choucroy et la Société civile professionnelle Nicolas, Massé-Dessen et Georges

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.93279
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