LA COUR DE CASSATION, statuant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société Commerciale de MATERIAUX POUR LA PROTECTION ET L'ISOLATION, dite M.P.I., dont le siège social est 1, rue Port Mahon à Paris (2ème), représentée par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 juin 1984 par la Cour d'appel de Paris (19ème chambre B), au profit :
1°) de l'UNION DES ASSURANCES DE PARIS, dont le siège social est ... (1er),
2°) de la société SAMY, dont le siège est ... à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne),
3°) de Mme D..., Gisèle D'E..., veuve Z...,
4°) de Mme Christiane A..., épouse Y...,
5°) de Mme Corinne A...,
demeurant ensemble ... à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), agissant en qualité d'héritières de M. Z..., décédé,
6°) de M. Claude B..., pris en qualité de syndic de la liquidation des biens de l'entreprise PETIT, demeurant ... (Hauts-de-Seine),
7°) de M. C..., demeurant ... (Hauts-de-Seine),
8°) du B.E.P.E.T., dont le siège social est ... (Hauts-de-Seine),
9°) du Bureau d'études OMNIUM TECHNIQUE HABITATION, O.T.H., dont le siège social est ... (4ème),
10°) de la société anonyme LAURENT X... ENTREPRISE, dont le siège social est Tour Europe, Cedex n° 71, Paris La Défense (Hauts-de-Seine),
défendeurs à la cassation
La Société Commerciale de Matériaux pour la Protection et l'Isolation s'est pourvue en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 14 juin 1984.
Mme le Premier Président de la Cour de cassation faisant application de l'article L 131-2, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, a, par ordonnance en date du 4 décembre 1985, renvoyé la cause devant l'Assemblée Plénière ;
Sur le premier moyen :
Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 1984), la société civile immobilière Résidence Brigitte, assurée par l'Union des Assurances de Paris (U.A.P.) a, en 1969, confié aux architectes C... et Z..., aux droits desquels se trouvent les consorts Z..., assistés des bureaux d'études OTH et BEPET, la construction d'un ensemble immobilier, que la société Petit, chargée du gros oeuvre, a sous traité à la société Samy l'ouverture de tranchées pour la pose de canalisations effectuée par la société Laurent X..., que la société Samy a procédé à l'application sur ces canalisations de Protexculate, produit destiné à en assurer l'isolation thermique, qui lui avait vendu par la Société Commerciale de Matériaux pour la Protection et l'Isolation (MPI), fabricant, que des fuites d'eau s'étant produites, les experts désignés en référé ont conclu en 1977 à une corrosion des canalisations imputables au Protexculate et aggravée par un mauvais remblaiement des tranchées, que l'U.A.P. a assigné la société MPI, les sociétés Petit, Samy et Laurent X..., MM. C... et Z... ainsi que les bureaux d'études, pour obtenir le remboursement de l'indemnité versée aux copropriétaires suivant quittance subrogative du 30 octobre 1980 ;
Attendu que la société MPI fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 1980 sur le fondement de la responsabilité délictuelle, alors, selon le moyen, d'une part, que le maître de l'ouvrage ne dispose contre le fabricant de matériaux posés par un entrepreneur que d'une action directe pour la garantie du vice caché affectant la chose vendue dès sa fabrication et que cette action, nécessairement de nature contractuelle, doit être engagée dans un bref délai après la découverte du vice ; qu'en accueillant donc, en l'espèce, l'action engagée le 28 janvier 1980 par l'U.A.P., subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage, pour obtenir garantie d'un vice découvert par les experts judiciaires le 4 février 1977 et indemnisé par l'U.A.P. le 30 octobre 1980, la Cour d'appel, qui s'est refusée à rechercher si l'action avait été exercée à bref délai, a violé, par fausse application, l'article 1382 du Code civil et, par défaut d'application, l'article 1648 du même Code ;
Mais attendu que le maître de l'ouvrage comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur ; qu'il dispose donc à cet effet contre le fabricant d'une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée ; que, dès lors, en relevant que la Société Commerciale de Matériaux pour la Protection et l'Isolation (M.P.I.) avait fabriqué et vendu sous le nom de "Protexulate" un produit non conforme à l'usage auquel il était destiné et qui était à l'origine des dommages subis par la S.C.I. Résidence Brigitte, maître de l'ouvrage, la Cour d'appel qui a caractérisé un manquement contractuel dont l'U.A.P., substituée à la S.C.I., pouvait se prévaloir pour lui demander directement réparation dans le délai de droit commun, a, par ces motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société MPI fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait alors, selon le moyen, que, d'une part, l'auteur prétendu du dommage est seulement tenu de réparer le préjudice causé par sa faute et qu'en faisant supporter à la société MPI le coût de la construction de caniveaux destinés à recevoir les nouvelles canalisations et à en permettre la visite qui, d'après les experts, constituait une amélioration par rapport à la construction livrée à l'origine par le maître de l'ouvrage, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; et alors que, d'autre part, l'indemnité allouée à la victime d'un dommage ne produit intérêt qu'à compter de son évaluation par le juge ; qu'en faisait courir en l'espèce les intérêts d'une date antérieure à la décision portant condamnation, la Cour a derechef violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la Cour d'appel a souverainement décidé que les travaux réalisés étaient nécessaires pour rendre l'installation conforme à sa destination sans qu'il y ait lieu de tenir compte d'un enrichissement dû à des caniveaux maçonnés ou d'une quelconque vétusté ;
Attendu, d'une part, que la Cour d'appel qui a constaté que l'U.A.P. avait remis, suivant quittance subrogative du 30 octobre 1980, au syndicat des copropriétaires, la somme totale nécessaire à la réparation des désordres a décidé, à bon droit, que les intérêts au taux légal sur cette somme étaient dus à compter de cette date ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le pourvoi, que la Cour d'appel a laissé sans réponse le moyen proposé dans ses conclusions d'appel par la société MPI et aux termes duquel, d'après les experts judiciaires, le mauvais remblaiement des tranchées était pour partie responsable des désordres, que la Cour d'appel a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la Cour d'appel a répondu aux conclusions en retenant qu'il résulte des documents produits, que le Protexculate était la seule et unique origine des désordres, le rendant impropre à sa destination, que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi