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04/01/1986 | FRANCE | N°84-94222

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 janvier 1986, 84-94222


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'Union des consommateurs du Nord-Finistère,
- X... René,
parties civiles,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Rennes, Chambre correctionnelle, en date du 11 juillet 1984 qui, ayant relaxé Y... Roger et Z... Bernard des chefs d'infraction au Code de la construction et de l'habitation et complicité, les a déboutés de leurs demandes ;
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 231-2, L. 241-1, R. 231-15 du Code de la con

struction et de l'habitation et 593 du Code de procédure pénale, défaut de mot...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'Union des consommateurs du Nord-Finistère,
- X... René,
parties civiles,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Rennes, Chambre correctionnelle, en date du 11 juillet 1984 qui, ayant relaxé Y... Roger et Z... Bernard des chefs d'infraction au Code de la construction et de l'habitation et complicité, les a déboutés de leurs demandes ;
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 231-2, L. 241-1, R. 231-15 du Code de la construction et de l'habitation et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt a relaxé Roger Y... et Bernard Z... des chefs d'infraction et de complicité d'infraction à la législation sur la construction et a en conséquence débouté les demandeurs de leur action civile ;
" aux motifs que l'article R. 231-15 du Code de la construction et de l'urbanisme applicable en l'espèce qui prévoit que les paiements doivent être effectués en fonction de l'état d'avancement des travaux justifiés selon les modalités prévues au contrat, n'interdit nullement des appels de fonds à des étapes intermédiaires à la condition toutefois que " le montant cumulé de ces paiements n'excède pas le maxima " fixé par la loi, soit 20 % au stade de l'achèvement des fondations ; que la délivrance du permis de construire qui concourt directement à l'acte de construction dans la mesure où elle a constitué une étape indispensable, constitue bien une étape des travaux de construction permettant un appel de fonds correspondant à ce début de réalisation de la construction ; qu'ainsi l'appel de fonds correspondant à 12 % du prix de la construction à la délivrance du permis de construire expressément prévu au contrat ne saurait être considéré comme ayant été effectué en violation des dispositions précitées, que si l'article L. 231-1 du Code de la construction et de l'urbanisme (sic) prévoit en son paragraphe 8 que le contrat de construction doit comporter " la description et l'estimation du coût de ceux des travaux d'équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l'implantation et à l'utilisation ou l'habitation de l'immeuble et qui ne sont pas compris dans le prix ", ces dispositions ne sont sanctionnées que sur le plan civil par l'article L. 231-2 1er alinéa du même Code mais non pénalement ; que dès lors la réclamation à René X... des sommes de 14 100 F et 16 875,60 F au titre de travaux supplémentaires supérieurs à 990 F (montant desdits travaux indiqués dans le contrat de construction), aussi malhonnête qu'elle puisse être ne saurait être sanctionnée par application des dispositions de l'article L. 241-1 ;
" alors, d'une part, que toute activité précédant l'achèvement des fondations ne peut, en application de l'article R. 231-15 du Code de la construction et de l'habitation, donner lieu à une rémunération préalable autre que celle exigible à la date de signature du contrat ; que dès lors en retenant qu'un appel de fonds correspondant à 12 % du prix de la construction avait pu être réclamé à la délivrance du permis de construire, la Cour d'appel a violé l'article susvisé ;
" alors, d'autre part, que la Cour d'appel ne pouvait retenir que la réclamation par le constructeur des sommes de 14 100 F et 16 875,60 F pour travaux supplémentaires n'était pas pénalement sanctionnable sans rechercher si le constructeur n'avait pas ainsi exigé un versement supérieur à celui exigible en application de l'article R. 231-15 du Code de la construction et de l'habitation ; "
Sur le moyen pris en sa première branche ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'interdiction faite à toute personne visée au premier alinéa de l'article L. 231-2 du Code de la construction et de l'habitation, d'exiger ou d'accepter du maître de l'ouvrage aucun versement, aucun dépôt, aucune souscription ou acceptation d'effet de commerce avant la signature du contrat, ni aucun paiement avant la date à laquelle la créance est exigible, ne comporte aucune exception ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Y..., qui n'avait pas fourni la caution bancaire prévue par l'article R. 231-11 de ce Code, s'est, le 22 juillet 1976, engagé à construire une maison individuelle pour le compte de X... qui devait lui régler 3 % du prix à la signature du contrat, 12 % à la délivrance du permis de construire, 5 % à l'achèvement des fondations et ainsi de suite en fonction de l'état d'avancement des travaux ;
Attendu que X... a, sur la demande qui lui en était faite et après délivrance du permis de construire, effectué le paiement d'une somme de 13 275 F correspondant à 12 % du prix de la construction, alors qu'aucun des travaux prévus au contrat n'avait été réalisé ;
Que sur plainte de X..., Y... a été poursuivi du chef d'infraction au Code de la construction et de l'habitation pour avoir exigé un paiement à la date de la délivrance du permis de construire ; que Z... l'a été en qualité de complice pour avoir en tant que franchiseur fourni le formulaire utilisé pour la conclusion du contrat de construction et comportant les conditions de paiement ;
Attendu que pour réformer le jugement qui avait déclaré les prévenus coupables et prononcer leur relaxe, les juges d'appel énoncent que les dispositions de l'article R. 231-15 du Code de la construction et de l'habitation qui prévoient, en l'absence de caution bancaire, l'échelonnement des appels de fonds en fonction de l'état des travaux justifiés selon les modalités prévues au contrat, " n'interdisent nullement que des fonds soient réclamés à des étapes intermédiaires, à la condition toutefois que le montant cumulé de ces paiements n'excède pas le maxima fixé par la loi, soit 20 % au stade de l'achèvement des fondations " ;
Qu'ils ajoutent que " la délivrance du permis de construire qui concourt directement à l'acte de construction dans la mesure où elle a constitué une étape indispensable, constitue bien une étape des travaux de construction au sens des dispositions précitées, permettant un appel de fonds correspondant à un début de réalisation de la construction ", et que " d'ailleurs l'article R. 231-6 qui prévoit un échelonnement différent des appels de fonds lorsque le constructeur bénéficie d'une garantie bancaire, a expressément retenu la délivrance du permis de construire comme correspondant à l'un des différents stades de la construction d'après l'avancement des travaux " ; qu'ils décident en conséquence que l'appel de fonds correspondant à 12 % du prix de la construction à la délivrance du permis de construire, expressément prévu au contrat, ne saurait être considéré comme ayant été effectué en violation de la loi ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que les modalités de paiements échelonnés figurant au contrat n'étaient pas conformes à celles que prévoit l'article R. 231-15 du Code de la construction et de l'habitation, applicable en l'espèce, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Sur le moyen pris en sa seconde branche ;
Vu les articles susvisés ;
Attendu qu'en prescrivant qu'aucun paiement ne peut être exigé ni accepté avant la date à laquelle la créance est exigible, l'article L. 231-2 du Code de la construction et de l'habitation prohibe non seulement les demandes de paiement prématurées mais aussi et à plus forte raison celles de sommes qui n'étant pas dues ne peuvent devenir exigibles ;
Attendu que dans le contrat de construction d'une maison individuelle que Y... a fait signer à X... le 22 juillet 1976, il était prévu que l'exécution des travaux d'équipement intérieur et extérieur indispensables à l'implantation et à l'habitation de l'immeuble qui n'étaient pas inclus dans le prix convenu, était évaluée à un montant de 990 F toutes taxes comprises ;
Attendu qu'au cours du mois de novembre 1978, une entreprise à qui Y... avait confié la construction de ladite maison a adressé au maître de l'ouvrage deux devis correspondant à des travaux supplémentaires, s'élevant à 14 100 F et à 16 875,60 F ;
Que sur plainte de X..., qui avait refusé de régler le montant de ces devis, Y... a été poursuivi du chef d'infraction au Code de la construction et de l'habitation pour avoir exigé le paiement de sommes supérieures à celle prévue au contrat au titre des travaux supplémentaires ;
Attendu que pour réformer le jugement qui avait déclaré le prévenu coupable, et prononcer sa relaxe, la juridiction du second degré, après avoir rappelé l'article L. 231-1 g du Code de la construction et de l'habitation, aux termes duquel le contrat de construction doit comporter la description et l'estimation du coût de ceux des travaux d'équipement intérieur ou extérieur indispensables qui ne sont pas compris dans le prix de la construction prévu au contrat, relève en outre que ces dispositions sont sanctionnées sur le plan civil par l'article L. 231-2 1er alinéa du même Code, qui prévoit la possibilité pour le maître de l'ouvrage qui en fait la demande dans le délai de trois mois à partir de la signature du contrat, d'obtenir du constructeur qu'il exécute " aux prix et conditions mentionnés dans le contrat ", les travaux décrits et estimés en application de l'alinéa g de l'article précédent ;
Qu'elle en déduit que si l'article L. 241-1 sanctionne pénalement les manquements aux dispositions du titre III et en particulier à celles de l'article L. 231-2, il ne punit que les personnes qui auront exigé ou accepté un versement en violation de ce même article dont l'alinéa 1 ne prévoit et n'interdit aucun versement de fonds ; que les juges en concluent que les faits poursuivis ne sauraient être punis des peines prévues audit article L. 241-1 ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est également encourue ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE en ses seules dispositions civiles l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Rennes en date du 11 juillet 1984, et pour qu'il soit statué à nouveau, conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Angers.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 84-94222
Date de la décision : 04/01/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) URBANISME - Contrat de construction - Loi du 16 juillet 1971 - Versements échelonnés entre la signature du contrat et l'achèvement des fondations - Licéité - Conditions.

Dès lors que la personne chargée de la construction est dispensée de fournir la caution prévue à l'article R. 231-11 du Code de la construction et de l'habitation, toute activité précédant l'achèvement des fondations ne peut, en application de l'article R. 231-15 du même code, donner lieu à une rémunération préalable autre que celle exigible à la date de signature du contrat (1).

2) URBANISME - Contrat de construction - Loi du 16 juillet 1971 - Travaux d'équipement non inclus dans le prix convenu - Exigence ou acceptation de sommes avant la date d'exigibilité de la créance - Sommes supérieures aux prévisions du contrat (non).

En prescrivant qu'aucun paiement ne peut être exigé ni accepté avant la date à laquelle la créance est exigible, l'article L. 231-2 du Code de la construction et de l'habitation prohibe non seulement les demandes de paiement prématurées, mais aussi et à plus forte raison, celles de sommes qui n'étant pas dues ne peuvent devenir exigibles.


Références :

Code de la construction et de l'habitation L231-2
Code de la construction et de l'habitation R231-11, R231-15

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, 11 juillet 1984

(1). Cour de cassation, chambre criminelle, 1984-02-21, Bulletin criminel 1984 N. 67 p. 171 (cassation) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jan. 1986, pourvoi n°84-94222, Bull. crim. criminel 1986 N° 7 p. 17
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 7 p. 17

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Bruneau Conseiller le plus ancien faisant fonctions
Avocat général : Av.Gén. M. de Sablet
Rapporteur ?: Rapp. M. Leydet
Avocat(s) : Av. demandeur : SCP Nicolas Masse-Dessen Georges, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.94222
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