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22/04/1986 | FRANCE | N°85-93671

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 avril 1986, 85-93671


REJET du pourvoi formé par :
- X... Marc,
contre un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 23 avril 1985, qui, pour infractions aux dispositions du Code du travail relatives aux licenciements, l'a condamné à 15 jours d'emprisonnement avec sursis, 15 000 F d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 du Code de procédure pénale et de la règle non bis in idem,
" en ce que l'arrêt attaqué a pour les mêmes fai

ts-licenciement d'une salariée sans autorisation préalable de l'inspection du t...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Marc,
contre un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 23 avril 1985, qui, pour infractions aux dispositions du Code du travail relatives aux licenciements, l'a condamné à 15 jours d'emprisonnement avec sursis, 15 000 F d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 du Code de procédure pénale et de la règle non bis in idem,
" en ce que l'arrêt attaqué a pour les mêmes faits-licenciement d'une salariée sans autorisation préalable de l'inspection du travail-déclaré le demandeur coupable de deux délits distincts de licenciement d'un salarié d'une entreprise de travail temporaire sans autorisation préalable de l'inspection du travail sur le fondement des articles L. 321-1 2° et R. 321-3 du Code du travail et de l'arrêté du 15 décembre 1977 et de licenciement d'un conseiller prud'homme sans autorisation préalable sur le fondement des articles L. 514-2 et L. 531-1 du Code du travail et en conséquence de cette double déclaration de culpabilité intervenue en violation de la règle non bis in idem l'a condamné à la peine de 15 jours d'emprisonnement avec sursis et 15 000 francs d'amende " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X..., gérant d'une entreprise de travail temporaire dont le siège est à Paris, a licencié pour faute grave le 28 mars 1983, la dame Y..., directrice de l'agence que possède l'entreprise à Toulon ;
Attendu que, sur procès-verbal de l'inspecteur du travail, des poursuites ont été engagées contre X... pour avoir procédé à ce licenciement sans autorisation de l'administration, alors qu'il avait, moins d'un an auparavant, licencié une autre salariée de l'agence pour motif économique et que la dame Y... avait été élue conseiller prud'homme en décembre 1982 ; que, reconnu coupable de ces deux infractions X... a été condamné à 15 jours d'emprisonnement avec sursis et 15 000 F d'amende ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué au moyen, la Cour d'appel n'a commis aucune violation de la loi ; qu'en effet, si elles procédaient d'une seule et même action, les deux infractions correctionnelles retenues ne comportaient pas les mêmes éléments constitutifs ; qu'en prononçant une seule peine, les juges se sont conformés aux dispositions de l'article 5 du Code pénal ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles L. 514-2 et L. 412-18 du Code du travail et des principes généraux du droit, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de licenciement sans autorisation préalable d'un conseiller prud'homme,
" au motif que le prévenu indique que dame Y... ayant été élue conseiller prud'homme au titre du collège " employeur " n'aurait de ce fait pas droit à la protection spéciale instaurée par le Code du travail en faveur des prud'hommes salariés ; que cependant, la loi ne fait aucune distinction entre conseillers des collèges, employeurs et salariés pour régler les conditions de licenciement des conseillers prud'hommes, qu'elle s'applique donc à tous les salariés, sans qu'il y ait lieu de rechercher les conditions de leur nomination à la juridiction prud'homale ;
" alors d'une part que l'existence d'un contrat de travail exclut en principe qu'un salarié ait la qualité d'employeur, qu'il faut en déduire que si la lettre de la loi ne distingue pas formellement entre conseillers prud'hommes salariés et employeurs, les obligations que l'article L. 514-2 du Code du travail met à la charge de l'employeur ne peuvent trouver leur cause, conformément aux principes généraux du droit du travail, que dans les fonctions du salarié en rapport avec son lien de préposition, en sorte que les salariés appartenant au collège employeurs du Conseil des prud'hommes en raison d'une activité qui n'a rien à voir avec ce lien ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article L. 514-2 précité ;
" alors d'autre part que les motifs de l'arrêt attaqué laissent incertain le point de savoir si X... connaissait à la date du licenciement de Mme Y... sa qualité de conseiller prud'homme employeur et qu'en conséquence, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que X... avait soutenu, devant les juges du fond, que la dame Y..., élue dans le collège " employeurs " au Conseil de prud'hommes, en sa qualité de directrice de l'agence, ne pouvait, de ce fait, être considérée comme une salariée et que, dès lors, la procédure d'autorisation prévue par l'article L. 412-18 du Code du travail ne lui était pas applicable ;
Attendu que, pour écarter cet argument, repris au moyen, la Cour d'appel énonce que le texte précité ne fait aucune distinction entre les conseillers des collèges " employeurs " et " salariés " pour régler les conditions de leur licenciement et qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de rechercher les conditions de leur élection à la juridiction prud'homale ; qu'elle constate expressément que la mesure dont a fait l'objet la dame Y... constitue un licenciement, ce qu'au surplus le demandeur au pourvoi ne contestait pas ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la Cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet, seul un salarié peut être l'objet d'une mesure de licenciement ; qu'au surplus, lorsqu'il occupe des fonctions de direction dans une entreprise, un salarié se trouve investi des prérogatives de l'employeur vis-à-vis des personnes placées sous son autorité ;
Attendu, enfin, que les premiers juges, dont la Cour d'appel a adopté les motifs, relèvent que, selon une attestation régulièrement versée aux débats, X... était informé de la candidature et de l'élection de la dame Y... au Conseil des prud'hommes ; qu'il ne saurait, dès lors, tirer argument d'un défaut de réponse aux conclusions par lesquelles il alléguait avoir été tenu dans l'ignorance de cette situation ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 121-1, L. 321-1-2°, L. 514-2 du Code du travail, des articles 1984 et suivants du Code civil, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'avoir procédé au licenciement de Madame Y... sans autorisation de l'Inspection du travail ;
" alors que les dispositions des articles L. 321-1 et L. 514-2 du Code du travail visés par la poursuite sont applicables aux seuls salariés ; que dans ses conclusions demeurées sans réponse et constituant pourtant un moyen péremptoire de défense, X... faisait valoir qu'il résultait des décisions de justice déjà rendues prononçant sa relaxe eu égard à des infractions relevées contre l'agence de Toulon, de la procuration générale de l'inscription au registre du commerce de Mme Y..., de son élection au Conseil des prud'hommes dans le collège patronal et de la complète autonomie dont elle jouissait, qu'elle ne pouvait être considérée comme une salariée, mais bien comme mandataire de l'employeur révocable ad nutum et qu'en ne répondant pas à ces conclusions, l'arrêt déféré appelle la censure " ;
Attendu que les juges du fond relèvent expressément que " par lettre du 28 mars 1983, X..., gérant de la S. A. R. L. S. L. P, entreprise de travail temporaire, a procédé au licenciement de Y... Marguerite, employée comme salariée responsable de l'agence locale de Toulon de cette société " ;
Que contrairement à ce qui est soutenu au moyen, ils n'étaient nullement tenus de discuter du détail de l'argumentation par laquelle le prévenu faisait état de l'inscription de la directrice au registre de commerce, de l'étendue de la procuration qui lui avait été consentie et de l'autonomie dont elle jouissait, de tels éléments n'étant pas de nature à faire disparaître sa qualité de salariée ; qu'ayant constaté les irrégularités commises à l'occasion de son licenciement, ils ont donné une base légale à leur décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-93671
Date de la décision : 22/04/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CUMUL IDEAL D'INFRACTIONS - Fait unique - Pluralité de qualifications - Licenciement d'un salarié sans autorisation administrative et licenciement du même salarié conseiller prud'homme.

1° et 2° Constituent des infractions distinctes, d'une part le licenciement d'un salarié sans autorisation de l'administration, effectué moins d'un an après celui d'un autre salarié pour motif économique, et, d'autre part, le licenciement du même salarié, conseiller prud'homme, illégalement opéré. Si ces deux infractions procèdent d'une seule et même action, leurs éléments constitutifs sont, toutefois, distincts. Ne commet aucune violation de la règle "non bis in idem" la Cour d'appel qui les déclare, l'une et l'autre, établies, mais ne prononce qu'une seule peine en application de l'article 5 du Code pénal (1).

2° CHOSE JUGEE - Non bis in idem - Identité de faits - Délit de licenciement d'un salarié sans autorisation administrative et délit de licenciement du même salarié conseiller prud'homme.

3° TRAVAIL - Licenciement - Conseillers prud'hommes - Autorisation administrative - Nécessité.

3° Aux termes de l'article L. 514-2 du Code du travail, modifié par la loi n° 82-372 du 6 mai 1982, le licenciement d'un salarié exerçant les fonctions de conseillers prud'hommes est, en application de l'article L. 412-18 du même Code, soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail. La loi n'instaure, à cet égard, aucune différence entre les salariés élus conseillers prud'hommes dans le collège " employeurs ", en raison des fonctions de direction qu'ils exercent dans l'entreprise, et ceux qui sont élus dans le collège " salariés ".


Références :

(1) (2)
(3)
Code du travail L514-2, L412-18
Code pénal 5
Loi 82-372 du 06 mai 1982

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 avril 1985

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1978-06-21, bulletin criminel 1978 N° 207 p. 540 (Rejet et cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 avr. 1986, pourvoi n°85-93671, Bull. crim. criminel 1986 N° 133 p. 337
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 133 p. 337

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Berthiau, conseiller le plus ancien faisant fonctions.
Avocat général : Avocat général : M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Sainte-Rose -
Avocat(s) : Avocats : la Société civile professionnelle Lesourd et Baudin et la Société civile professionnelle Martin-Martinière et Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.93671
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