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11/03/1986 | FRANCE | N°85-95314

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 1986, 85-95314


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jany, épouse Y...,
inculpée d'abus de confiance, recel, falsification de chèques et usage, faux en écriture privée, contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Versailles du 28 juin 1985 qui a ordonné sa mise en liberté en la plaçant sous contrôle judiciaire ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 138 du Code de procédure pénale, de l'article 142 du même Code, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la

décision attaquée a décidé que le demandeur devrait verser entre les mains du secr...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jany, épouse Y...,
inculpée d'abus de confiance, recel, falsification de chèques et usage, faux en écriture privée, contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Versailles du 28 juin 1985 qui a ordonné sa mise en liberté en la plaçant sous contrôle judiciaire ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 138 du Code de procédure pénale, de l'article 142 du même Code, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la décision attaquée a décidé que le demandeur devrait verser entre les mains du secrétaire greffier du tribunal de Pontoise un cautionnement d'un montant total de 250 000 francs, garantissant à concurrence de 50 000 francs sa représentation à tous les actes de procédure, et pour l'exécution du jugement, ainsi que l'exécution des autres obligations du contrôle judiciaire, et à concurrence de 200 000 francs le paiement des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction, des restitutions, des frais avancés par la partie publique et des amendes ; que, pour la première partie du cautionnement, l'inculpée devrait effectuer dix versements de 5 000 francs le 30 de chaque mois pendant dix mois à compter du 30 juin 1985, et que pour la seconde partie du cautionnement elle devrait constituer dans un délai de quatre mois pour un montant de 200 000 francs et pour une période de dix ans des sûretés réelles destinées à garantir les droits des victimes et que, faute par elle de justifier avoir constitué dans le délai de quatre mois ces sûretés réelles, elle devrait verser le 30 de chaque mois à compter du 30 octobre 1985 une somme de 5 000 francs et ce, jusqu'au paiement intégral de ces 200 000 francs ;
" alors, d'une part, que les juridictions d'instruction peuvent ordonner soit le dépôt d'un cautionnement, soit la constitution de garantie, mais qu'elles ne peuvent ordonner le versement d'un cautionnement comme constituant la sanction du défaut de constitution de garanties dans un certain délai ;
" alors, d'autre part, que le patrimoine est un attribut essentiel de la personnalité juridique ; que toute personne majeure qui n'est frappée d'aucune incapacité et ne fait pas l'objet d'une mesure de protection est libre de gérer son patrimoine sans aucune restriction ; que si les juridictions d'instruction peuvent imposer à l'inculpé de constituer des garanties personnelles ou réelles, destinées à garantir le droit de la victime, elles ne peuvent décider elles-mêmes si les sûretés à fournir seront personnelles ou réelles, ne pouvant se substituer à un inculpé pour prendre une décision de gestion, sans porter atteinte aux droits de propriété garantis par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
" alors, de troisième part, que c'est l'inculpé et non son conjoint qui peut être astreint à fournir une sûreté ; qu'en décidant que la demanderesse serait tenue de fournir des sûretés réelles à concurrence de 200 000 francs, en constatant que les époux Y... sont propriétaires d'immeubles à Moussy-le-Vieux et en Corse sans constater que la demanderesse a la possibilité de disposer desdits immeubles et, en particulier, qu'il s'agit d'immeubles propres à la demanderesse ou au moins d'immeubles en indivision, mais ni d'immeubles dépendant de la communauté, ni d'immeubles propres au mari, les juges du fond n'ont pas mis la Cour de Cassation à même d'exercer un contrôle sur le point de savoir si la demanderesse était réellement en mesure de fournir les sûretés réelles exigées ;
" alors enfin que l'inculpé ne peut être astreint à fournir un cautionnement qu'en fonction de ses ressources ; que celles-ci doivent être appréciées en fonction de sa capacité financière réelle et, en particulier, de sa capacité propre indépendamment de celle de son conjoint qui n'est pas tenu de contribuer aux obligations du contrôle judiciaire ; qu'en l'espèce actuelle l'arrêt fait état, d'une part, de la propriété d'immeubles dont les époux Y... seraient propriétaires, sans préciser la situation juridique de ces immeubles, ni leur valeur, d'autre part, du fait que le mari serait " chef de centre à Beaubourg " fait indifférent à la capacité financière de la femme (fait qui ne permet même pas de justifier de la capacité financière du mari de la demanderesse, la Cour n'ayant pas indiqué le montant de son salaire) ; qu'enfin, si l'arrêt attaqué fait état de ce que la demanderesse travaillait avant son arrestation comme secrétaire au salaire officiel de 8 500 francs par mois, et du fait que son conseil a indiqué qu'elle pouvait retrouver immédiatement du travail à sa sortie, la Chambre d'accusation n'a pas recherché si effectivement la demanderesse avait retrouvé à la suite de sa libération, en application de l'ordonnance frappée d'appel, une situation, et quel était le montant de ce salaire, de telle sorte que la décision attaquée n'a pas établi quelles étaient les ressources de la demanderesse au sens de l'article 138 du Code de procédure pénale ; "
Vu lesdits articles, ensemble les articles 139 et 141-2 du Code de procédure pénale ;
Attendu, en premier lieu, que lorsqu'une juridiction d'instruction a placé un inculpé sous contrôle judiciaire, elle peut, selon l'article 139 du Code de procédure pénale, lui imposer à tout moment une ou plusieurs obligations nouvelles, supprimer tout ou partie des obligations comprises dans le contrôle, modifier une ou plusieurs de ces obligations ; qu'en outre, si l'inculpé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement encourue, elle peut, selon l'article 141-2 du même Code, le placer en détention provisoire ;
Qu'il se déduit de ces dispositions que la juridiction n'a pas le pouvoir, lorsqu'elle met un inculpé sous contrôle judiciaire, de décider par avance, sans nouvel examen, qu'une obligation se substituera à une autre au cas où ledit inculpé ne satisferait pas à l'obligation initiale ;
Attendu, en second lieu, que la constitution de sûretés personnelles ou réelles qui aux termes du 15° de l'article 138 du Code de procédure pénale peut être imposée à un inculpé n'est destinée à garantir que les droits de la victime et non pas le paiement des frais, réparations et amendes énoncés au 2° de l'article 142 dudit Code, lesquels ne sont garantis que par la seconde partie du cautionnement prévu au 11° de l'article 138 du même Code ;
Attendu qu'il appert des pièces de la procédure que, par ordonnance du 21 mai 1985, le juge d'instruction a décidé la mise en liberté de X... Jany épouse Y..., inculpée d'abus de confiance, recel, falsification de chèques et usage, faux en écriture privée et placée sous mandat de dépôt le 22 novembre 1984 ; que cette mise en liberté a été assortie d'une mesure de contrôle judiciaire comportant un certain nombre d'obligations ;
Que, sur appel de l'inculpée, la Chambre d'accusation, par l'arrêt attaqué, a réformé pour partie la décision entreprise et a notamment ordonné que X...Jany, épouse Y... verserait un cautionnement fixé à 250 000 francs dont 50 000 francs, pour garantir sa représenttion ainsi que l'exécution des diverses obligations du contrôle judiciaire et ce par des versements échelonnés ; que pour les 200 000 francs garantissant les frais, réparations et amendes, elle devrait consigner dans un délai de quatre mois, pour ce montant et pour une période de 10 ans, des sûretés réelles destinées à garantir les droits des victimes et que, faute par elle de le faire dans ce délai, elle devrait verser la somme précitée dans des conditions déterminées ;
Mais attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, la Chambre d'accusation a méconnu les principes ci-dessus rappelés et que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la Chambre d'accusation de Versailles du 28 juin 1985 et, pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de PARIS.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-95314
Date de la décision : 11/03/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CONTROLE JUDICIAIRE - Obligations - Obligations non respectées - Pouvoirs des juridictions d'instruction - Substitution d'obligations nouvelles - Substitution prévue dans la décision initiale de placement (non).

1° Il se déduit des dispositions des articles 139 et 141-2 du Code de procédure pénale que les juridictions d'instruction n'ont pas le pouvoir, lorsqu'elles mettent un inculpé sous contrôle judiciaire, de décider par avance, sans nouvel examen, qu'une obligation se substituera à une autre au cas où ledit inculpé ne satisferait pas à l'obligation initiale.

2° CONTROLE JUDICIAIRE - Obligations - Obligation de fournir un cautionnement - Domaine d'application - Domaine distinct - Obligation de constituer des sûretés personnelles ou réelles.

2° La constitution de sûretés personnelles ou réelles qui, aux termes du 15° de l'article 138 du code de procédure pénale, peut être imposée à un inculpé n'est destinée à garantir que les droits des victimes et non pas le paiement des frais, réparations et amendes énoncés au 2° de l'article 142 dudit code, lesquels ne sont garantis que par la seconde partie du cautionnement prévu au 11° de l'article 138 précité.


Références :

(1)
(2)
Code de procédure pénale 138 15°, 142 2°, 138 11°
Code de procédure pénale 139, 141-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, chambre d'accusation, 28 juin 1985


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mar. 1986, pourvoi n°85-95314, Bull. crim. criminel 1986 N° 99 p. 257
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 99 p. 257

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Berthiau, conseiller le plus ancien faisant fonctions.
Avocat général : Avocat général : M. DontenwilleAvocat : M. Ryziger.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Zambeaux -

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.95314
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