Sur le premier moyen :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Colmar, 15 septembre 1983) qu'en exécution d'une convention conclue entre la société Facon Deutschland (la société Facon) et la société André Bisch (la société Bisch) la première a livré des autoradios à la seconde, qui pour le paiement de ces marchandises, lui a fait ouvrir par la Banque de Paris et des Pays-Bas (la banque) un crédit documentaire irrévocable faisant l'objet de trois lettres de crédit payables à des dates échelonnées ; que les documents convenus ont été transmis à la banque par la société Facon ; que, la société Facon ayant mis fin au contrat, la société Bisch, prétendant avoir subi de ce fait un préjudice a obtenu à l'encontre de la société Facon une ordonnance de contrainte réelle et, en exécution de cette décision, a fait pratiquer saisie-arrêt entre les mains de la banque sur les deux lettres de crédit non échues ; que le juge des référés du tribunal d'instance de Strasbourg a donné mainlevée de la saisie-arrêt ;
Attendu que la société Bisch fait grief à la Cour d'appel d'avoir décidé que cette juridiction avait été valablement saisie d'une demande de mainlevée de la saisie-arrêt ; alors que, selon le pourvoi, dans les départements du Bas-Rhin et Haut-Rhin et de la Moselle, le régime local, maintenu en vigueur dans le domaine des voies d'exécution par l'article 88 de la loi civile du 1er juin 1924, non abrogé par le décret du 5 décembre 1975, constitue en cette matière le droit commun, ce qui exclut nécessairement l'application d'autres règles de procédure, sauf disposition particulière non invoquée en l'espèce ; qu'ainsi la Cour d'appel a violé les textes susvisés et fait une fausse application des articles 1 et 43 de l'annexe du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Mais attendu que le tribunal d'instance étant, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, juge de l'exécution, il peut, le cas échéant, être saisi en référé dans les limites de sa compétence ;
Et attendu que l'arrêt ayant relevé que les conditions du recours à la procédure de référé étaient remplies, c'est à bon droit qu'il a décidé que le tribunal d'instance avait été valablement saisi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Bisch fait grief à la Cour d'appel d'avoir accueilli la demande de mainlevée de la saisie-arrêt, alors, selon le pourvoi, que d'une part, le bénéficiaire d'un crédit documentaire dispose d'une créance de somme d'argent qui peut être saisie par ses créanciers et que le donneur d'ordre lui-même peut pratiquer une telle saisie lorsqu'il se prévaut d'une créance étrangère au contrat de base et à son exécution ; qu'ainsi la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 557 du Code de procédure civile et fait une fausse application des articles 1134 du Code civil et 3 des Règles et Usances Uniformes relatives au crédit documentaire ; alors que, d'autre part, la saisie-arrêt pratiquée par le donneur d'ordre sur la créance résultant de l'ouverture d'un crédit documentaire ne peut être exclue lorsque l'inexécution, la rupture unilatérale et abusive du contrat de base ou la fraude du bénéficiaire ont fait naître au profit du donneur d'ordre une créance établie de manière irréfutable
sur le bénéficiaire, qu'ainsi la Cour d'appel a fait une fausse application des articles 1134 et 1376 et 1377 du Code civil, 3 et 8 des Règles et Usances Uniformes relatives au crédit documentaire ;
Mais attendu que la Cour d'appel, qui a retenu que la créance de la société Facon était frappée d'une indisponibilité qui résultait de la convention des parties en a déduit à bon droit que, le donneur d'ordre et le bénéficiaire ayant convenu du caractère irrévocable du crédit documentaire, le donneur d'ordre ne pouvait, sans violer la loi des parties, et pour faire obstacle à l'éxécution de l'engagement pris, sur ses instructions, par la banque, se prévaloir d'une créance sur le bénéficiaire, fut-elle étrangère à l'éxécution du contrat de base ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi