Sur les premier, deuxième et cinquième moyens réunis :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que la ville d'Hyères, qui avait obtenu de l'Etat une concession temporaire d'établissement et d'exploitation d'un port de plaisance, a elle-même consenti, en 1962, à l'association Yacht Club d'Hyères, ci-après dénommée l'association, la jouissance d'une partie du terrain qui lui avait été concédé par l'Etat ; qu'aux termes du contrat passé, dont la durée était celle de la concession accordée à la ville d'Hyères, l'association était autorisée à construire sur le terrain un immeuble, appelé Club House, dont l'entretien lui incombait ; que, pour assurer le financement de la construction, l'association a conclu avec 36 personnes, réunies au sein d'une association amicale des résidents du Yacht Club d'Hyères ci-après dénommée l'amicale, des conventions aux termes desquelles, moyennant le paiement d'une certaine somme, ces personnes auraient, pendant la durée de la concession accordée par la ville à l'association, la disposition d'une chambre-studio du Club House pour en jouir comme si elles étaient propriétaires ;
Attendu qu'à la suite de la mise en règlement judiciaire de l'association, la ville d'Hyères, invoquant l'inexécution de divers travaux, a mis en demeure les 36 résidents du Club House de quitter leurs chambres-studios et d'en déménager leurs meubles au plus tard le 14 juillet 1982 et que, quelques jours après, elle a fait condamner les portes d'accès aux corridors des deux étages où se trouvaient les chambres-studios en faisant poser des plaques d'acier sur les serrures ; que l'amicale et plusieurs résidents du Club House ont alors engagé une action possessoire en réintégration contre la ville d'Hyères devant le Tribunal d'instance ; que l'arrêt attaqué de la Cour d'appel, estimant que la ville avait commis une voie de fait, l'a condamnée à rétablir le libre accès aux chambres-studios et à payer à ceux qui en disposaient une somme de 20.000 francs de provision au titre de la privation de jouissance subie ;
Attendu que la commune d'Hyères fait grief à la Cour d'appel d'avoir ainsi accueilli l'action possessoire en réintégration alors que, d'une part, aurait été méconnu le principe de la séparation des pouvoirs en ce que, s'agissant de droits sur une parcelle du domaine public maritime, le contrat en cause était administratif, et en ce que, sauf voie de fait qui ne serait pas caractérisée, le juge judiciaire ne peut donner d'injonction de rétablir l'accès d'une parcelle du domaine public au profit d'un groupement de particuliers ; et alors que, d'autre part, aurait également été violé l'article 1264 du nouveau Code de procédure civile, qui subordonne l'exercice de l'action en réintégration au respect des règles concernant le domaine public, lesquelles interdisaient de maintenir sur une parcelle dudit domaine un particulier ne disposant pas d'une autorisation administrative et de consacrer, même provisoirement, un droit d'occupation fondé sur un droit réel, tel un droit d'usage portant sur le domaine public ;
Mais attendu qu'ii résulte de la combinaison des articles 2282 et 2283 du Code civil et de l'article 1264 du nouveau Code de procédure civile que l'action possessoire en réintégration, fondée sur le principe selon lequel nul, fût-ce une personne publique, ne peut se faire justice à soi-même, est ouverte à tous ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement un immeuble et qui sont victimes, de la part d'une personne autre que celle dont ils tiennent leurs droits, d'une voie de fait, affectant ou menaçant arbitrairement leur possession, quand bien même l'auteur de la voie de fait prétendrait que cet immeuble fait partie du domaine public ou que l'application d'un contrat administratif est en cause ;
Attendu qu'en l'espèce, le caractère paisible de la possession, que les membres de l'amicale tenaient non de la ville d'Hyères, mais de l'association, n'était pas contestable et que la Cour d'appel a estimé à bon droit que les agissements de la commune, consistant à poser des plaques d'acier sur des serrures pour interdire l'accès des chambres-studios, constituaient une voie de fait ; qu'ayant ainsi caractérisé l'existence des conditions d'exercice de l'action possessoire en réintégration, c'est sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, ni les règles concernant le domaine public, que la Cour d'appel a mis la ville d'Hyères en demeure de rétablir le libre accès aux chambres-studios et l'a condamnée à verser une provision au titre de la privation de jouissance résultant de la voie de fait commise ; qu'ainsi, aucun des trois moyens ne peut être accueilli ; Et sur les troisième et quatrième moyens (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 26 novembre 1982 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.