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22/04/1986 | FRANCE | N°84-17505

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 avril 1986, 84-17505


Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que par application de l'article 89 de la loi du 29 juillet 1982 et de l'article 1er du décret du 4 janvier 1983, l'arrêt confirmatif attaqué, rendu en matière de référé à la requête de la Fédération nationale des cinémas français, a fait défense à la société Thorn Emi Vidéo France -et ce, jusqu'à l'expiration du délai d'un an, visé par ledit décret, ayant commencé à courir lors de la délivrance du visa d'exploitation en salles- de procéder à la diffusion du film Chao Pantin sous la forme de supports

" vidéo-cassettes " et " vidéo-disques " destinés à la vente ou à la location po...

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que par application de l'article 89 de la loi du 29 juillet 1982 et de l'article 1er du décret du 4 janvier 1983, l'arrêt confirmatif attaqué, rendu en matière de référé à la requête de la Fédération nationale des cinémas français, a fait défense à la société Thorn Emi Vidéo France -et ce, jusqu'à l'expiration du délai d'un an, visé par ledit décret, ayant commencé à courir lors de la délivrance du visa d'exploitation en salles- de procéder à la diffusion du film Chao Pantin sous la forme de supports " vidéo-cassettes " et " vidéo-disques " destinés à la vente ou à la location pour " l'usage privé du public " ;

Attendu que la société Thorn Emi Vidéo France, demanderesse au pourvoi, soutient d'abord que, la réglementation ainsi appliquée faisant alors l'objet d'une question préjudicielle pendante devant la Cour de justice des Communautés européennes en vertu de l'article 177 du Traité de Rome, sa force obligatoire n'était pas certaine, de sorte que le trouble dont se plaignait la Fédération n'était pas manifestement illicite, ensuite que le juge national n'avait pas compétence pour rechercher si la réglementation dont il s'agit était compatible avec les dispositions des articles 30, 34 et 59 du Traité, l'arrêt attaqué ayant dès lors doublement violé l'article 809 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est prétendu en troisième lieu, à titre subsidiaire, qu'à la supposer compétente pour apprécier cette compatibilité, la Cour d'appel ne pouvait pas l'établir en se contentant de qualifier la législation française de " moyen le moins entravant pour les échanges " et de relever son but d'intérêt général, qu'elle avait l'obligation de caractériser les exigences impératives de nature à justifier une entrave aux libertés de circulation des marchandises et des services et que, ayant omis de se conformer à une telle obligation, elle a violé les articles précités du Traité ainsi que l'article 809 du nouveau Code de procédure civile ; qu'enfin le moyen affirme que le monopole d'exploitation institué en faveur des salles de cinéma par la loi du 22 juillet 1982 est contraire aux articles 5, alinéa 2, 3 lettre f, 85 et 94 du Traité de Rome, de sorte que pour cette raison également le trouble allégué n'était pas manifestement illicite et que l'arrêt attaqué a violé ces textes en même temps que, pour la quatrième fois, l'article 809 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir elle-même énoncé que, au cas où la force obligatoire de la réglementation française serait incertaine en raison de son incompatibilité possible avec les règles du droit européen, la Fédération nationale des cinémas français ne pourrait pas se plaindre d'un trouble manifestement illicite, la Cour d'appel ajoute " qu'il est toutefois nécessaire, pour que cette exception d'inconstitutionnalité interdise en l'état aux juridictions françaises de faire application de textes purement internes, que la question préjudicielle ainsi soulevée présente un caractère suffisamment sérieux " ; que, constatant ensuite que cette réglementation, parce qu'elle s'applique indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés, peut ne pas tomber sous le coup des articles 30 et suivants du Traité de Rome si elle tend à la protection d'un intérêt légitime et si elle demeure proportionnée à

l'objectif visé, l'arrêt attaqué relève qu'elle met en place dans un but d'intérêt général un système d'harmonisation de la concurrence et comporte seulement une interdiction temporaire du commerce des vidéo-cassettes avec possibilité de dérogations ; qu'il en conclut " que la contestation (...) n'apparaît pas suffisamment sérieuse (...), de sorte que le comportement de la société Thorn Emi doit être tenu pour manifestement illicite " ;

Attendu qu'en statuant ainsi la Cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard des exigences du nouveau Code de procédure civile, sans se substituer à la Cour de justice des Communautés européennes pour décider de la compatibilité ou de l'incompatibilité effectives des textes français avec les dispositions des articles 30, 34 et 39 du Traité de Rome ; que le moyen, en ses trois premières branches, doit donc être écarté ;

Et attendu qu'il résulte des décisions de la Cour de justice des Communautés européennes que, en l'état actuel du droit communautaire, les obligations des Etats membres découlant de l'article 5 en combinaison avec les articles 3 lettre f, 85 et 94 du Traité ne prohibent pas l'intervention de mesures étatiques qui, apportant certaines restrictions aux règles de la libre concurrence, le font en vue de protéger certaines catégories socio-professionnelles et au nom de l'intérêt général ; que la quatrième branche du moyen ne saurait donc être accueillie ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-17505
Date de la décision : 22/04/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CINEMA - Film - Exploitation - Diffusion sous forme de vidéo-cassettes - Interdiction temporaire - Compatibilité de la réglementation française avec le traité de Rome - Référés - Contestation sérieuse (non).

1° REFERE - Contestation sérieuse - Cinéma - Diffusion de films sous forme de vidéo-cassettes - Interdiction temporaire - Compatibilité de la réglementation française avec le Traité de Rome - Mise en place d'un système d'harmonisation de la concurrence 1° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Cour de justice des Communautés - Compétence - Actes pris par la Communauté - Interprétation - Question préjudicielle - Obstacle à l'application de textes purement internes par les juridictions françaises - Condition - Caractère suffisamment sérieux.

1° Pour que l'exception d'inconstitutionnalité, résultant de l'incompatibilité possible de la réglementation française avec les règles du droit européen, interdise aux juridictions françaises de faire application de textes purement internes, il est nécessaire que la question préjudicielle ainsi soulevée présente un caractère suffisamment sérieux ; et, la Cour d'appel, qui constate que la réglementation française relative à la diffusion de films sous la forme de supports " vidéo-cassettes " et " vidéo disques ", parce qu'elle s'applique indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés, peut ne pas tomber sous le coup des articles 30 et suivants du Traité de Rome, si elle tend à la protection d'un intérêt légitime et si elle demeure proportionnée à l'objectif visé, et qui relève que cette réglementation met en place dans un but d'intérêt général un système d'harmonisation de la concurrence avec seulement une interdiction temporaire de commerce, a pu estimer que la contestation n'apparaissait pas suffisamment sérieuse.

2° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Libre concurrence - Obligations des Etats membres découlant du traité - Restrictions étatiques aux règles de libre concurrence - Validité - Conditions.

2° Il résulte des décisions de la Cour de justice des Communautés européennes que, en l'état actuel du droit communautaire, les obligations des Etats membres, découlant de l'article 5 en combinaison avec les articles 3 lettre f, 85 et 94 du traité, ne prohibent pas l'intervention de mesures étatiques, qui, apportant certaines restrictions aux règles de la libre concurrence, le font en vue de protéger certaines catégories socio-professionnelles et au nom de l'intérêt général.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 novembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 avr. 1986, pourvoi n°84-17505, Bull. civ. 1986 I N° 96 p. 96
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 96 p. 96

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Joubrel
Avocat général : Avocat général :M. Gulphe
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Raoul Béteille
Avocat(s) : Avocats :la Société civile professionnelle Nicolas, Massé-Dessen et Georges et la Société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.17505
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