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15/04/1986 | FRANCE | N°84-13422

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 avril 1986, 84-13422


Attendu que Mme X..., de nationalité française, a assigné en divorce son mari, M.Picasso de Oyague, de nationalité péruvienne, fonctionnaire, à Paris, de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) ; que le tribunal de grande instance, au vu de documents d'où il résultait que M.Picasso de Oyague, assimilé à un membre de mission diplomatique, possède à ce titre une carte d'identité délivrée par le service du protocole du ministère des affaires étrangères, a dit qu'il bénéficiait de l'immunité de juridiction et a déclaré irrecevabl

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Attendu que Mme X..., de nationalité française, a assigné en divorce son mari, M.Picasso de Oyague, de nationalité péruvienne, fonctionnaire, à Paris, de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) ; que le tribunal de grande instance, au vu de documents d'où il résultait que M.Picasso de Oyague, assimilé à un membre de mission diplomatique, possède à ce titre une carte d'identité délivrée par le service du protocole du ministère des affaires étrangères, a dit qu'il bénéficiait de l'immunité de juridiction et a déclaré irrecevable la demande en divorce formée par Mme X... ; que l'arrêt infirmatif attaqué a, au contraire, refusé à M.Picasso de Oyague le bénéfice de l'immunité de juridiction et renvoyé la cause et les parties devant le tribunal pour qu'il soit fait droit au fond ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que la recevabilité du pourvoi immédiat est contestée par la défense, sur le fondement de l'article 608 du nouveau Code de procédure civile, au motif que l'arrêt, qui n'a pas mis fin à l'instance, n'a tranché dans son dispositif aucune partie du principal ;

Mais attendu que, malgré les termes de l'article 608 précité, le pourvoi est immédiatement recevable en cas d'excès de pouvoir ; que le juge qui statue en violation d'une immunité de juridiction excède ses pouvoirs ; qu'il s'ensuit que le pourvoi fondé sur cette violation est immédiatement recevable ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 123 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la Cour d'appel a déclaré M.Picasso de Oyague irrecevable " à contester la compétence du tribunal de grande instance de Paris " en application de l'article 1074 du nouveau Code de procédure civile, qui attribue au seul juge aux affaires matrimoniales le pouvoir de statuer sur les exceptions d'incompétence en matière de divorce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le moyen tiré de l'immunité de juridiction, dont faisait état M.Picasso de Oyague, constituait une fin de non recevoir, invocable en tout état de cause, et non une exception d'incompétence, la Cour d'appel a violé le texte susvisé et faussement appliqué l'article 1074 du nouveau Code de procédure civile ;

Et sur la deuxième branche du moyen :

Vu l'article 19 de l'accord du 2 juillet 1954 entre la France et l'UNESCO, publié en vertu du décret n° 56-42 du 11 janvier 1956, ensemble les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, publiée en vertu du décret n° 71-284 du 29 mars 1971 ;

Attendu que le premier de ces textes confère aux directeurs de départements, chefs de services et bureaux de l'UNESCO, ainsi qu'aux fonctionnaires définis à l'annexe B de l'accord, pendant leur résidence en France, les privilèges, immunités, facilités et mesures de courtoisie accordés aux membres des missions diplomatiques étrangères en France ; que ces privilèges et immunités sont actuellement définis par la Convention de Vienne susvisée ;

Attendu que la Cour d'appel a refusé à M.Picasso de Oyague le bénéfice de l'immunité au motif que les fonctionnaires de l'UNESCO n'en bénéficient que pour les actes accomplis par eux en leur qualité officielle, ce qui n'était pas le cas des actes invoqués par Mme X... à l'appui de sa demande en divorce ;

Attendu, cependant, que, s'il est vrai que l'article 22, a, de l'accord précité dispose, pour tous les fonctionnaires de l'UNESCO, qu'ils jouiront de l'immunité à l'égard de toute action judiciaire pour les actes accomplis par eux en leur qualité officielle, l'article 19 confère à certains hauts fonctionnaires de cette organisation et à leurs familles, sans aucune condition, les privilèges et immunités diplomatiques, qui peuvent être levés dans les conditions prévues à l'article 21 ;

Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le jugement frappé d'appel, dont elle n'a pas contesté les énonciations sur ce point, avait constaté que M.Picasso de Oyague était assimilé à un membre de mission diplomatique, et sans rechercher si son immunité avait été levée par une décision du Directeur général de l'UNESCO, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le second moyen :

Vu l'article 688 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, l'acte destiné à être notifié à un Etat étranger, à un agent diplomatique étranger en France ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction est notifié au Parquet et transmis par l'intermédiaire du ministre de la justice ;

Attendu que la Cour d'appel a encore refusé de prononcer la nullité de l'assignation sur le fondement de ce texte, au motif que M.Picasso de Oyague ne bénéficie pas, en tant que fonctionnaire de l'UNESCO, à raison de l'action introduite contre lui, de l'immunité de juridiction ;

Attendu qu'en statuant par ce motif erroné, elle a encore violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen ;

CASSE et ANNULE l'arrêt rendu le 9 mai 1984, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles,


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-13422
Date de la décision : 15/04/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CASSATION - Décisions susceptibles - Décisions insusceptibles de pourvoi immédiat - Décision statuant sur un incident de procédure - Décision ne mettant pas fin à l'instance - Décision entachée d'excès de pouvoir.

1° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale des juridictions françaises - Immunité des agents diplomatiques et des Etats étrangers - Immunité de juridiction - Décision en refusant le bénéfice et renvoyant l'affaire pour être statué au fond - Cassation - Pourvoi - Recevabilité.

1° . Le pourvoi est immédiatement recevable en cas d'excès de pouvoir et le juge qui statue en violation d'une immunité de juridiction excède ses pouvoirs. Dès lors, malgré les termes de l'article 608 du nouveau Code de procédure civile, doit être déclaré immédiatement recevable le pourvoi formé contre un arrêt, qui s'était borné à refuser le bénéfice de l'immunité de juridiction invoquée par une partie et à renvoyer l'affaire devant le tribunal pour qu'il soit statué au fond.

2° COMPETENCE - Exception d'incompétence - Définition - Moyen tiré de l'immunité de juridiction (non).

2° PROCEDURE CIVILE - Fin de non-recevoir - Définition.

2° . Le moyen tiré de l'immunité de juridiction constitue une fin de non-recevoir invocable en tout état de cause et non une exception d'incompétence.

3° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale des juridictions françaises - Immunité des agents diplomatiques et des Etats étrangers - Immunité des agents diplomatiques - Fonctionnaires de l'UNESCO visés par l'accord du 2 juillet 1954 entre la France et l'UNESCO - Immunité réservée à certains hauts fonctionnaires sans aucune condition - Immunité invoquée dans une procédure en divorce - Immunité levée par une décision du directeur général de l'UNESCO - Recherche nécessaire.

3° . L'article 19 de l'accord du 2 juillet 1954 entre la France et l'UNESCO confère aux directeurs de départements, chefs de services et bureaux de cette organisation internationale, ainsi qu'aux fonctionnaires définis à l'annexe B de l'accord, pendant leur résidence en France, les privilèges, immunités, facilités et mesures de courtoisie accordés aux membres des missions diplomatiques étrangères en France et ces privilèges et immunités sont actuellement définis par la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques. Et, s'il est vrai que l'article 22 a de l'accord précité dispose pour tous les fonctionnaires de l'UNESCO qu'ils jouiront de l'immunité à l'égard de toute action judiciaire pour les actes accomplis par eux en leur qualité officielle, l'article 19 confère à certains hauts fonctionnaires de cette organisation et à leur famille, sans aucune condition, les privilèges et immunités diplomatiques, qui peuvent être levés dans les conditions de l'article 21. Encourt dès lors la cassation l'arrêt, qui, statuant sur une demande en divorce formée par l'épouse d'un fonctionnaire de nationalité étrangère de l'UNESCO, assimilé à un membre de mission diplomatique, refuse à ce dernier le bénéfice de l'immunité qu'il réclamait, au motif que celle-ci ne pouvait jouer que pour les actes accomplis par les fonctionnaires de l'UNESCO en leur qualité officielle, sans rechercher si son immunité avait été levée par une décision du Directeur général de l'UNESCO.

4° PROCEDURE CIVILE - Notification - Signification - Parquet - Etat étranger - Agent diplomatique étranger en France ou bénéficiaire de l'immunité de juridiction - Fonctionnaire de l'UNESCO de nationalité étrangère assimilé à un membre de mission diplomatique - Assignation en divorce.

4° . Aux termes de l'article 688 du nouveau Code de procédure civile l'acte destiné à être notifié à un Etat étranger, à un agent diplomatique étranger en France ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction, est notifié au parquet et transmis par l'intermédiaire du ministre de la justice. Encourt donc la cassation l'arrêt, qui refuse de prononcer, sur le fondement de ce texte, la nullité de l'assignation en divorce délivrée à un fonctionnaire de nationalité étrangère de l'UNESCO assimilé à un membre de mission diplomatique.


Références :

Accord France UNESCO du 02 juillet 1954 art. 19, 21, 22
Convention de Vienne du 18 avril 1961
Nouveau Code de procédure civile 608
Nouveau Code de procédure civile 688

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 mai 1984

A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre civile 2, 1983-11-09, bulletin 1983 II N° 172 (1) p. 119 (Cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 avr. 1986, pourvoi n°84-13422, Bull. civ. 1986 I N° 87 p. 87
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 87 p. 87

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Joubrel
Avocat général : Avocat général :M. Rocca
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Ponsard
Avocat(s) : Avocats :la Société civile professionnelle Labbé et Delaporte et la Société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.13422
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