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11/03/1986 | FRANCE | N°84-93286

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 1986, 84-93286


REJET du pourvoi formé par X... Christian, contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 12 juin 1984 qui l'a condamné à 4 000 F d'amende et à des réparations civiles pour infraction à la législation relative au contrôle de l'emploi ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme quant à la culpabilité que X..., secrétaire général de l'Association pour le développement des foyers du bâtiment et des métaux (A. D. E. F.), a été poursuivi pour avoir licencié un salarié sans l'autori

sation préalable de l'autorité administrative compétente alors qu'il avait procé...

REJET du pourvoi formé par X... Christian, contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 12 juin 1984 qui l'a condamné à 4 000 F d'amende et à des réparations civiles pour infraction à la législation relative au contrôle de l'emploi ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme quant à la culpabilité que X..., secrétaire général de l'Association pour le développement des foyers du bâtiment et des métaux (A. D. E. F.), a été poursuivi pour avoir licencié un salarié sans l'autorisation préalable de l'autorité administrative compétente alors qu'il avait procédé à un licenciement pour cause économique depuis moins de douze mois, infraction aux articles L. 321-1 du Code du travail et 3 de l'arrêté du 15 décembre 1977 ;
Que selon les constatations des juges et du procès-verbal auquel ils se réfèrent, l'A. D. E. F. qui, en 1981, avait licencié du personnel pour motif économique a, le 22 décembre de la même année, demandé au service de l'inspection du travail l'autorisation de licencier le salarié Y... pour incompétence professionnelle ; que par lettre du 24 décembre 1981, un inspecteur du travail a invité l'A. D. E. F. à fournir " des éléments d'information obligatoires prévus par l'article R. 321-3 " dudit Code en précisant que le délai de sept jours à compter de la date d'envoi de la demande que l'article R. 321-2 impartit à l'administration pour prendre sa décision était, conformément à ce dernier texte, prorogé d'une durée égale ; que les renseignements sollicités ont été expédiés le 28 décembre 1981 ; que dans une correspondance datée du 30 décembre et reçue le 5 janvier 1982, l'inspecteur du travail a fait connaître qu'il n'accordait pas l'autorisation de licenciement ; que cependant dès le 31 décembre 1981, X... avait notifié au salarié que son contrat de travail était rompu avec effet à compter du 1er janvier suivant ;
En cet état :
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 321-1, L. 361-1, R. 321-2, R. 321-3, R. 362-1 du Code du travail, 34 et 37 de la Constitution, 591 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la Cour d'appel a déclaré X... coupable du délit d'infraction à un arrêté ministériel relatif au contrôle des conditions d'emploi, pour avoir procédé à un licenciement sans autorisation de l'autorité administrative compétente, alors qu'il avait procédé à un licenciement économique moins de douze mois auparavant ;
" aux motifs que les dispositions de l'article L. 321-1 (2e) du Code du travail subordonnent le licenciement fondé sur un motif non économique à une autorisation préalable de l'autorité administrative compétente et qu'en l'espèce, à la date du licenciement (31 décembre 1981), X... non seulement n'avait pas obtenu cette autorisation mais encore s'était heurté à un refus " ; " que le non-respect de ces dispositions rend (M. X...) passible des pénalités prévues par l'article L. 361-1 " ;
" alors d'une part que constitue une infraction le fait pour un employeur qui a procédé à un licenciement économique dans les douze mois précédents de licencier un salarié sans en avoir fait la demande à l'autorité compétente ; qu'en l'espèce, X... avait fait une demande d'autorisation de licenciement le 22 décembre 1981 et avait licencié Y... le 31 décembre suivant ; qu'en imputant à X... la circonstance de ne pas avoir de surcroît attendu l'autorisation de l'autorité compétente, la Cour d'appel a modifié l'élément matériel de l'infraction à laquelle elle se référait ;
" alors d'autre part et en tout état de cause que le licenciement d'un salarié en dehors des conditions posées à l'article R. 321-3 du Code du travail constitue une contravention réprimée par l'article R. 362-1 du même Code qui renferme les pénalités encourues en cas de violation des règles sur " l'emploi " ; qu'en considérant que cette infraction était réprimée par l'article L. 361-1 du Code du travail, qui ne concerne que des infractions aux règles du " placement ", étrangères à la matière, la Cour d'appel a fait application d'un texte répressif inadéquat et par voie de conséquence prononcé une pénalité d'un montant supérieur au maximum de la peine contraventionnelle seule applicable ;
" alors enfin que l'article 34 de la Constitution réserve au domaine législatif la détermination des délits ; que l'incrimination de l'espèce résultait de la combinaison de textes réglementaires : l'arrêté du 15 décembre 1977 et l'article R. 321-3 du Code du travail ; qu'ainsi la Cour d'appel ne pouvait de toutes façons qualifier de délit et punir des peines correctionnelles de l'article L. 361-1 la violation d'une incrimination qui, n'étant pas posée par une loi, ne pouvait constituer autre chose qu'une contravention " ;
Sur la première branche du moyen :
Attendu que X... a conclu à sa relaxe en soutenant notamment que les textes visés aux poursuites ne mettaient à la charge de l'employeur désireux de licencier un salarié pour une cause non économique que la seule obligation " d'en faire la demande " à l'autorité compétente et n'incriminaient pas le fait de notifier un tel licenciement avant réception de la décision administrative ;
Attendu qu'à bon droit la Cour d'appel a écarté cette argumentation reprise au moyen ; qu'en effet, l'article L. 321-1 du Code du travail pose le principe d'un contrôle administratif des mouvements de personnel sous la forme soit d'une simple déclaration, soit d'une autorisation préalable pour les établissements ou professions dont la liste, est-il précisé, doit être déterminée par le ministre du travail et les ministres intéressés ; que pris pour l'exécution de ce texte, l'arrêté du 15 décembre 1977 qui, dans son article 3, met au nombre des établissements assujettis à l'autorisation préalable, dans les conditions définies aux articles R. 321-2 et R. 321-3, les associations de toute nature et dont il n'est pas contesté qu'il soit applicable à l'A. D. E. F., ne rend cette autorisation obligatoire que lorsque l'employeur a procédé à un licenciement économique au cours des douze mois précédant la date envisagée pour recruter ou pour licencier du personnel ; que tel étant le cas en l'espèce et le règlement précité ne distinguant pas selon la cause du licenciement projeté, X... aurait dû, avant de mettre fin au contrat de travail du salarié concerné, attendre l'autorisation qu'il avait d'ailleurs sollicitée ; que si, aux termes de l'article R. 321-2, à défaut de réception d'une décision dans le délai indiqué par ce texte l'autorisation demandée est réputée acquise, il résulte des constatations des juges du fait que le congédiement litigieux était intervenu avant l'expiration de ce délai qui prenait fin le 5 janvier 1982 ;
Et sur la seconde branche :
Attendu qu'en faisant application au demandeur des dispositions de l'article L. 365-1 du Code du travail par lequel le législateur a érigé en délit la violation de l'article L. 321-1 et des arrêtés pris pour l'exécution de ce texte, la Cour d'appel qui a prononcé une peine d'amende entrant dans les limites fixées par la loi, a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 13 de la loi des 16, 24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III, des articles L. 321-1 et R. 321-2 du Code du travail, des articles 386 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la Cour d'appel, saisie de poursuites dirigées contre X... pour licenciement d'un salarié sans avoir obtenu une autorisation administrative alors qu'il avait procédé à un licenciement économique dans les douze mois précédents, a refusé de surseoir à statuer sur la légalité des actes administratifs pris par l'autorité administrative et a procédé elle-même à l'appréciation de cette légalité ;
" aux motifs qu'il ne peut être soutenu valablement que seul le directeur départemental du travail avait compétence tant pour proroger le délai de réponse que pour autoriser ou refuser le licenciement sollicité, l'article R. 321-4 donne en effet à ce directeur pour l'exercice des attributions qui lui appartiennent, en vertu des articles R. 321-2 et R. 321-3, la possibilité de déléguer sa signature aux fonctionnaires placés sous son autorité, cette délégation est établie " ; " qu'en admettant même que la juridiction administrative annule la décision de refus de l'inspection du travail, cette décision n'aurait aucune conséquence au plan pénal sur les poursuites engagées à l'encontre du prévenu " ;
" alors d'une part que le juge répressif n'a pas le pouvoir d'apprécier la légalité d'un acte administratif individuel qui n'est pas pénalement sanctionné ; qu'en estimant légales, comme prises par l'autorité compétente, d'une part la décision administrative en date du 24 décembre 1981 par laquelle l'inspecteur du travail avait prorogé de sept jours le délai dont disposait le directeur général du travail pour accorder ou refuser l'autorisation de licenciement qui lui était demandée, d'autre part la décision administrative en date du 5 janvier 1982 par laquelle ce même inspecteur du travail avait refusé ladite autorisation de licenciement, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;
" alors d'autre part que le juge répressif n'a pas le pouvoir d'apprécier la légalité des actes administratifs par lesquels l'administration exerce la compétence qui lui est reconnue par l'article L. 321-1 du Code du travail en matière d'autorisation de licenciement ; qu'en estimant légaux les actes cités dans la branche qui précède, la Cour d'appel a derechef excédé ses pouvoirs ;
" alors enfin que doit surseoir à statuer le juge répressif qui est saisi d'une exception d'illégalité portant sur des actes administratifs dont il n'a pas le pouvoir d'apprécier la légalité et qui est de nature à retirer aux faits dont il est saisi le caractère d'une infraction ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel n'avait pas le pouvoir d'apprécier la légalité des actes administratifs des 24 décembre 1981 et 5 janvier 1982 (cf branches précédentes) ; que l'illégalité de ces actes par lesquels l'administration avait d'abord différé sa décision, puis refusé l'autorisation de licenciement demandée, à supposer cette illégalité établie, aurait entraîné, aux termes de l'article R. 321-2 du Code du travail, l'existence d'une autorisation implicite de licenciement ; qu'il en résultait que dans l'hypothèse de l'illégalité des actes précités, le licenciement prononcé par le prévenu aurait été régulier ; qu'ainsi la question de la légalité des actes des 24 décembre 1981 et 5 janvier 1982 commandait l'issue du litige dont la Cour d'appel était saisie, de sorte qu'elle devait surseoir à statuer " ;
Attendu que, répondant aux conclusions de X... qui a excipé de l'illégalité tant de la décision de prorogation du délai de réponse que de celle refusant l'autorisation de licenciement prises par un inspecteur du travail au motif que seul le directeur départemental du travail et de la main-d'oeuvre était habilité à statuer, la Cour d'appel, après avoir rappelé que l'article R. 321-4 du Code du travail donne à ce directeur pour l'exercice de ses attributions en matière de contrôle de l'emploi la possibilité de déléguer sa signature aux fonctionnaires placés sous son autorité, constate que tel avait bien été le cas en l'espèce ;
Attendu que contrairement à ce qui est soutenu, la Cour d'appel était compétente pour apprécier la légalité de la décision administrative prolongeant le délai de réponse dès lors que le grief allégué était de nature à faire disparaître le délit poursuivi ; qu'en effet, à défaut de prorogation régulière du délai de sept jours imparti à l'administration par l'article R. 321-2 précité le prévenu aurait bénéficié, en vertu de ce même texte, d'une autorisation tacite de licenciement ;
Que si, en revanche, l'infraction s'étant trouvée consommée avant le refus d'autorisation, le juges n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'illégalité prétendue de cet acte qui, à la supposer établie, n'aurait pu enlever aux faits constatés leur caractère punissable, le demandeur est cependant sans intérêt à critiquer les motifs par lesquels l'arrêt a écarté un moyen de défense inopérant ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 84-93286
Date de la décision : 11/03/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Contrôle de l'emploi - Licenciement pour motif économique - Licenciement individuel - Délai de douze mois suivant le licenciement pour motif économique - Autorisation administative - Nécessité.

1° et 2° Il résulte de l'article L. 321-1 du Code du travail et de l'arrêté ministériel du 15 décembre 1977 pris pour l'application de cet article que tout licenciement, quelle qu'en soit la cause, intervenant dans une entreprise assujettie au contrôle de l'emploi, est soumis à autorisation administrative lorsqu'un licenciement pour motif économique a été prononcé au cours des douze mois précédents. Pour prendre sa décision, l'administration dispose, selon l'article R. 321-2 du Code du travail, d'un délai de sept jours à compter de la date d'envoi de la demande. Ce n'est qu'à défaut de réception d'une décision dans ce délai qui peut être prorogé d'une durée égale que l'employeur peut invoquer le bénéfice d'une autorisation tacite de licenciement.

2° TRAVAIL - Contrôle de l'emploi - Licenciement pour motif économique - Licenciement individuel - Délai de douze mois suivant le licenciement pour motif économique - Autorisation administrative - Délai imparti pour statuer - Autorisation implicite.


Références :

Arrêté du 15 décembre 1977
Code du travail L321-1, L365-1, R321-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 juin 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mar. 1986, pourvoi n°84-93286, Bull. crim. criminel 1986 N° 104 p. 270
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 104 p. 270

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Berthiau, conseiller le plus ancien faisant fonctions.
Avocat général : Avocat général : M. Dontenwille
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Sainte-Rose -
Avocat(s) : Avocat : La Société civile professionnelle Desaché-Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.93286
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